Logement - 2012, annus horribilis du crédit à l'habitat
Dans le n°18 de ses "Analyses et Synthèses" (juillet 2013), l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) - autorité administrative indépendante placée auprès de la Banque de France et chargée de surveiller l'activité des banques et des assurances - publie une étude très documentée sur "Le financement du logement en 2012". Titre qu'il convient de comprendre comme le financement de l'accession à la propriété par le système bancaire.
Le grand plongeon pour la production de prêts
Ce document d'une trentaine de pages commence par dresser le tableau du marché des crédits à l'habitat. Personne ne s'étonnera d'y lire que 2012 a connu "une activité en forte contraction dans un contexte de baisse des prix". Alors que, dans l'ancien (principal segment du marché), les prix reculaient de 2% (contre une progression de 3,7% en 2011), les transactions se contractaient de 12,2%, pour finir l'année sur un total de 707.000 unités vendues, sensiblement inférieur à la moyenne sur longue période de 764.583 unités.
S'agissant de la production des crédits à l'habitat, le terme de plongeon semble plus adapté que celui de baisse, puisque le recul est de 31,6% par rapport à 2011, pour atteindre un total de 98,5 milliards d'euros de prêts à l'habitat. Le chiffre est en phase avec celui relevé, de façon plus empirique, par l'Observatoire crédit logement/CSA au premier semestre 2012 (voir notre article ci-contre du 25 juillet 2012).
Ce recul est supérieur à celui observé en 2008, lors de l'éclatement de la bulle immobilière. Dans ces conditions, la progression de l'encours des prêts à l'habitat affiche sa plus faible progression depuis le début de 2003, soit 2,8% en janvier 2013. Le volume de l'encours atteint, à cette date, 877,8 milliards d'euros. En 2012, Les primo-accédants représentent environ 20% de la production de prêts. Mais le marché reste principalement animé par les ménages déjà propriétaires.
L'étude de l'ACP apporte aussi d'autres enseignements. Ainsi, l'investissement locatif représente, en 2012, 15,5% de la production de prêts, une proportion stable par rapport à l'année précédente. En termes géographiques, l'Ile-de-France représente 25% de la production, un chiffre également stable.
Le montant de l'emprunt progresse, sa part dans l'achat du bien recule
L'ACP s'intéresse aussi au profil de risque des emprunteurs. Il apparaît ainsi que, malgré la baisse des prix, le montant moyen du prêt est en légère progression, pour s'établir à 135.900 euros. Cette moyenne nationale recouvre toutefois des écarts géographiques importants, liés au coût du logement. Le montant du prêt moyen dépasse ainsi 190.000 euros en Ile-de-France, alors qu'il se situe autour de 120.000 euros en province.
Autre constat : la durée initiale des prêts (moyenne des durées d'emprunts pondérée par encours, pour une année donnée) reste stable à 19,8 années, mais la durée effective (moyenne, pondérée par les encours, des durées des emprunts à la date de leur amortissement - à l’échéance ou par anticipation) continue de progresser. Elle passe en effet de 12,9 ans en 2011 à 13,3 ans en 2012. A l'inverse, la part de l'emprunt dans le financement du bien immobilier lors de l'octroi du prêt (ou LTV : loan to value) diminue nettement. La LTV moyenne passe ainsi de 81,2% de la valeur du bien immobilier en 2011 à 78,5% en 2012. Elle reste toutefois supérieure à la LTV observé en 2008, autour de 74%.
Enfin, le taux moyen d'endettement (rapport entre l'ensemble des charges des emprunteurs et leurs revenus) reste stable à 30,5%, signe que les banques ne relâchent pas la pression sur les critères malgré le recul de la production de prêts. La part de ménages emprunteurs les plus endettés tend même à diminuer, passant de 23,4% en 2011 à 21,9% l'an dernier.
Plus de crise, mais pas plus de sinistres
Malgré la crise et le contexte pour le moins déprimé, la sinistralité reste contenue. Le "taux de crédits à l'habitat aux particuliers douteux bruts" progresse ainsi modérément de 1,41% à 1,47% sur la période. Pour sa part, le taux d'encours douteux bruts passe de 3,18% à 3,32%. Il était encore de plus de 4,5% au début des années 2000. Ceci n'empêche pas le coût du risque de remonter en 2012, passant de 4,3 points de base en 2011 à 6,1% l'an dernier. Ce chiffre est toutefois encore loin des records de 2008-2009 (plus de 9 points de base).
Le dernier volet de l'étude de l'ACP est peut-être le seul qui ouvre un espoir pour l'avenir. Il confirme en effet la "forte baisse des taux des crédits" en 2012, qui semble au demeurant se poursuivre cette année. Il reste maintenant à savoir si baisse des prix et baisse du coût du crédit combineront leurs effets pour relancer un marché profondément déprimé.