Villes Internet alerte sur la persistance d’inégalités sociales et territoriales

Réunie pour le cinquième congrès national des élus au numérique lundi 16 octobre, l'association Villes Internet a remis le lendemain sa motion à la ministre déléguée chargée des collectivités, Dominique Faure. La motion contient pas moins de 46 propositions "concrètes" autour de quatre enjeux : "l'égalité d'accès au numérique", "la stratégie numérique responsable", "le pilotage des services publics numériques avec les collectivités locales" et "les risques numériques".

"À l'heure de la mi-mandat des élus municipaux, ce congrès est le moment pour les maires et élus locaux délégués au numérique d’évaluer les actions restant à mener", a déclaré Mathieu Vidal, président de l'association Villes Internet en introduction du cinquième congrès national qui s'est déroulé lundi 16 octobre au Sénat. Les échanges se sont tenus devant une centaine d’élus au numérique représentant des associations d'élus partenaires (1), réunis pour rédiger ensemble la motion 2023 sous le co-parrainage de la sénatrice d'Ille-et-Vilaine et membre de la Cnil, Sylvie Robert,  et le président de l'Avicca et vice-président de la FNCCR, Patrick Chaize. "Tout en reconnaissant le travail réalisé" - de la loi Reen en passant par le plan France relance et le financement des conseillers numériques France Services (CNFS) - les élus au numérique alertent, dans leur communiqué publié le 17 octobre, "sur la persistance d’inégalités sociales et territoriales".

Égalité d'accès au numérique : le "défi social et territorial numéro un"

Cette motion est le résultat d'un travail de trois mois de préparation porté par l’association Villes Internet. Elle se caractérise cette année par 46 propositions concrètes autour de quatre enjeux majeurs. S'agissant du premier, "garantir l’égalité d'accès au numérique", Sylvie Robert estime qu'il s’agit du "défi social et territorial numéro un, qui conditionne la réussite de nos politiques publiques numériques. Sans égal accès, point de succès". Ainsi, sous cette bannière, l'association "exige la finalisation du déploiement des réseaux THD suivant les contrats signés". Elle suggère de définir ce qu'est le "raccordement complexe" et d'obliger les fournisseurs à publier les calendriers de déploiement. Elle préconise aussi de garantir et simplifier l'accès aux services publics. Elle insiste sur le "maintien d'un accueil humain en complémentarité de la dématérialisation". Elle appelle enfin de ses vœux la pérennisation et mutualisation du financement des conseillers numériques.

Des alternatives aux appels à projets

Afin de répondre au deuxième enjeu, "accompagner la stratégie numérique responsable face à l’urgence de la transition écologique", outre la lutte contre les obsolescences, la préconisation d'un usage plus sobre du numérique et la sensibilisation des citoyens, Villes Internet suggère aux collectivités d'accélérer la mise en oeuvre de leur stratégie numérique responsable.

Pour répondre au troisième enjeu, celui du pilotage des services publics numériques avec les collectivités locales, l'association réclame un meilleur accompagnement des démarches de mutualisation des collectivités dans le déploiement des solutions numériques. Elle insiste notamment sur le fait qu'il faut proposer des alternatives aux appels à projets pour financer les initiatives numériques des petites collectivités. Dans son discours, Sylvie Robert a elle aussi alerté sur ce point : "Je surveille une tendance avec une extrême vigilance : l'accroissement exponentiel des appels à projets, pilotés notamment par l'ANCT. Il faut impérativement prendre garde à ce que ces appels à projets ne finissent pas par exclure, de fait, de nombreuses collectivités qui n'ont pas l’ingénierie adéquate pour postuler", a-t-elle déclaré avant de poursuivre en faisant référence aux fractures françaises "si bien décrites par Jérôme Fourquet" : "Je milite, y compris auprès des autorités compétentes, afin que ces appels à projets intègrent les problématiques de développement équilibré des territoires et de l’égal accès aux services publics locaux."

Villes Internet estime enfin qu'il faut "prendre en compte l’impact du numérique sur les budgets des collectivités", pour pouvoir reconnaître tous les coûts du Saas (2) comme de l'investissement, optimiser la dépense publique en facilitant l’élaboration de solutions réplicables notamment avec les licences libres et surtout "accompagner les collectivités pour le financement des surcoûts liés aux impératifs numériques", faisant référence au risque cyber mais également à l'accessibilité.

"Prévenir et réduire durablement les risques numériques"

C'est d'ailleurs en partie l'objet du quatrième enjeu : "prévenir et réduire durablement les risques numériques". L'association préconise d'accompagner les collectivités pour conserver la maîtrise de leurs données mais surtout d'accompagner la création d'un plan de défense associé à une politique de sécurité du système d'information (PSSI). Elle propose notamment de "développer des moyens de sensibilisation des agents et élus qui doivent faire face à des obligations de dématérialisation exponentielles", de "doter les collectivités de moyens humains et financiers pour faire face au risque de cyberattaque" ou encore "d'établir un plan de gestion de crise et de continuité de l'activité et de cyberattaque, mobilisable jusqu'aux plus petites communes".

La motion n'est pas sans évoquer la question du recours à l'intelligence artificielle, qui devrait se faire en "développant et diffusant une intelligence artificielle publique de confiance mise à disposition des collectivités et des citoyens" tout en anticipant "les risques sociaux de transformation des métiers". Pas une mince affaire. 

Dirigés vers la plateforme "Solutions d'élus"

Dans son discours enregistré et retransmis lors de la clôture du congrès des élus au numérique, Dominique Faure a rappelé que les élus pouvaient partager leurs actions en matière de numérique sur la plateforme "Solutions d'élus" de l'ANCT. "Je reconnais le rôle central des collectivités territoriales dans ce défi", a-t-elle assuré, rappelant que l'ANCT, avec l'incubateur des territoires, la Société du numérique et la direction des infrastructures du numérique proposent "un ensemble de solutions afin de mettre en oeuvre vos politiques publiques sur ce sujet".

La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité n'a pas manqué d'assurer que, sur les quatre enjeux identifiés, le gouvernement et le Parlement étaient à leurs côtés. Et de citer "le plan France très haut débit", "la mise en place du Haut Conseil pour un numérique écoresponsable dont la feuille de route vient renforcer les dispositions de la loi Reen" et le "financement des postes de conseillers numériques". Sans oublier les propositions d'accompagnement de la Société numérique de l'ANCT pour prévenir des risques cyber.

(1) AMF, Ville & Banlieue, AMIF, APVF, FNCCR, AMRF
(2) "Software as a Service" en français "logiciel en tant que service"

 

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