Finances locales - Vers une stabilisation de l'investissement et de la dette des collectivités en 2016 ?

Publiée mercredi 11 mai, la "Note de conjoncture sur les finances locales" de la Banque postale comporte quelques (pas si mauvaises) surprises sur l'état des finances des collectivités en 2015, et laisse présager une stabilisation de l'investissement en 2016. De quoi nuancer quelque peu le discours alarmiste de certains élus ?

La Banque postale a publié, mercredi 11 mai, sa traditionnelle "Note de conjoncture sur les finances locales", qui présente ses anticipations sur l'évolution des finances des collectivités locales françaises en 2016.
Si l'année 2015 apparaît pour les collectivités locales comme une "année de reconstitution" de leurs marges de manœuvre financières au regard de la croissance de leur épargne brute et de leur trésorerie, cette situation ne se prolongerait cependant pas sur 2016. Ces tendances globales recouvrent des situations individuelles très différentes, rappelle Thomas Rougier, directeur des études secteur public local, qui a piloté ce travail.

2015, année "atypique"

Des premières estimations de l'exercice 2015 se dégageraient des résultats, pour certains anticipés, pour d'autres plus inattendus, faisant de ce millésime une année "atypique", notamment au vu de son positionnement dans le cycle électoral, a souligné en introduction Serge Bayard, président du conseil d'administration de la Banque postale collectivités locales. Ainsi, les dépenses d'investissement des collectivités locales ont reculé pour la deuxième année consécutive (-8,6%, après -8,8% en 2014), soit une baisse globale de 17,4%, proche du niveau annoncé par la Banque postale et l'AMF dans une étude parue en fin d'année dernière (voir ci-contre notre article du 21 décembre). De manière plus surprenante, alors que la Banque postale anticipait une baisse de 4% pour 2015 (voir ci-contre notre article du 29 octobre 2015), l'épargne brute des collectivités s'inscrirait en hausse (+1,8%, après trois années de baisse), et ce en dépit de la forte diminution des dotations de l'Etat.
Cette augmentation modérée résulterait d'une évolution identique des recettes et des dépenses de fonctionnement (+1,5%), grâce à une bonne orientation des premières et à une "maîtrise accentuée" des secondes. De fait, la bonne tenue des recettes de fonctionnement s'expliquerait par la hausse des droits de mutation et la croissance des recettes fiscales directes (+4,3% soit 3,3 milliards d'euros de plus), tandis que les dépenses auraient été contenues du fait de la baisse du montant des intérêts et d'une baisse limitée (-1%) des achats de biens et services.

Un levier fiscal "fortement mobilisé" par un tiers des départements

En 2016, l'évolution des dépenses de fonctionnement serait contenue (+1,8%, et +1,5% hors effet des mesures liées à la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement), mais supérieure à celle des recettes de fonctionnement (+1,0%, et +0,8% à champs constants). Les collectivités locales poursuivraient leurs efforts en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement, sans toutefois parvenir à une nouvelle décélération.
Les recettes subissent, de leur côté, la troisième année de baisse consécutive des dotations de l'Etat, mais les ressources fiscales augmenteraient de 3,0% (après +4,6% en 2015 hors impact de la réforme du financement de l'apprentissage). Le levier fiscal serait, en moyenne, utilisé de manière limitée par le bloc communal (+0,9% sur les taux d'imposition) et plus fortement par les départements (+5,4%). Ce chiffre cache pourtant une importante disparité : ainsi, près d'un tiers des départements augmenteraient les taux d'imposition de 13%.
Compte tenu de ces évolutions, le répit sur l'épargne brute observé en 2015 prendrait fin et les collectivités locales verraient à nouveau leurs marges de manœuvre financières se contracter en 2016 (-2,9%).

Stabilisation de l'investissement et faible recours à l'endettement

Pour autant, les dépenses d'investissement pourraient interrompre leur baisse sans toutefois amorcer de réelle reprise (-0,4%). Les investissements du bloc communal, en "légère hausse", ne seraient pas soutenus par les autres niveaux de collectivités locales. L'investissement se stabiliserait donc autour de 48 milliards d'euros, un niveau modeste, en-dessous du seuil symbolique des 50 milliards, équivalent à celui atteint en 2003 en euros constants. Il s'agirait malgré tout, pour Serge Bayard, d'une "bonne nouvelle pour le patrimoine public local" et les acteurs économiques tel le BTP. Toutefois, nuance-t-il, cette stabilisation "ne garantirait pas une reprise pour la fin des mandats municipaux et intercommunaux. Le redémarrage dépendra principalement des perspectives sur les équilibres financiers individuels des collectivités".
Ces investissements seraient financés quasiment sans accroissement de l'encours de dette (182,6 milliards d'euros en fin d'année, soit +1,1%, après +3,6% en 2015). Les emprunts mobilisés en 2016 enregistreraient en effet une baisse prononcée (-20,0%, après +10,8% en 2015). Le niveau de trésorerie des collectivités locales qui s'est accru considérablement en 2015, se stabiliserait en 2016, avec là encore d'importantes variations en fonction de la strate démographique à laquelle les collectivités appartiennent, les plus petites n'ayant pas la capacité de mettre en oeuvre une "gestion active" de ces fonds.
Au total, se dégage un tableau de l'état des finances locales moins sombre que prévu, confirmant la reprise modérée des investissements du bloc communal, déjà signalée par le baromètre de la commande publique récemment mis en place par l'ADCF et la Caisse des Dépôts (voir ci-contre notre article du 10 février).

Laurent Terrade

Quelle évolution pour les frais de personnel ?

Principal poste de dépenses des collectivités locales, les frais de personnel devraient s'élever à 65 milliards d'euros en 2016, enregistrant pour la deuxième année consécutive un ralentissement dans leur rythme de progression (+1,8%, après +2,0% en 2015 et +4,0% en 2014). Ils contribueraient ainsi à 36% de la hausse des dépenses de fonctionnement, contre une moyenne annuelle de 43% sur 2012-2016. Les collectivités locales poursuivraient leurs politiques de contrôle de la masse salariale, que ce soit en matière de recrutement, ou de politiques de primes.
A contrario, plusieurs mesures pour lesquelles les collectivités locales ne sont pas décisionnaires tendraient à faire augmenter les dépenses de personnel : le coût du dégel du point d'indice a été ainsi évalué à environ 650 millions d'euros pour les collectivités territoriales, dont un peu plus de 160 millions au titre de 2016.
Cette mesure générale pourrait être complétée par la reconduction de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa), non encore acquise. Par ailleurs, les revalorisations liées au protocole "PPCR" ont démarré au 1er janvier 2016 et s'étaleront jusqu'en 2020.
Enfin, la hausse du taux de la contribution employeurs à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au 1er janvier 2016 entraîne un surcoût estimé de 40 millions d'euros.
 

L.T.