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Une réouverture des frontières de l'UE - au mieux - bilatérale

Dans une circulaire aux ministres du 12 mai, le Premier ministre rappelle les mesures prises pour lutter contre la diffusion du Covid-19 en matière de contrôle aux frontières. Les frontières extérieures restent fermées jusqu'à nouvel ordre et le contrôle reste de mise aux frontières intérieures jusqu'au 31 octobre, l’accès restant en outre fortement restreint jusqu'au 15 juin, voire plus. Des premiers aménagements ont toutefois déjà été conclus avec l'Allemagne. En dépit des consignes de l'Union, la réouverture des frontières se fait en effet plutôt désordonnée.

Dans une circulaire aux ministres du 12 mai, le Premier ministre rappelle les mesures prises pour lutter contre la diffusion du Covid-19 en matière de contrôle aux frontières.

Frontières extérieures fermées "jusqu'à nouvel ordre"

Le chef du gouvernement y indique que les restrictions à l'entrée des personnes en provenance de l'extérieur de l'espace européen (ce dernier incluant, outre les États membres de l'UE, le Royaume-Uni, la Suisse, la Norvège, l'Islande, Monaco, le Saint-Siège, le Liechtenstein, Andorre et Saint-Marin) demeurent applicables "jusqu'à nouvel ordre".
Il rappelle que les – seules – personnes ayant séjourné [au cours du mois précédent] dans une région pouvant être considérée comme une zone de circulation de l'infection se verront appliquées les mesures de quatorzaine prévues par la loi du 11 mai prorogeant l'état d'urgence sanitaire "dès que le cadre réglementaire d'application de la nouvelle loi sera en vigueur". Parmi les textes attendus, figure notamment la liste des zones de circulation de l'infection, fixée par arrêté du ministre de la Santé, que la France est en train d'élaborer avec ses partenaires "pour qu'elle soit harmonisée au sein de l'espace Schengen".

Frontières intérieures : contrôle prolongé jusqu'au 31 octobre, et restreint au moins jusqu'au 15 juin

De manière générale, la France a de nouveau prolongé ses contrôles aux frontières intérieures – jusqu'au 31 octobre 2020 – à la fois pour cause de virus et de menace terroriste, comme le permet le code frontières Schengen. Pour mémoire, le contrôle aux frontières françaises est rétabli de manière ininterrompue depuis le 13 novembre 2015. 

Jusqu'au 15 juin – "sans préjudice de prorogations ultérieures", précise le Premier ministre –, ces contrôles donneront lieu au prononcé de refus d'entrée sur le territoire. Ne sont toutefois pas concernés par ces dispositions les ressortissants de l'espace européen (v. supra) ayant leur résidence principale en France ou en transit, les ressortissants de pays tiers résidant en France, les personnels des missions diplomatiques, consulaires ou des organisations internationales, les personnels de santé luttant le Covid, les travailleurs frontaliers, les personnes assurant le transport international de marchandises, équipages des vols passagers et cargos ou encore marins sur les navires de pêche.

"À ce stade", précise la circulaire, l'ensemble de ces personnes, comme les ressortissants nationaux, ne seront également pas soumises aux mesures de quatorzaine prévues par la loi. Elles sont en revanche soumises aux restrictions de déplacements par ailleurs en vigueur, et notamment la règle des "100 km" (voir notre article). Les personnes devant dépasser cette distance pour gagner leur lieu de résidence devront ainsi le faire "par la voie la plus directe".

Dans les prochains jours, l'exemption au refus d'entrée sur le territoire pourrait également être étendue aux travailleurs saisonniers agricoles, ressortissants d'un pays membre de l'UE, munis d'un contrat de travail avec une entreprise établie en France et aux travailleurs, ressortissants d'un pays de l'UE, dont la mission en détachement ne peut être reportée et correspond à un motif économique impérieux attesté par l'employeur.

Afin de faciliter les contrôles, les personnes ainsi susceptibles d'entrer en France doivent se munir d'une attestation de déplacement international dérogatoire, accompagnée des justifications idoines (le défaut de ces pièces pouvant conduire au refus d'embarquement). Les personnes assurant le transport international de marchandises sont dispensées de ces formalités, mais doivent être munies du certificat européen mis en place par la Commission européenne dans sa communication du 23 mars sur les "voies vertes", délivré par l'employeur. Afin d'éviter aux travailleurs frontaliers de la renouveler à chaque passage de frontières, l'attestation dispose par défaut de la même durée de validité que l'attestation de l'employeur qu'il doit par ailleurs tenir.

