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Europe - Vers une révision de la directive européenne sur le détachement des travailleurs ?

A l'occasion d'une rencontre organisée le 26 juin 2015 à Bruxelles par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), le cabinet de la commissaire européenne Marianne Thyssen a mis en avant les priorités de la Commission européenne en matière d'emploi : la lutte contre le chômage des jeunes et contre le chômage de longue durée, et la revue, voire la révision, de la directive sur le détachement des travailleurs.

A l'occasion d'une rencontre organisée à Bruxelles par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis) le 26 juin 2015, Baudouin Baudru, expert au cabinet de Marianne Thyssen, commissaire européen en charge de l'emploi, des affaires sociales, des compétences et de la mobilité des travailleurs, a détaillé les principaux axes de la stratégie européenne de l'emploi pour la période à venir.
Premier point : lutter contre le chômage des jeunes, "un véritable fléau", d'après l'expression du conseiller. Dans l'Union européenne à l'heure actuelle, plus de 7 millions de personnes âgées de 15 à 24 ans sont sans emploi et ne suivent ni études ni formation. Le taux de chômage a diminué (de 23% en 2013 à moins de 21% aujourd'hui) mais il reste très élevé, atteignant plus de 40% dans plusieurs pays. Il représente plus du double du taux de chômage global (20% par rapport à 9%).
Pour lutter contre ce fléau, la Commission européenne a mis en place en 2013 l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) qui vise surtout à aider les jeunes qui sont sans emploi et qui ne suivent ni études, ni formation, dans les régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse 25%. L'IEJ dispose d'un budget de 6 milliards d'euros pour la période 2014-2020 (une enveloppe de 3 milliards d'euros issue d'une ligne budgétaire spécifique dédiée à l'emploi des jeunes et une dotation de 3 milliards d'euros supplémentaires du fonds social européen). Elle doit notamment permettre de financer la garantie pour la jeunesse, adoptée en février 2013, qui va proposer à tous les jeunes de moins de 25 ans, qu'ils soient inscrits au chômage ou non, une offre de qualité (emploi, apprentissage, stage, formation continue) dans les quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi.
Pour accélérer le mouvement, il a été décidé en février 2015 d'augmenter le taux de préfinancement de l'IEJ de 1% à 30%. Ainsi, la somme d'un milliard d'euros, contre 30 millions, sera préfinancée aux Etats membres pour la mise en place de projets destinés aux jeunes sur leur territoire. "Nous allons pouvoir passer à la vitesse supérieure, a affirmé Baudouin Baudru. Nous attendons partout une multiplication de projets, qui toucheront directement les jeunes." Une évaluation de la garantie pour la jeunesse est prévue l'an prochain.

Une révision de la directive sur le détachement des travailleurs ?

Autre axe prioritaire de la Commissaire européenne : lutter contre le chômage de longue durée. Dans ce domaine, "il s'agit de modifier les systèmes nationaux d'accompagnement des chômeurs, a détaillé Baudouin Baudru, et de coordonner l'ensemble des acteurs concernés, ceux du service public de l'emploi, mais d'autres aussi, pour offrir un paquet complet." L'idée d'un engagement de la part du demandeur d'emploi est envisagée, sur le principe d'un contrat impliquant les deux parties : d'un côté,  l'Etat l'aide à travers des allocations et un parcours vers l'emploi, de l'autre, le demandeur d'emploi fait le maximum pour retrouver un emploi. La Commission européenne doit transmettre d'ici juillet/août 2015 une recommandation au Conseil européen sur ce point, s'inspirant probablement de la garantie pour la jeunesse, avec une enveloppe dédiée.
La Commission européenne doit aussi se pencher sur l'employabilité des travailleurs, avec la question de la formation. Mais sur ce sujet, "nous en sommes encore au stade du recueil d'informations," a précisé Baudouin Baudru.
La question du détachement des travailleurs fait partie des priorités de la Commission européenne. A l'heure actuelle, le sujet est régi par la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014, destinée à améliorer et uniformiser la mise en oeuvre et l'application des dispositions sur le détachement des travailleurs datant de 1996. Mais "le texte actuel est ambigu, a affirmé Baudouin Baudru, il pose parfois problème". Une revue du texte est prévue, qui devrait probablement se transformer en révision, avec des modifications, car "tout le monde est d'accord pour dire que ce texte n'est pas satisfaisant." Les enjeux sont importants. En Europe, on estime à 1,5 million les personnes concernées. En France, le nombre de travailleurs détachés s'établit entre 220.000 et 300.000 salariés selon les sources d'information. Un accord entre les différents Etats membres a été trouvé en mars 2014 à ce sujet, permettant de pratiquer des contrôles approfondis, au-delà des éléments basiques habituellement contenus dans la déclaration de détachement. En France, plusieurs mesures ont été prises pour renforcer les contrôles, dans le cadre de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, dite loi "Savary" et du projet de loi pour la croissance et l'activité : devoir d'injonction du donneur d'ordre envers le sous-traitant, création d'une liste noire, augmentation du plafond de l'amende administrative, possibilité pour le préfet de suspendre une prestation de service, instauration d'une carte d'identité professionnelle.
"On a des situations d'abus de la directive pour avoir de la main-d'oeuvre à bon marché, qui n'est parfois même pas couverte par la protection sociale du pays d'où elle vient," a précisé Baudouin Baudru. Dans un premier temps, un état des lieux au niveau européen est envisagé pour mesurer l'ampleur du phénomène. Il permettra de dresser une cartographie de la situation en Europe. Des propositions de mesures concrètes seront ensuite élaborées.

Emilie Zapalski

La Commission européenne satisfaite des réformes engagées par la France
D'après le cabinet de Marianne Thyssen, commissaire européenne chargée de l'emploi, des affaires sociales, des compétences et de la mobilité des travailleurs, les réformes engagées par la France en matière d'emploi et de formation professionnelle vont dans le bon sens. "Nous partageons avec la France une communauté de vue sur les priorités à prendre et sur la manière de les mettre en oeuvre, même si les actions ne vont pas immédiatement agir, a ainsi précisé Baudouin Baudru, lors de la rencontre organisée le 26 juin 2015 à Bruxelles par l'Ajis. Même opinion concernant les mesures prises par la France en matière d'allègement social et fiscal pour les entreprises. "Une décision de la France que nous applaudissons. Cela prendra un moment pour agir, mais on constate déjà une baisse du chômage des jeunes et progressivement un retour de la croissance", a souligné l'expert.

E.Z.

 

 

 

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