Restrictions de circulation en ZFE-m : les polices municipales peuvent, en théorie, jouer du contrôle automatisé

Pris dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), un décret modifiant certaines dispositions du code de la route a été publié au Journal officiel ce 7 juillet.

Pris dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, un décret modifiant quelques dispositions du code de la route a été publié au Journal officiel ce 7juillet.

Extension, facultative, des compétences des polices municipales…

Principale mesure, le décret dispose que les agents de police municipale peuvent constater par procès-verbal, via des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé, les contraventions aux dispositions réservant une voie de circulation à certaines catégories de véhicules commises sur autoroutes, à l'intérieur du territoire communal. Un dispositif prévu dans le cadre de la création des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), dans la mesure où certaines de ces dernières peuvent intégrer en partie des voies du domaine routier national.

Consulté sur ce texte, le Conseil national d’évaluation des normes avait rendu un avis défavorable provisoire le 9 décembre 2021. D’une part, du fait de l’absence de consultation des associations nationales représentatives des élus locaux par le ministère de l’Intérieur, d’autre part, et surtout, compte tenu de l’absence d’étude d’impact sur le financement des équipements nécessaires. "Même si cette extension de compétences est facultative, il apparaît que cette réforme sera de nature à générer des surcoûts d’investissement substantiels pour les collectivités" et pourrait "être de nature à générer une charge de travail supplémentaire pour les agents de police municipale", pointait-il. Considérant que cet investissement "ne doit pas être exclusivement supporté par les collectivités", et faute d’accord avec le gouvernement, il avait demandé une nouvelle délibération.

À l’occasion de cette dernière, tenue le 3 mars 2022, le ministère avait fait valoir qu’avaient notamment été associées aux travaux interministériels concernant la mise en œuvre du contrôle automatisé des infractions aux restrictions de circulation au sein des ZFE-m les métropoles du Grand Paris, de Lyon, de Grenoble, de Nice, de Rouen, de Reims et de Saint-Étienne, alors "pressenties pour expérimenter ces dispositifs". Il avait par ailleurs insisté sur le fait qu’il "ne s’agit pas d’une compétence obligatoire nouvelle, mais bien d’une extension facultative des compétences de la police municipale". Il avait encore rappelé que le gouvernement s’était "engagé à prendre une part significative dans le financement de ces dispositifs". Il avait enfin argué "qu’à partir du moment où la création d’une ZFE-m […], la détermination des critères de circulation dans ces zones, les dérogations individuelles pouvant être accordées pour certaines catégorie de véhicules, relèvent de la compétence exclusive de l’autorité locale, il n’est pas exclu que les collectivités territoriales soient parties prenantes sur le plan financier pour l’acquisition, l’installation et la maintenance des dispositifs, voire également pour mobiliser des effectifs de police municipale en vue de constater les infractions qui sont issues des contrôles opérés". Non sans convaincre, puisque le Cnen avait in fine donné un avis favorable au texte.

… et pour l’heure théorique

Reste que cette nouvelle compétence reste pour l’heure théorique. Dans un récent rapport (voir notre article du 14 juin), le Sénat relève en effet que les modalités de contrôle de ces ZFE-m restent "floues", alors que "l'État s'était pourtant engagé dès 2018 à mettre en œuvre des modalités de contrôle en circulation par vidéo et en stationnement et la coopération des forces de l'ordre et des services de l'État, dans l'objectif de constater et de traiter les infractions de manière automatique". Les sénateurs constatent qu’"à la suite de nombreux reports, le ministère de la Transition écologique prévoit à ce jour un déploiement de cet outil [les "dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules"] d'ici le deuxième semestre 2024 [voir notre article du 10 janvier]. Cette échéance correspond à environ quatre années de retard par rapport à l'horizon initialement prévu".

Ils soulignent encore que "s'il est possible de recourir au contrôle manuel par les polices municipales, cette piste est en réalité bien souvent écartée pour plusieurs raisons. D'abord, les agents de police municipale ont en règle générale d'autres priorités à traiter […]. Ensuite, l'enchevêtrement des compétences en matière de ZFE-m complexifie leur contrôle". Ils observent ainsi que "la plupart des agglomérations ont donné consigne de ne pas procéder au contrôle manuel ni à la verbalisation en cas de non-respect des règles fixées en ZFE-m". Et de conclure que "la mise en œuvre souvent précipitée des ZFE-m, compte tenu du calendrier très resserré fixé à l'échelle nationale, conduit à ne pas en contrôler les règles ce qui, de facto, en réduit non seulement l'efficacité, mais aussi la crédibilité".

Autres dispositions

Le décret étend par ailleurs le champ des infractions pouvant être constatées par des appareils de contrôle automatiques au non-respect des limites de poids des véhicules et aux véhicules circulant en marche normale sur la voie de gauche d’une chaussée à double sens de circulation. Il dispose que le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule concerné est redevable pécuniairement de l’amende en résultant. De même en cas de dépassement par la gauche gênant la circulation en sens inverse.

Sont en outre dorénavant punies d’une contravention de 5e classe les instructions incompatibles avec l’ensemble des dispositions relatives à la réglementation sur le poids des véhicules données par l’employeur ou tout donneur d’ordre respectivement à un salarié ou à un transporteur routier.

Le décret opère encore quelques ajustements çà et là, relatifs notamment aux voies réservées. Ainsi, est désormais considéré comme très gênant pour la circulation publique l'arrêt ou le stationnement d’un véhicule sur les chaussées et voies "réservées à certaines catégories de véhicules, sauf en cas de nécessité absolue" (quand n’étaient visées jusqu’ici que "les chaussées et voies réservées à la circulation des véhicules de transport public de voyageurs, des taxis ou des véhicules d'intérêt général prioritaires"). Il prévoit encore que tout conducteur se trouvant dans la nécessité absolue d'immobiliser son véhicule doit le faire en dehors des voies de circulation "ou, en cas d'impossibilité, au plus près du bord droit de la chaussée".

 
Référence : décret n°2023-563 du 5 juillet 2023 portant diverses mesures en matière de sécurité et de circulation routières, JO du 7 juillet 2023, texte n°8