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Ville et Banlieue : "Nos indicateurs de la situation sociale vont à l'encontre d'un certain discours très positif"

Un an après l'appel du 14 novembre 2020, les maires de l'association Ville et Banlieue ont rappelé les promesses de l'Etat pour la jeunesse et les confrontent à la réalité de la loi de finances 2022, à l'occasion d'une conférence de presse qui s'est tenue lors du Salon des maires 2021. 

"Un an après l'appel du 14 novembre signé par 200 maires avec l'Etat, le Premier ministre, la ministre de la Ville, nous avons obtenu des résultats, indéniablement", salue le président de l'association des maires Ville & Banlieue en ouverture de la conférence de presse qui s'est tenue le mercredi 17 novembre 2021, côté Salon des maires, à Paris. Mais. Car il y a un "mais", "un an après, les indicateurs que nous avons de la situation sociale dans nos quartiers et dans nos communes vont à l'encontre d'un certain discours très positif sur le retour à la normale, la fin prochaine du chômage, sur la situation économique et sociale qui s'amélioreraient", alerte le président Thierry Falconnet. Selon lui, "ce n'est pas vrai pour les quartiers populaires" où "paupérisation" et "'appauvrissement" sont patents. L'élu admet avoir de "vives inquiétudes pour la jeunesse des quartiers populaires". "Les maux structurels que nous avions dénoncés dans l'appel du 14 novembre continuent d'exister et ont même été amplifiés par la crise", résume-t-il. Dans leur déclaration publiée le 19 novembre, le ton s'est un peu plus durci : "Malheureusement, le Président de la République a balayé d’un revers de main ce constat. Il a même affirmé que nous étions en retard de 3 ans !", écrivent les maires de Ville & Banlieue qui s'avouent "surpris d’une telle attitude". Ils se disent cependant "disponibles pour travailler à des réponses concrètes, urgentes et pérennes", évoquant la "'dotation de surcharge scolaire', la pérennisation des cités éducatives et leur extension à tous les quartiers prioritaires, l’expérimentation des cités olympiques, le fléchage du droit commun dans nos territoires, la compensation intégrale de l’exonération de TFPB sur le logement social".

Dans le bilan de l'année écoulée, figure en avant-poste le Conseil interministériel des villes qui s'était réuni en janvier 2021 à Grigny (lire notre article du 29 janvier). Le président de Ville & Banlieue en rappelle les principaux aboutissements : plus deux milliards pour l'agence de renouvellement urbain (Anru), 1,3 milliard de crédits du plan de relance dédiés spécifiquement aux quartiers, des annonces importantes concernant la prévention avec le déploiement des "bataillons de la prévention" (une appellation sur laquelle tous les membres de l'association butent en y associant l'adjectif "fameux" à bataillons car ils auraient "préféré un autre terme"), un vaste plan de rénovation et de construction d'équipements sportifs… "Indéniablement il y a eu des avancées obtenues de haute lutte", résume Thierry Falconnet.

Un annuaire des quartiers d'ici la fin 2021

Le président de l'association s'est évertué à "mettre du positif" et à ne pas peindre un tableau trop sombre. "Nous avons des ressources importantes", citant "des villes plus jeunes", "des populations engagées à nos côtés". Il a évoqué la prochaine publication de l'annuaire des quartiers qui doit revaloriser l'image des quartiers populaires. "Entre l'hyper médiatisation de l'échec et l'hyper médiatisation de la réussite, il y a dans nos territoires le quotidien", a fait valoir Driss Ettazaoui, vice-président de l'association Ville & Banlieue. "Ce à quoi aspirent les concitoyens de ces territoires, c'est la normalité de ce quotidien à travers les médias", poursuit-il. "Il y a une vraie richesse dans ces territoires qui concentrent souvent une énergie importante, associative, de création d'entreprise. Ils sont souvent des laboratoires d'idées, d'initiatives". D'où l'idée de créer cet annuaire des quartiers qui sera publié d'ici la fin de l'année 2021 en partenariat avec BFMTV et dans lequel les habitants volontaires s'inscrivent afin d'être directement contactés par les médias. 

