Zones franches urbaines : Marseille veut réussir la passe de deux

Pour sa zone franche urbaine de seconde génération, la municipalité de Marseille espère tirer partie de la dynamique engendrée par la première ZFU. Mais si les enjeux sont similaires, la réalité du terrain rend le pari plus audacieux.

Marseille est la seule ville du pays, avec Strasbourg, à bénéficier de zones franches urbaines des deux générations. Une attribution qui doit autant à l'influence de son sénateur-maire, Jean-Claude Gaudin, inventeur du dispositif lors de son passage au ministère de l'Aménagement du territoire, de la Ville et de l'Intégration en 1996, qu'à la réussite avérée de sa première ZFU. Couvrant une partie des 15e et 16e arrondissements des quartiers nord, un secteur disposant de grandes réserves foncières et desservi par une bretelle autoroutière, cette dernière a permis d'attirer, en cinq ans, près de 1.300 entreprises dans une zone jusque-là peu prisée des investisseurs. Dans le lot, on retrouvait pêle-mêle des TPE artisanales, des PME, mais aussi quelques majors multinationales comme AOL, Alcatel, Mitsubishi qui n'étaient pour la plupart pas éligibles aux exonérations de charges prévues dans le dispositif mais attirées par la localisation avantageuse. Cet engouement, qui ne s'est pas démenti depuis, a généré la création de près de 8.000 emplois. Un peu plus d'un tiers des postes créés (36%) a bénéficié aux habitants du secteur, soit un niveau supérieur au seuil de 20% imposé.
Cette dynamique a évidemment eu un impact positif sur la courbe du chômage dans ces quartiers, celle-ci étant passée de 30,7% à 23,5% à la fin 2004. Une baisse sensible qui n'a tout de même pas suffi, loin de là, à effacer tous les problèmes économiques et sociaux dans les grands ensembles HLM.

Moins de réserves foncières

Ce constat a poussé Jean-Claude Gaudin à militer pour la reconduction du dispositif... avec succès puisque Marseille a obtenu, en 2004, une reconduction du dispositif sur un nouveau territoire, deux fois plus étendu que le précédent. Couvrant un périmètre de 509 hectares à cheval sur les 14e et 15e arrondissements, celui-ci conjugue noyaux villageois, grandes cités d'habitat social et friches industrielles. Mais contrairement à la première ZFU, ce territoire ne recèle pas de vastes réserves foncières comme la zone de Saumaty-Séon, poumon économique de la zone franche de première génération. Une réalité qui fait de cette seconde ZFU un pari plus risqué. Il est en effet plus facile d'attirer des entreprises dans une zone tertiaire desservie par une autoroute que dans des pieds d'immeubles ou dans des friches dont il faudra payer la reconversion...
Ainsi, Marie-José Garcia-Bienvenu, chef de projet ZFU à la direction du développement économique de la communauté urbaine, estime qu'"il ne faut sans doute pas s'attendre à des résultats aussi spectaculaires" que pour la première expérience. Il s'avère donc nécessaire de conjuguer efforts publics et privés pour faire de la seconde ZFU une réussite. Or la volonté est là. "Un dispositif d'aide des propriétaires privés au recyclage de leurs locaux a été mis en place", explique la chef de projet. La ville est par ailleurs en train de négocier l'acquisition d'un terrain et d'un bâtiment.

Conjuguer actions publiques et privées

En effet, Marseille compte notamment "y développer des programmes de bureaux accessibles aux jeunes créateurs d'entreprises à faibles moyens", poursuit Marie-José Gracia-Bienvenu, dans le cadre de la politique d'insertion des jeunes créateurs par l'économique. Il s'agit là d'accompagnements techniques, afin de guider les porteurs de projet dans leur parcours administratif et les orienter vers les structures ressources (Urssaf, chambres consulaires...). La cellule ZFU de la communauté urbaine a également mobilisé une quinzaine d'agents immobiliers pour faire de la prospection foncière et faire remonter du terrain toutes les offres susceptibles d'intéresser un chef d'entreprise ou un porteur de projet. Mais c'est aussi grâce à la volonté d'acteurs privés que la seconde ZFU prend son essor. Ainsi, "l'opération la plus importante est Station Alexandre, programme de reconversion d'une ancienne gare de triage porté par Sylvie Caulet, expert-comptable marseillaise", précise la chef de projet ZFU (lire ci-contre). La conjugaison des mobilisations des acteurs privés et publics permet, plus d'un an après la création de la nouvelle zone franche, de dénombrer 20 projets immobiliers "d'importance". Et à fin 2004, elle regroupait 415 entreprises - dont 67 nouvellement créées - employant 2.200 salariés.
Du côté de l'Etat, on estime que la première ZFU marseillaise a représenté une enveloppe d'exonérations fiscales de 15 à 20 millions d'euros selon les années. Soit autant que l'enveloppe investie chaque année par l'ensemble des partenaires de la politique de la ville dans le grand projet de ville Marseille-Septèmes. Compte tenu de la surface de la seconde ZFU, l'intervention de l'Etat pourrait doubler et atteindre 40 millions d'euros annuels. Enfin, la communauté urbaine marseillaise est sur le point de finaliser une convention avec les partenaires institutionnels de la zone franche, qui devrait déboucher sur la mise en place d'un comité de pilotage et de plusieurs groupes de projets (foncier, création d'entreprises, insertion/retour à l'emploi).

