Val-d'Oise (95) : la culture managériale au coeur de la dynamisation des services

Le conseil général du Val-d'Oise a engagé depuis 1999 une ambitieuse opération de modernisation de l'action publique, basée sur le développement d'une culture de management par projets. Démarche participative de l'ensemble des cadres et plan de formation en sont la clé de voûte. Retour d'expérience.

"Quand on travaille aujourd'hui sur les projets de décentralisation, par exemple sur le transfert des TOS, on s'appuie désormais sur une méthodologie éprouvée en interne et une habitude de travail en commun entre les différentes directions concernées (éducation, RH, finances)". C'est pour Cédric Mauduit, chef de projet au service Méthodes et instruments de gestion du Val-d'Oise, le signe visible que la culture managériale et l'approche transversale des dossiers qu'elle privilégie sont bien rentrées dans les moeurs des cadres de direction de la collectivité.
La démarche de projet d'administration, lancée fin 1999, visait à développer un management par projets, avec la volonté de donner aux agents une vision plus lisible et mieux partagée des politiques prioritaires du conseil général. A la suite d'un diagnostic territorial réalisé auprès des Valdoisiens (35.000 retours) et des principaux acteurs économiques du département, une cinquantaine de cadres ont planché sur l'identification des grands enjeux qui en ressortait. Puis, c'est l'ensemble des 250 cadres qui a réfléchi, par groupes de travail inter-directions, aux principes et méthodes d'action à promouvoir. Enfin, tous les services (1.700 agents) ont été invités à décliner en projets de service ces priorités et méthodes d'action définies dans le document de référence. Sur 95 équipes mobilisées, les deux tiers ont fait remonter des propositions, soumises ensuite à la validation de la direction générale.

Formation au management pour les 250 cadres

Pour accompagner cette dynamique de projets et créer une culture managériale partagée entre directions, le conseil général a mis l'accent sur la formation des cadres et la mise à disposition de nouveaux outils communs. Le guide de la conduite de projet, élaboré en interne (mars 2001), détaille ainsi les grandes étapes à suivre (rédaction de l'avant-projet, constitution de l'équipe, cahier des charges et plan d'action, suivi des réalisations, évaluation...) et propose une dizaine de fiches-outils et fiches-conseils. Sur la base de ce guide, les cadres ont suivi une première formation.
Une cellule de pilotage conseille également les chefs de projet et veille à l'avancement des projets. Des outils de communication interne favorisent aussi la circulation de l'information et permettent de valoriser les projets de service (site intranet, espaces de travail collaboratif, journal interne, réunion des 250 cadres trois à quatre fois par an...).
Un second plan de formation au management, en direction de l'ensemble des cadres, a démarré en 2002. Il est constitué d'un module de base (cinq jours) et de modules d'approfondissement adaptés aux besoins et spécificités de chacun (gérer les conflits, animer et organiser son service, mener une négociation...). Des ateliers de management complètent le dispositif : par petits groupes mixant les services et directions, les cadres travaillent sur la mise en pratique des outils à partir de situations concrètes.

Du management par projets au management par objectifs

La direction générale se félicite des bénéfices de cette politique. Sur la centaine de projets de service validés, soixante ont vu le jour, réalisés à budget constant. Parmi les plus novateurs, la mise en place d'un observatoire départemental du territoire, la création d'une plateforme d'accueil expérimentale pour suivre le parcours des RMistes ayant des problèmes de santé ou de handicap, une démarche de territorialisation de la bibliothèque départementale de prêt...
Cela s'est traduit aussi dans le fonctionnement interne de la collectivité. Création d'une réelle dynamique dans certains services, méthodologie de projet et culture commune intégrées, moins de cloisonnements, bonne connaissance des politiques prioritaires... Quarante projets se sont néanmoins enlisés et des équipes sont restées en dehors de la démarche. Le mode projet, qui heurte le fonctionnement hiérarchique classique, a pu révéler certains dysfonctionnements et la circulation de l'information reste à améliorer.
Comment relancer et pérenniser la dynamique ? Pas forcément en répétant la démarche initiée en 1999, selon Cédric Mauduit. "D'une logique ascendante faisant remonter les propositions de l'ensemble des agents, on est plutôt passés à une logique descendante où les directeurs du service et leurs cadres définissent, en début d'année, les priorités de leur direction." Du management par projets au management par objectifs...

Emmanuelle Yohana / EVS Conseil pour Localtis

"Mener, dès le départ, une démarche participative avec l'ensemble des cadres"

Cédric Mauduit, chef de projet au service Méthodes et instruments de gestion, revient sur les conditions de réussite. Mais aussi sur les limites de la démarche de management par projets entreprise au conseil général du Val-d'Oise depuis quatre ans.

Quelles ont été les clés de la réussite de votre démarche ?