Des cités éducatives pour tous les territoires volontaires 

A ses côtés, la 1e vice-présidente, Catherine Arenou, a embrayé sur le même ton. "Ce n'est pas parce qu'il y a un plan de relance qu'il s'arrête dans nos quartiers", déplorant que "l'on voit une reprise des emplois un peu partout mais pas forcément dans nos quartiers". La maire de Chanteloup-les-Vignes a beaucoup insisté sur la demande de changement de méthode, écartant celle qui consiste à tout faire passer par "le système des appels à projets" (notre interview du 10 novembre), "faciles à communiquer pour un gouvernement" mais "illisibles pour des territoires". Catherine Arenou se félicite que les cités éducatives, issues du plan Borloo, aient fait leurs preuves durant le confinement. "Notre demande est que tous les territoires qui sont volontaires pour porter des cités éducatives puissent le faire", a souligné la vice-présidente, regrettant que le dispositif n'en soit encore qu'au stade expérimental.

Le "quoi qu'il en coûte" a des répercussions sur la capacité à investir dans les banlieues

Autre vice-présidente présente lors de cette conférence de presse, Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, a alerté quant au fait qu'il existe beaucoup de personnes en grande précarité dans les quartiers qui n'ont pas été éligibles au chômage partiel car elles travaillaient par intérim et dont "les situations se sont dégradées depuis". Avec 10 à 20 points d'écart par rapport au taux de vaccination national, l'élue cite l'exemple des centres de vaccination dans les quartiers comme étant emblématique d'"une fracture entre les différents territoires". Concernant les "fameux" bataillons de la prévention donc, l'élue souligne le fait qu'une fois les annonces faites, il a fallu trouver les moyens de les mettre en œuvre. Selon elle, le coût de la crise dans les villes de banlieue, le "quoi qu'il en coûte", a des répercussions pour demain sur la capacité à investir dans les grands programmes de renouvellement urbain.

Gilles Leproust, secrétaire général de l'association, a pour sa part rappelé que l'une des demandes importantes de Ville & Banlieue était la mise en place d'un Conseil national des solutions. Il a insisté sur le fait qu'il faut valoriser toutes les expériences et les réussites qui existent sur ces territoires. L'une de ses premières propositions est l'expérimentation des 100 cités olympiques à l'image des cités éducatives afin que les quartiers et les villes populaires ne vivent pas les Jeux olympiques Paris 2024 "uniquement derrière la télévision, par procuration".

"On perd 3 milliards dans les villes où il y a le plus de logements sociaux"

Autre représentant et vice-président de Ville & Banlieue, Marc Goua, porte une revendication précise et narre l'objet de sa matinée à Bercy pour rencontrer le ministre du Budget. Il raconte avoir fait une demande concernant la compensation de l'exonération des logements sociaux de la taxe foncière sur les propriétés bâties. "Une très bonne chose pour que les loyers soient le plus abordables mais par contre c'est une perte sèche pour nos collectivités car l'Etat ne compense que 6% de la perte", regrette Marc Goua qui s'appuie sur un rapport récent de deux sénatrices. "Ce matin, j'ai appris ce chiffre : on perd 3 milliards dans les villes où il y a le plus de logements sociaux, donc les villes de banlieue". Marc Goua dénonce le fait que le système serait compensé par la cotation de solidarité urbaine : "C'est nous qui la finançons à travers la non-compensation". Il réclame un plan de rattrapage, sur 5-6 ans.  

Egalement présent à cette conférence, Jean-Philippe Acensi, président de l'Agence pour l’éducation par le sport (Apels) et de l’Association nationale de la performance sociale du sport (ANPSS), a quant à lui défendu le sport comme un moyen d'accompagnement des jeunes. "Ce premier conseil national des solutions à Bercy avait vocation à montrer ce qu'il se passe de positif dans les territoires et construire un écosystème vertueux qui parte du terrain et des choses qui ont marché. Je crois en ce couple 'fédérations-collectivités locales' qui se réunit autour de projets", a-t-il conclu.