Une "loi d'urgence" pour "reconstruire beaucoup plus vite"

Devant quelque 300 maires réunis ce 4 juillet à l'Elysée, Emmanuel Macron a annoncé qu'un texte de loi permettra d'"écraser tous les délais" suite aux destructions qui ont visé bâtiments, mobilier urbain et transports publics. Des aides seront déployées pour financer les réparations. Le chef de l'Etat a aussi évoqué des chantiers au plus long cours, du logement à l'éducation, sans entrer dans le détail.

Emmanuel Macron a annoncé ce mardi 4 juillet devant des maires de villes touchées par les émeutes de la dernière semaine un projet de loi pour accélérer la reconstruction après les destructions qui ont visé des bâtiments, du mobilier urbain et des moyens de transports : "On a un problème de délais. Nous allons présenter une loi d'urgence pour écraser tous les délais, avoir une procédure accélérée pour reconstruire beaucoup plus vite", a déclaré le chef de l'Etat, selon un participant. Son entourage n'a pas précisé dans l'immédiat quand serait présenté et examiné ce texte. Le président a aussi promis un accompagnement des collectivités "pour très vite pouvoir réparer" le matériel de vidéosurveillance cassé, ainsi que des aides financières aux villes pour les réparations concernant "la voirie, les établissements communaux, les écoles". "On va être extrêmement ferme et clair avec les assureurs, commune par commune", a-t-il encore dit lors de cette réunion à l'Elysée.

Il avait auparavant martelé, devant les maires de quelque 300 villes, que sa "priorité absolue" allait au rétablissement d'un "ordre durable", "y compris avec des moyens exceptionnels". Il s'est montré "très prudent" sur le reflux observé des violences, tout en considérant que le "pic" des premiers soirs était "passé".

Il a réaffirmé "le soutien, l'estime et la reconnaissance de la nation" aux élus. Treize "atteintes graves" aux élus ont été recensées, avait précisé mardi matin Gérald Darmanin. "Si vous êtes là, c'est que vous avez été victimes, parfois vous l'avez été de manière très directe et personnelle, vos familles et vos proches de manière intolérable et inqualifiable. Pour beaucoup d'entre vous aussi, vos agents municipaux ont été pris à partie et vos communes ont eu à vivre la dégradation de mairies, de commissariats, d'écoles", a dit Emmanuel Macron.

Celui-ci entend désormais mener un "travail minutieux" pour "comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces événements", "avant d'en tirer des conclusions", selon l'Elysée.

Le chef de l'Etat a aussi évoqué des chantiers au plus long cours, du logement à la décentralisation en passant par la justice des mineurs et l'éducation, sans entrer dans le détail. L'exécutif doit y travailler pendant l'été "pour déboucher sur des solutions très concrètes", car "on ne doit pas laisser la pâte retomber", a-t-il lancé en conclusion de cette séance qui n'était pas sans rappeler le "grand débat" lors de la crise des gilets jaunes. Il a promis un point d'étape "à la fin de l'été".

Parmi ces chantiers, il a dit vouloir "mieux accompagner, mieux responsabiliser et parfois mieux sanctionner" les parents d'enfants auteurs de violences. La veille, devant des policiers, il s'était déjà dit ouvert à des "sanctions financières" à l'encontre des familles à "la première infraction", une "sorte de tarif minimum dès la première connerie".

"Un moment de thérapie collective"

Dès le début de la réunion à 12h, des échanges très directs ont eu lieu entre les élus présents, ceux-ci se saisissant des micros pour prendre la parole tandis que le chef de l'Etat, assis face à eux, prenait des notes, ont raconté des participants.

"Les maires de droite proposent des solutions de droite, autorité, éducation, les maires de gauche des solutions de gauche, plus d'argent", a résumé Eric Straumann, maire LR de Colmar (Haut-Rhin), parti avant la fin.

Pour Patrick Jarry, maire DVD de Nanterre, "les conditions de travail et la mission des policiers sont un chantier incontournable". Patricia Tordjman, maire communiste de Gentilly (Val-de-Marne), a interpellé frontalement le président, estimant que "rien n'a été fait" depuis qu'il a été élu en 2017, "pire on nous retire des moyens. "La société bascule", s'est-elle alarmée devant le jeune âge des émeutiers.

Jean-François Copé, maire LR de Meaux, "ne croit pas à l'émeute sociale, l'émeute de la faim". "Il s'agit d'une folie non maîtrisée", a-t-il lancé, déplorant un recul de "l'autorité" car on "nous culpabilise sur la colonisation". Et d'estimer : la "République n'a pas à s'excuser, elle a déjà beaucoup fait pour les quartiers".

