Accès aux soins - 6,5 millions de bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS et des contrôles renforcés
Dans son rapport d'activité 2014 - particulièrement riche en informations -, le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU) souligne "l'évolution rapide" des effectifs de la CMU complémentaire (CMU-C). Ceux-ci ont en effet progressé de 6,5% l'an dernier, pour atteindre un total de 5,20 millions de bénéficiaires, tous régimes confondus (dont 4,69 millions pour le régime général). Cette progression représente 311.000 nouveaux bénéficiaires sur un an, après 350.000 titulaires supplémentaires en 2013.
Relèvement du plafond et "dégradation de la conjoncture"
Le fonds avance deux raisons pour expliquer cette hausse très soutenue. La première tient à la mesure de revalorisation exceptionnelle du plafond de la CMU-C, entrée en vigueur le 1er juillet 2013 et qui a continué de produire ses effets l'an dernier. La seconde réside dans "une dégradation de la conjoncture". Un graphique présenté par le rapport d'activité montre ainsi une très nette corrélation entre l'évolution du chômage et celle de la CMU-C. De façon logique, il en est de même si on rapproche cette dernière de l'évolution du nombre des bénéficiaires du RSA socle.
En métropole, les bénéficiaires de la CMU-C représentent aujourd'hui 7% de la population, contre près d'un tiers (32%) dans les DOM. Les départements métropolitains affichant les taux les plus élevés de bénéficiaires se situent principalement dans le Nord, le grand Sud-Est et la région parisienne. A l'inverse, les départements de la Bretagne, du Massif central et de l'Est présentent les taux les plus faibles. Toujours en métropole, cinq départements rassemblent presque 24% des bénéficiaires de la CMU-C, pour les trois principaux régimes, alors qu'ils ne représentent que 15% de la population.
En termes sociodémographiques, "la population des bénéficiaires de la CMU-C est particulièrement jeune et plus féminine" : 44% des bénéficiaires ont moins de 20 ans (contre 24% pour la population générale), 5% seulement des bénéficiaires ont plus de 60 ans (contre 24%) et 57% des bénéficiaires de plus 20 ans sont des femmes (contre 52%).
Progression ralentie pour l'ACS
De leur côté, les bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) - qui couvre les personnes dont les revenus sont légèrement supérieurs au plafond d'accès à la CMU-C - ont progressé l'an dernier de 3,9% : 1,2 million de personnes ont ainsi bénéficié d'une attestation ACS au cours de l'année.
Cette évolution s'explique essentiellement par l'effet mécanique du relèvement du plafond intervenu au 1er juillet 2013. Hors effet plafond, le nombre d'attestations ACS a reculé de 11,4% au premier semestre 2014 et progressé de 1,8% au second semestre.
La répartition sociodémographique des bénéficiaires de l'ACS est sensiblement différente du profil des titulaires de la CMU-C. Pour le régime général par exemple, les moins de 16 ans représentent 23,8% du total et les plus de 60 ans 35%. Les bénéficiaires de l'ACS sont ainsi plus âgés que la moyenne de la population générale (25%) et beaucoup plus âgés que les titulaires de la CMU-C (5,1%).
Des soupçons de fraude
Hasard ou contre-feux à cette forte progression ? : au moment où le fonds CMU publie ses chiffres 2014, se profile la perspective d'un contrôle renforcé sur les ressources des bénéficiaires de la CMU-C. D'un côté, dans un communiqué du 6 mai 2015 publié lors de la remise du rapport du fonds, Marisol Touraine affirme "sa mobilisation totale contre le renoncement aux soins pour des raisons financières". La ministre des Affaires sociales et de la Santé rappelle notamment le relèvement du plafond en 2013 et les divers autres aménagements intervenus depuis lors (voir nos articles ci-contre).
D'un autre côté, l'assurance maladie laisse filtrer - dans un article du quotidien Le Parisien - des informations sur une expérimentation de renforcement des contrôles sur les bénéficiaires de la CMU-C, à partir d'une vérification des mouvements sur les comptes bancaires des intéressés. Un message clair sur un prochain renforcement de la lutte contre la fraude. Sur un échantillon - modeste - de mille bénéficiaires de la CMU-C, environ 20% présenteraient des revenus supérieurs aux plafonds. La moitié d'entre eux pourrait basculer sur l'ACS, mais l'autre moitié pourrait se voir retirer le bénéfice d'un financement de la couverture complémentaire.
Ce coup de projecteur n'est évidemment pas étranger au rapport que finalise la Cour des comptes sur le manque de contrôle de la CMU et les dérives de la dépense afférente (même si celle-ci demeure au final relativement modeste, de même que la consommation médicale des bénéficiaires). Il faut également y voir un lien avec la volonté affichée du nouveau directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie de sensibiliser les bénéficiaires potentiels de la CMU-C et de l'ACS qui ignorent leurs droits à une couverture complémentaire. Un enjeu de taille, puisque le nombre total de bénéficiaires - actuels et potentiels - de la CMUC-C est estimé à environ huit millions de personnes. Difficile de lancer une action d'envergure pour accroître le nombre de bénéficiaires tant que subsistent des soupçons de fraude...