William Allaire / Innovapresse Marseille pour Localtis

"Il ne faut pas s'attendre à des résultats aussi spectaculaires"

 

Marie-José Garcia-Bienvenu est chef de projet ZFU à la direction du développement économique de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole.

Plus d'un an après son lancement, quel bilan dressez-vous des implantations et des investissements dans la seconde ZFU marseillaise ?

A la fin juin 2005, la direction du développement économique et des affaires internationales (DDEAI) de la communauté urbaine recense 20 projets immobiliers d'importance sur deux grands secteurs de la nouvelle zone franche urbaine. Cette nouvelle offre représente une surface constructible totale de 42.121 m2, dont 22.611 m2 autour du secteur de la Cabucelle (15e arrondissement), et 15.075 m2 autour du boulevard Charles-Moretti (14e arrondissement). Plus d'un tiers de cette offre (14.449 m2) concerne des projets de réhabilitation.
D'autre part, selon l'Urssaf, à la fin 2004, la seconde ZFU regroupait 415 entreprises employant 2.200 salariés ayant bénéficié des exonérations de cotisations sociales. La masse salariale correspondante aux effectifs exonérés est de 18 millions d'euros. Parmi ces 415 entreprises : 327 étaient déjà présentes sur la zone, 67 y ont été créées et 21 existaient ailleurs qui ont transféré leur établissement dans la ZFU.

A la différence de la première ZFU, la seconde est plus proche de la typologie de la majorité des autres zones franches. Comment la ville appréhende-t-elle cette nouvelle donne ?

Il ne faut sans doute pas s'attendre à des résultats aussi spectaculaires pour la seconde ZFU que pour la première. Les conditions ne sont pas les mêmes. Le profil économique et social de ces quartiers s'avère très différent. Il existe, certes, un tissu dense d'entreprises et de sociétés de services, qui oeuvrent localement depuis longtemps, mais ce tissu concerne une majorité de TPE relativement dispersées sur le territoire. En revanche, l'offre foncière et immobilière pour des activités économiques étant quant à elle beaucoup plus rare, il est logique que les entreprises déjà installées soient les premières bénéficiaires du dispositif.

Y a-t-il des actions d'accompagnement prévues ?

Au vu du contexte, un grand chantier en matière immobilière et foncière est donc à développer. Celui-ci passe obligatoirement par une forte mobilisation des acteurs en place (agents immobiliers ou autres acteurs structurants en matière immobilière), par une forte mobilisation de gros propriétaires privés sur des zones d'activités économiques jugées pertinentes, par la mise en place d'un dispositif d'aide des propriétaires privés au recyclage de leurs locaux à l'instar de ce qui est fait sur le boulevard de la Méditerranée. La ville doit en parallèle se donner les moyens de maîtriser des espaces fonciers à la vente, afin notamment d'y développer des programmes de bureaux accessibles aux jeunes créateurs à faible moyen. Sur ce dernier point, l'achat d'un terrain et d'un bâtiment d'environ 6.000 m2 est en cours de négociation.

 

Une nouvelle dynamique pour la seconde ZFU

 

La nouvelle zone franche urbaine héberge 45.900 résidents et affiche un taux de chômage de 27%. Avec 1.625 établissements, son tissu économique recèle tous les types d'établissements, de la TPE au grand groupe, de l'artisanat au commerce en passant par l'industrie, les services, la culture...

Un ensemble hétérogène auquel la ville espère insuffler une nouvelle dynamique. Du côté de la direction du développement économique et des affaires internationales (DDEAI) de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole l'optimisme est de mise : les fonctionnaires affirment avoir recensé une vingtaine de projets réhabilitation représentant un potentiel foncier d'environ 40.000 m2.

 

9.500 m2 de bureaux dans une ancienne gare de triage

 

Investir 12 millions d'euros dans la réhabilitation d'une friche industrielle située au Canet, dans les quartiers nord de Marseille, au coeur du périmètre de la nouvelle zone franche urbaine. C'est le pari un peu fou que s'est lancé Sylvie Caulet, une expert-comptable installée dans la cité phocéenne. Avec l'aide des banques, cette fille d'architectes a posé, en octobre 2004, la première pierre des travaux de restructuration des 9.500 m2 d'une ancienne gare de triage construite au début du 20e siècle pour stocker les oléagineux destinés aux huileries et aux savonneries. D'ici la mi-2006, cet entrepôt à ossature métallique de type Eiffel sera transformé en centre de vie et d'affaires. Baptisée "Station Alexandre", cette immense galerie verra cohabiter trois restaurants, une agence bancaire, un guichet de poste, deux centres médicaux et une centaine de TPE et PME artisanales ou de services. Ces dernières pourront louer des locaux sur place (au tarif minimum de 550 euros par mois).

L'aménagement du projet sera piloté par l'architecte marseillais Eric Castaldi, auteur de la réhabilitation des docks à la Joliette, devenus en quelques années le centre névralgique d'Euroméditerranée.
Le financement des travaux (estimé à 6,4 millions d'euros) est assuré par Sylvie Caulet et un prêt de la Caisse d'épargne. L'expert-comptable a monté une SCI qu'elle détient à 49% - la Caisse des Dépôts étant l'actionnaire majoritaire avec 51% du capital - pour gérer les travaux et le futur centre de vie.

 

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