La mobilisation de tous les directeurs généraux adjoints, mais aussi l'implication et l'adhésion des cadres sont essentielles. C'est pourquoi il faut engager dès le départ une démarche participative avec l'ensemble des cadres de la collectivité pour qu'ils puissent se l'approprier. C'est ainsi que les cadres ont participé, à travers des groupes de travail, à la définition des politiques publiques prioritaires et des principes d'actions déclinés dans le document de référence de la démarche. De même qu'ils ont élaboré eux-mêmes le guide du management. Cela a évidemment bien plus d'impact que de mener une politique de management définie par une équipe restreinte de dix personnes. En contrepartie, la démarche participative demande beaucoup plus d'investissement et de temps, c'est plus lourd à mener. Par ailleurs, le fait de s'appuyer sur une enquête menée auprès de la population donne aussi une plus grande légitimité à la démarche.

Le développement d'un fonctionnement en interne plus transversal est aussi un axe fort de votre projet d'administration. Comment parvenir à cette transversalité ?

Déjà, la constitution de groupes de travail réunissant des cadres de différentes directions a permis aux uns et aux autres de mieux connaître les missions et activités de leurs collègues et de faire ressortir les problématiques communes au-delà de la diversité de leurs métiers. Dans le cadre des projets de service, on identifie clairement les directions partenaires à associer. Il s'agit donc de créer une structure de pilotage ouverte aux autres, la fiche-projet formalisant les objectifs communs et les responsabilités de chacun.
De plus, la création d'une culture de projet commune, aujourd'hui largement acquise parmi les cadres, permet à tous de partager un même langage (lettre de mission, diagramme de Gantt, plan d'action, chef de projet, maître d'ouvrage...). La possibilité de créer des espaces collaboratifs (par projet, par direction) sur l'intranet favorise grandement le partage et la diffusion de l'information entre les agents concernés.

Quelles sont les difficultés ou les limites principales que vous avez pu rencontrer ?

Plus on descend dans l'organigramme et plus l'application d'une démarche transversale devient compliquée. Les agents sont sur des sites éclatés, pris par leurs charges quotidiennes avec les usagers. Beaucoup ont encore du mal à communiquer entre services différents. Le problème est donc : comment mieux associer les agents de catégorie C à notre démarche ? Autre limite, l'évaluation. Si pour cette année, nous évaluons la concrétisation des projets engagés, nous n'avons pas encore mis en place d'indicateurs d'évaluation sur les objectifs initiaux. Il faut dire qu'il s'agit d'un travail de longue haleine, car la culture de l'évaluation est encore étrangère à la plupart des collectivités locales.
Enfin, face à une démarche qui peut surcharger le travail quotidien, il manque un système de reconnaissance des chefs de projet. De même qu'il n'y a pas encore de démarche d'évaluation collective - et donc de récompense - liée à la réalisation des objectifs fixés par chaque direction.

Un guide du management élaboré par et pour les cadres

"Manager en Val-d'Oise", publié en novembre 2004, n'est pas une compilation d'ouvrages de management, mais le fruit d'une réflexion collective et participative des cadres du département, à partir de leurs propres expériences, en vue de dégager des outils et principes d'action communs.

Pour accompagner la démarche de projet d'administration initiée en 1999 par le directeur général de services, la DRH a engagé depuis novembre 2002 un vaste programme de formation en direction de l'ensemble des cadres A et B du conseil général. Avec un double objectif. D'une part, créer une culture managériale partagée, en dégageant des valeurs de référence et des outils méthodologiques communs qui inspirent les pratiques de conduite de projet et de management au quotidien. D'autre part, clarifier et renforcer le positionnement des cadres, tant vis-à-vis de leur hiérarchie que de leurs collaborateurs.
Fil conducteur de cette formation, qui s'est déroulée sous forme de groupes de travail d'une douzaine de cadres de différentes directions : jouer sur la confrontation des expériences et l'enseignement que chacun peut en tirer afin de définir des préconisations valant pour l'ensemble des cadres du conseil général. Le guide en est la formalisation aboutie.
En 36 pages, il décline ainsi, dans une première partie, les valeurs (engagement et responsabilité, respect, intégrité et loyauté, équité, partage et professionnalisme) et, dans une seconde partie, les outils avec leurs modalités d'application (conduire le changement, déléguer, contrôler, évaluer annuellement les résultats et les performances, bien réagir aux comportements difficiles, accueillir de nouveaux agents...).
La DRH vient d'engager une démarche d'évaluation de cette formation et de l'utilisation du guide du management. Les résultats seront connus au cours du deuxième semestre 2005.

Le projet d'administration : cinq politiques prioritaires et sept méthodes d'action

Sur la base du diagnostic territorial réalisé à l'automne 1999, le conseil général du Val-d'Oise a défini, dans son document de référence, cinq champs prioritaires de sa politique départementale et sept principes et méthodes d'action qui doivent guider l'élaboration des projets de services.

Les cinq politiques prioritaires
- placer le développement économique au service de l'emploi,
- renforcer la sécurité,
- protéger l'environnement,
- agir en faveur de l'insertion et de la solidarité,
- promouvoir une politique globale de la jeunesse.

Les sept principes et méthodes d'action
- placer l'usager au coeur de l'action,
- mobiliser les ressources internes,
- fonctionner en mode projet,
- assurer la transversalité,
- travailler en partenariat,
- développer la territorialisation,
- faire vivre une éthique partagée.
 


Aller plus loin sur le web :
 
Le site du conseil général du Val-d'Oise.
http://www.cg95.fr

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