Urbanisme - Une proposition de loi veut rendre obligatoire l'information personnelle des propriétaires touchés par l'élaboration ou la révision d'un PLU
Yves Nicolin, député UMP de la Loire, et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 9 juin 2010, une proposition de loi visant à ajouter un alinéa à l'article L.123-10 du Code de l'urbanisme, traitant de la procédure d'adoption des plans locaux d'urbanisme (PLU). Ce texte propose que "les propriétaires dont les biens mobiliers ou immobiliers sont directement impactés par l'élaboration ou la révision d'un plan local d'urbanisme" soient "informés personnellement de ces modifications, et ce avant la validation du document d'urbanisme par l'exécutif local".
L'exposé des motifs accompagnant la proposition de loi indique qu'"à ce jour le Code de l'urbanisme n'impose pas aux collectivités qui s'engagent dans l'élaboration ou la révision d'un plan local d'urbanisme de tenir informé, en amont de la validation de ce document d'urbanisme, les propriétaires dont les biens, fonciers ou immobiliers, sont directement impactés par les orientations souhaitées par la collectivité".
La question du renforcement de l'information en matière d'élaboration ou de révision du PLU n'est pas nouvelle. Récemment, un député de l'Ardèche avait attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité de renforcer l'information à destination de certains publics tels que les personnes handicapées, blessées ou les malades hospitalisés (question n°44692 de M. Jean-Claude Flory, publiée le 17 mars 2009 au JO AN).
Le ministère interrogé s'était alors contenté de rappeler les textes en vigueur, en précisant que si l'article L.300-2 du Code de l'urbanisme prévoit l'obligation d'une concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées pendant toute la durée d'élaboration du projet de révision ou de modification d'un PLU, "le Code de l'urbanisme n'a pas défini un contenu minimal pour cette concertation dont les modalités doivent être déterminées en fonction des circonstances locales".
Toutefois, s'il est vrai que de nombreux propriétaires ne participent pas à la procédure d'élaboration ou de modification du PLU, soit qu'ils n'en ont pas eu connaissance, soit qu'ils s'en désintéressent, force est de constater que les textes actuellement en vigueur encadrent de manière effective l'information de la population concernée par le projet. En effet, les personnes impactées par l'élaboration ou la révision d'un PLU bénéficient de l'information au titre de la procédure de concertation prévue par l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme, notamment par la diffusion du bulletin municipal, par l'intermédiaire du site internet de la commune ou par la mention de la concertation qui doit être insérée, en application des dispositions de l'article R.123-25 du Code de l'urbanisme, en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département.
Par ailleurs, les textes encadrent l'information des personnes concernées sur l'organisation même de l'enquête publique prévue par l'article L.123-10 du Code de l'urbanisme, et à l'occasion de laquelle des observations peuvent être adressées par écrit au commissaire enquêteur. L'article R.123-14 du Code de l'environnement prévoit en outre qu'un avis d'enquête publique doit être publié en caractères apparents, quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés.
Sur le plan rédactionnel, le texte déposé devant l'Assemblée nationale soulève de surcroît plusieurs difficultés, qui constituent autant de risques au plan contentieux pour les communes. La première tient à la détermination des propriétaires "directement impactés par l'élaboration ou la révision d'un plan local d'urbanisme" et à l'établissement des critères permettant le recensement par les communes des personnes devant bénéficier de cette information privilégiée. Ainsi, si la collectivité territoriale n'informe pas personnellement un propriétaire qui s'estimerait directement "impacté" par l'élaboration ou la révision du PLU, celui-ci pourrait de ce fait solliciter l'annulation du PLU approuvé.
Ensuite, il conviendrait de préciser le moment où cette information privilégiée devra être faite. La proposition de loi indique qu'elle doit être donnée "avant la validation du document d'urbanisme par l'exécutif local", sans préciser s'il s'agit de la phase d'arrêt du projet de plan ou de la phase d'approbation du plan éventuellement modifié à l'issue de l'enquête publique, l'exécutif local n'ayant, en tout état de cause, pas la compétence en la matière. En effet, tant la délibération arrêtant le projet de plan que celle adoptant le PLU relève de la compétence du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale sur lequel le cas échéant la commune s'est déchargée de l'élaboration du plan.
Enfin, il serait opportun de préciser la teneur et les modalités de cette information. Le respect de l'obligation posée par la proposition de loi d'informer personnellement l'ensemble des personnes directement "impactées" par l'élaboration ou la révision d'un PLU suppose que la collectivité territoriale puisse être en mesure de prouver l'accomplissement de cette formalité en cas de saisine de la juridiction administrative d'un recours dirigé contre la délibération approuvant le plan. Ainsi, l'information ne peut se faire que par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette formalité pourrait donc se révéler particulièrement coûteuse pour les collectivités territoriales désireuses d'élaborer ou de modifier leur document d'urbanisme. Ceci est d'autant plus vrai, que les communes seront enclines à adresser cette information personnelle au plus grand nombre, pour prévenir tout risque de contentieux.
Fanny Morisseau, avocat à la Cour, Cabinet de Castelnau
Référence : proposition de loi n°2603 déposée le 9 juin 2010 devant l'Assemblée nationale.