Cinq questions à Damien Christiany - Vers un meilleur partage des compétences locales
Localtis.info : Tous les groupements de communes auront-ils défini l'intérêt communautaire le 18 août prochain ?
Damien Christiany : Il est difficile de le dire. Nous disposons cependant de quelques indices permettant d'être optimistes : sur les quelque 300 interventions que le service juridique de l'ADCF a effectuées au cours du premier semestre 2006, près de la moitié était liée à la définition de l'intérêt communautaire. C'est entre février et mai derniers que nous avons logiquement enregistré les plus fortes demandes en termes d'assistance. Les communautés se sont mobilisées autour de cette question.
Le délai imposé par la loi a-t-il constitué une contrainte ?
Il est important de distinguer deux délais. Il y a d'une part la date butoir du 18 août pour définir l'intérêt communautaire des compétences transférées au 13 août 2004. Il y a d'autre part, et nous l'oublions souvent, le délai de droit commun de deux ans pour définir l'intérêt communautaire des compétences qui auront été transférées ultérieurement au 13 août 2004. Le délai de deux ans court à compter de l'arrêté préfectoral prononçant le transfert de compétence.
Même si certaines communautés ont pu être contraintes par les délais, notamment les communautés de communes, il faut préciser que l'intérêt communautaire n'a pas à être figé au 18 août. Il s'agit d'une notion évolutive qui peut faire l'objet de révisions.
Quelles sont les conséquences de la définition de l'intérêt communautaire ?
Lorsque l'intérêt communautaire est défini, la communauté exerce de manière effective la compétence qui a été transférée. Par conséquent, les communes sont totalement dessaisies de la "partie" de compétence reconnue d'intérêt communautaire. Se pose également la question des moyens d'intervention de la communauté. Si la communauté exerce une compétence exclusive, l'ensemble des personnels communaux affectés à ladite compétence doivent théoriquement être transférés. C'est le cas de l'assainissement par exemple. Dans le cadre d'une compétence partagée, l'organisation interne des services peut dépendre de l'intensité de la définition de l'intérêt communautaire. Il est notamment envisageable de conclure des conventions de mise à disposition de services prévues par la loi du 13 août 2004. Il est aussi possible de réaliser un transfert de personnel vers la communauté suivi d'une mise à disposition auprès des communes. Enfin, la définition de l'intérêt communautaire a un impact financier important. Il revient à la commission locale d'évaluation des transferts de charges de déterminer le coût des charges transférées et de déterminer le montant des attributions de compensation.
Les groupements de communes ont-ils pris au sérieux l'exercice qui leur a été imposé ?
L'obligation de définir l'intérêt communautaire a incité certaines communautés à engager une réflexion plus globale sur l'exercice de leurs compétences et sur un toilettage de leurs statuts. Cela a été le cas pour les communautés de communes qui ont été encouragées à intégrer l'intérêt communautaire au sein des statuts par la circulaire du 23 novembre 2005.
Pour quelle compétence l'exercice de définition s'est-il révélé le plus délicat ?
La voirie sans doute pour laquelle il existe une circulaire spécifique. En ce domaine, il est possible de dresser une liste des voies transférées mais on peut également fixer des critères de type "voirie de desserte des zones d'activité économique" ou encore "voirie desservant un équipement communautaire". Les difficultés sont également liées à la question des dépendances de la voirie dont certaines relèvent traditionnellement du pouvoir de police du maire.
La définition de l'intérêt communautaire devrait logiquement constituer la formalisation juridique du projet de territoire, c'est-à-dire la traduction en langage juridique du projet politique de la communauté. Cet exercice correspond à une nécessaire clarification des compétences, tant dans les rapports entre les communes et la communauté que vis-à-vis du citoyen. L'intercommunalité doit apporter une plus-value dans la gestion des services publics communaux. Il est important que les habitants puissent appréhender le rôle et percevoir cette plus-value.
Propos recueillis par Thomas Beurey / EVS
La notion d'intérêt communautaire... sept ans après
Introduite par la loi ATR (loi relative à l'administration territoriale de la République) du 6 février 1992, la notion d'intérêt communautaire est consacrée par la loi Chevènement du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité.
Selon la circulaire du ministère de l'Intérieur du 5 juillet 2001, l'intérêt communautaire doit être compris comme "la ligne de partage au sein d'une compétence entre les domaines d'action transférés à la communauté et ceux qui demeurent au niveau communal". Cela concerne les domaines suivants : développement économique, habitat, aménagement de l'espace, voirie, création et gestion des équipements culturels et sportifs.
La loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 avait laissé un an aux communautés n'ayant pas encore défini leur intérêt communautaire pour qu'elles procèdent à cet exercice jugé essentiel. La loi du 13 juillet 2005 d'orientation sur l'énergie a repoussé ce délai d'une année supplémentaire.
La loi ne vise explicitement que les communautés qui n'ont pas défini l'intérêt communautaire de leurs compétences, mais certains EPCI déjà dotés d'une définition, ont saisi cette opportunité pour mettre cette définition en question.
Les règles d'adoption de la définition de l'intérêt communautaire varient suivant le type d'EPCI. Pour les communautés de communes, les communes définissent l'intérêt communautaire et adoptent le projet à la majorité qualifiée renforcée (toutes les communes dont la population est supérieure au quart de la population totale doivent se prononcer favorablement). Pour les communautés d'agglomération et communautés urbaines, une simple délibération de l'EPCI suffit, mais elle doit être approuvée à la majorité des deux tiers.