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Développement des territoires - Vers des "ateliers de l'ingénierie locale"

Des ateliers d'ingénierie locale vont être organisés dans les territoires ruraux et périurbains pour conduire des projets d'aménagement, a annoncé la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires, jeudi 7 janvier. Ces ateliers sont l'une des recommandations du rapport de l'architecte Frédéric Bonnet qui lui a été remis le même jour. Associant acteurs publics et privés, ils seraient un moyen de compenser le déficit d'ingénierie dans ces territoires.

Presque deux mois après l'annonce d'un plan pour le rural et le périurbain (voir ci-contre notre article du 13 novembre 2015), la ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité, Sylvia Pinel, s'est vu remettre le rapport de l'architecte Frédéric Bonnet, le 7 janvier. Pas moins de 80 collaborateurs ont contribué à cet ouvrage volumineux, dont nombre d'architectes et paysagistes. Leur crédo : redonner une dynamique à ces territoires relégués, "embarqués" malgré eux dans des phénomènes mondialisés dont ils ne récoltent pas les fruits, ou dont ils subissent les conséquences. Il faut "sortir d'un modèle hiérarchisé où domineraient les métropoles", plaident-ils, tout en mettant en valeur les ressources (alimentaires, énergétiques, biodiversité…) et les usages dont ils font profiter ces dernières. 
Frédéric Bonnet insiste sur la nécessité de renforcer la qualité des aménagements de ces territoires ruraux ou périurbains (appelés "campagnes urbaines"), mais les collaborateurs constatent dans le même temps un déficit de maîtrise d'ouvrage publique et d'ingénierie locale. Selon eux, il faut "mieux faire avec les outils d'aujourd'hui". Des conclusions qui s'inscrivent "parfaitement dans les orientations politiques" défendues par la ministre, à savoir "reconnaître les atouts et les spécificités des territoires ruraux et périurbains et leur donner les moyens de concevoir leur propre modèle de développement", se félicite le ministère, dans un communiqué. Seul problème : l'ingénierie de l'Etat a été déshabillée avec la disparition de l'Atesat et le dispositif de substitution, baptisé Aider (voir notre article ci-contre du 9 décembre 2015) ne concerne pour l'heure que quatre territoires!

 Passer aux travaux pratiques

Lors de son allocution au Cese, le 12 novembre dernier, Sylvia Pinel s'était limitée à annoncer la création d'un "lab du périurbain" - sorte de plateforme numérique rattachée au commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) - censé valoriser les expériences prometteuses dans ces territoires, le lancement d' "ateliers territoriaux de l'ingénierie périurbaine" et l'ouverture d'une nouvelle réflexion sur la revitalisation des centres-bourg, en partenariat avec Martine Pinville, la secrétaire d'Etat au Commerce. "L'enjeu est désormais de passer aux 'travaux pratiques', avec notamment la création d'ateliers de l'ingénierie locale pour sensibiliser tous les acteurs au développement et accélérer la mise en œuvre de projets globaux d'aménagement", souligne à présent le ministère. C'est aussi l'un des points sur lesquels insiste le rapport, alors qu'il y a peu à attendre en termes de crédits d'ingénierie. Ces ateliers pourraient ainsi associer les chambres d'agriculture, les Safer, le conservatoire du Littoral, les agences d'urbanisme, les agences de conseil (CAUE, ACE, PCE), les bailleurs, la Caisse des Dépôts, les services de l'Etat, les parcs naturels régionaux, les syndicats mixtes… Les collectivités nouvellement organisées en intercommunalités peuvent également mettre en place une SPLA (société publique locale d'aménagement), rappellent les rapporteurs.

"Beaucoup de territoires auront besoin de politiques publiques fortes"

Par ailleurs, une directive nationale d'orientation sur de nouveaux conseils aux territoires est attendue. Elle pourrait être l'occasion d'une "clarification de l''Etat vis-à-vis des collectivités locales", souligne le rapport. "Il est urgent que la fonction des services déconcentrés se stabilise, devienne pleinement lisible pour les collectivités locales, comme pour le citoyen ou les autres acteurs économiques..."
Le rapporteur revient également longuement sur la question de l'étalement urbain, des lotissements et sur la revitalisation des centres-bourg. Il recommande ainsi la création d'une agence nationale de la revitalisation rurale, sur le modèle de l'Anru.
Il préconise aussi une plus grande implication des citoyens dans les projets de territoire, ce qui commencerait par une "simplification radicale du jargon" et de "renoncer progressivement, mais définitivement aux acronymes" souvent imprononçables (PADD, Sraddt…).
Frédéric Bonnet émet aussi un gros bémol : "Compenser la faiblesse des budgets publics par l'action du privé est possible jusqu'à un certain point : cela pourra marcher, même en milieu rural, sur des territoires les plus attractifs. Mais beaucoup de territoires auront besoin de politiques publiques fortes, qui ne seront pas uniquement portées par les mots d'une communication habile." Il réclame ainsi des engagements en termes de moyens humains (maîtrise d'ouvrage locale, formation des élus) et sur le maintien des services publics… Il appelle également à une "nouvelle loi d'orientation foncière particulièrement volontaire", afin de réduire les écarts entre territoires.