Parmi les premiers arrivés, Ali Rabeh, maire de Trappes (Générations), avait appelé à des "changements structurels des politiques publiques" pour "garantir la mixité sociale dans nos quartiers". Sinon "on aura de nouveau à déplorer des émeutes dans quelques années", avait-il dit à l'AFP. "C'est un moment de thérapie collective. Un moment extrêmement douloureux", renchérit Philippe Rio, maire communiste de Grigny, qui déplore plus largement un "lien fracturé depuis la crise des "gilets jaunes" et le mouvement [contre la réforme des] retraites".

A l'issue de ces échanges, le président devait faire un point de la situation en fin de journée avec la Elisabeth Borne et quelques ministres du gouvernement.

Commerces : du cas par cas

De son côté, la Première ministre s'est exprimée dans la matinée devant les députés de la majorité. "Avec le retour au calme, les débats vont reprendre, c'est normal, c'est démocratique, c'est très sain. Mais je pense que c'est important que cela ne prenne pas le pas sur l'unité nationale", a-t-elle déclaré. Plus tard à l'Assemblée, elle a assuré que la "réflexion de plus long terme" sur cette crise "aura lieu", tout en affirmant que le gouvernement n'avait "cessé d'agir pour les quartiers et pour la politique de la ville depuis six ans".

Également à l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a jugé que le problème posé par les émeutes était celui des "jeunes délinquants" et "pas des étrangers". Répondant à une question du député RN Michaël Taverne, le ministre de l'Intérieur a fait valoir que "moins de 10% des interpellés était étrangers" et "90% français". "40 personnes seulement étaient éligibles au centre de rétention administrative", a-t-il dit.

Sur le front économique, le gouvernement s'est dit ouvert à des "annulations" de cotisations sociales et fiscales "au cas par cas" pour les commerces vandalisés. "Quand votre commerce a été entièrement brûlé, que c'est le travail de toute une vie qui est réduit en cendres, il faut que l'Etat soit à votre côté", a lancé Bruno Le Maire lors d'un déplacement dans l'Essonne. A la demande du gouvernement, les assureurs ont accepté de "considérer des réductions de franchise", a-t-il ajouté.

Aucun chiffre n'a été donné dans l'immédiat sur le nombre d'entreprises qui pourraient être concernées par ces mesures exceptionnelles, à l'heure où l'Etat refuse de dégainer un nouveau "quoi qu'il en coûte". "Plus de 1.000 commerces ont été soit vandalisés, soit agressés, soit incendiés", a cependant indiqué le ministre de l'Economie.

  • Une centaine de bâtiments publics touchés en Île-de-France

Une centaine de bâtiments publics ont été dégradés ou détruits en Île-de-France par les émeutes de ces derniers jours, selon un décompte de la région qui doit voter ce mercredi 5 juillet un fonds d'urgence de 20 millions d'euros à destination des mairies et des commerces. Environ 140 communes d'Île-de-France, soit plus d'une sur dix, ont été touchées par les violences urbaines.

Dans ce total, la région compte 18 mairies centrales ou annexes endommagées, de même que 36 postes de police municipale. La région n'avait en revanche pas d'estimation sur le nombre de commerces touchés qui pourront demander une aide. Ces commerçants et artisans pourront demander une aide pour un montant allant "jusqu'à 10.000 euros", versé "après les assurances afin d'agir sur le reste à charge", a précisé la région dans un communiqué.

Les mairies, elles, pourront recevoir une aide de ce même fonds "au plus vite avant l'intervention des assurances, sous forme d'avances remboursables", afin de réparer les équipements publics "qui ont subi des dégradations", précise la région. Valérie Pécresse s'est rendue mardi matin à La Verrière (Yvelines), où 170 élèves de deux écoles primaires détruites vont être relogés à la rentrée dans un lycée de la même commune qui dispose de salles libres.

Parmi les 250 maires concernés reçus mardi à l'Elysée par le président Emmanuel Macron, près d'une centaine venait de la région-capitale, selon un décompte de l'AFP.

Les émeutes ont engendré un coût d'au moins 20 millions d'euros pour les transports publics dans la première région de France, selon une estimation lundi d'Île-de-France Mobilités (IDFM), autorité régionale des transports. Au total, 39 bus ont été brûlés en Île-de-France.