Outre-mer : interdiction de principe et quatorzaine en site collectif pour l'heure

L'entrée sur les territoires d'outre-mer fait l'objet de mesures "très strictes" : interdiction sauf motifs familiaux ou professionnels de nature impérieuse précisés par mesures réglementaires, sous condition de la production d'une attestation spécifique (différente selon que l'on soit en provenance de la métropole ou de l'étranger) et de mise en quatorzaine. Dans l'attente de la publication des mesures réglementaires, les personnes autorisées à entrer devront effectuer une "quatorzaine en site collectif". Pour les étudiants ultramarins en métropole désirant regagner leur collectivité, la quatorzaine pourra être mise en œuvre dans l'Hexagone lorsque les territoires concernés ne disposent pas des capacités suffisantes en la matière.

La Commission invite à une sortie du confinement dans l'ordre…

À défaut d'avoir réussi leur entrée en confinement (voir notre article), les institutions européennes espèrent que les États membres parviendront à se coordonner pour la sortie. Et compte bien les guider dans cette voie, comme en témoigne la publication au JOUE du 15 mai d'une communication "Pour une approche coordonnée par étapes du rétablissement de la libre circulation et de la levée des contrôles aux frontières intérieures", qui a notamment pour fin la restauration de "l'écosystème touristique" (la Commission ayant publié le même jour les "Orientations de l’Union européenne relatives à la reprise progressive des services touristiques et aux protocoles sanitaires dans les établissements du secteur de l’hébergement et de la restauration" ainsi que des "Lignes directrices sur le rétablissement progressif des services de transport et de la connectivité"). "À l’instar des décisions relatives au rétablissement des contrôles temporaires aux frontières intérieures, les décisions concernant la levée des contrôles devraient être prises en concertation avec les autres États membres, en particulier avec ceux qui sont directement concernés", explique la Commission, qui suggère plusieurs étapes : dans un premier temps, la levée partielle des restrictions et contrôles sur la totalité du territoire de l’UE en cas d’évolution favorable de la situation épidémiologique ou à défaut "pour les régions, les zones et les États membres qui présentent une situation épidémiologique favorable et suffisamment similaire"  ; dans un second temps, la levée générale des restrictions et contrôles.

… mais le multilatéralisme n'est toujours pas à l'ordre du jour

Sans grand succès toutefois. Le 16 mai, lendemain de la publication de ces consignes, l'Italie annonçait ainsi sa décision de rouvrir partiellement ses frontières dès le 3 juin. Le décret signé dimanche 17 mai par le président Conte ne prévoit ainsi plus "aucune limitation" aux déplacements à destination ou en provenance des membres de l'UE, des États parties à l'espace Schengen, du Royaume-Uni, d'Andorre, de Monaco, de San-Marin et du Vatican. Il autorise également les voyages professionnels d'urgence absolue ou pour raisons médicales avec le reste du monde du 3 au 15 juin. "Il est essentiel que nous puissions avoir des décisions coordonnées au niveau européen surtout sur l'infra-Schengen. Ce n'est pas le cas aujourd'hui", a déploré le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, lors d'un déplacement à Veules-les-Roses le 16 mai, une nouvelle fois placé devant le fait accompli, en réaction à l'annonce italienne.

L'Allemagne, de son côté, multiplie les accords bilatéraux. Si elle a décidé, avec l'Autriche, la France et la Suisse, de prolonger les contrôles à leurs frontières jusqu'au 15 juin prochain, Allemands, Autrichiens et Suisses ont de leur côté déjà autorisé entre eux certains déplacements à compter du 16 mai (pour rendre visite à ses proches ou assister à des "événements familiaux importants") et levé les barrières aux points de passage, les remplaçant par des contrôles aléatoires. Allemagne et Luxembourg ont également mis fin aux contrôles à leur frontières le 15 mai et des discussions sont également conduites avec le Danemark. 

Allemagne et France ont de même mené des discussions séparées. Les deux pays se sont accordés le 13 mai sur le principe de poursuivre l’ouverture coordonnée et progressive des points de passage à la frontière d'ici le 15 juin. Là aussi, des contrôles statiques permanents céderont progressivement la place à des contrôles "dynamiques et ciblés". De nouvelles exemptions, déjà mises en œuvre en Allemagne, sont également entrées en vigueur s’agissant de l’entrée sur le territoire français. Les conjoints séparés sont désormais autorisés à franchir la frontière pour se retrouver, de même que les franchissements de la frontière justifiés par l'exercice du droit de garde, de visite ou d'hébergement d'un enfant ou la poursuite de la scolarité, ainsi que la visite à un parent dans un Ehpad ou à un enfant dans une institution spécialisée. Une attestation unique franco-allemande, simplifiée, devrait également être mise à disposition dans les prochains jours.
"Nous rechercherons toujours la coordination à l'échelle européenne, mais nous n'hésiterons pas à prendre les décisions nécessaires si la coordination fait défaut", a ainsi indiqué l'entourage du ministre de l'Intérieur à l'AFP.

Référence : Instruction du Premier ministre du 12 mai 2020, n° 6167/SG