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Marchés publics - Abandon de la procédure pour motif d'intérêt général : pas d'indemnité pour le candidat

Dans un arrêt du 17 septembre 2018, le Conseil d'État a statué sur l'indemnisation d'un candidat évincé lors de procédures de délégation de service public (DSP). L'occasion de rappeler les règles relatives à l'infructuosité d'une procédure ainsi que les éléments pouvant être érigés en critères de sélection des offres.

En l'espèce, la commune de Fréjus avait lancé une procédure de DSP sous forme de concession pour l'aménagement et l'exploitation des lots de plages.
Titulaire sortante, la société Le Pagus s'est portée candidate lors du renouvellement de la DSP. La commune a toutefois déclaré cette procédure infructueuse et une seconde procédure a été lancée à l'issue de laquelle la société Le Pagus n'a pas été retenue.
Estimant que son éviction de ces deux procédures était irrégulière, la société malheureuse a saisi le tribunal administratif (TA) de Toulon d'une demande tendant à ce que la commune lui verse 1.023.020 euros au titre de son manque à gagner et 50.000 euros au titre de ses frais de soumissionnement.
Le TA puis la cour administrative d'appel (CAA) de Marseille ayant rejeté ses demandes, la société Le Pagus s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'État.

Pas d’obligation de conclure un marché pour la collectivité

Cette affaire a notamment permis à la haute juridiction administrative de rappeler les règles de l’infructuosité ainsi que les conséquences pour le candidat en cas l’interruption d’une procédure pour motif d’intérêt général.
Concernant la première procédure avortée, la société Le Pagus était la seule candidate. La commune avait abandonné la procédure, faute de concurrence suffisante. Elle avait alors décidé de considérer cette procédure comme infructueuse. Le TA avait réfuté l’emploi de la notion d’infructuosité. Il avait à ce titre annulé la délibération du conseil municipal déclarant la procédure infructueuse. En effet, une procédure infructueuse est caractérisée lorsqu’aucune candidature n’a été remise ou bien lorsqu’il n’a été proposé que des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables.
Ce n’était pas le cas en l’espèce puisque la société Le Pagus avait bien déposé une offre qui, de surcroît, était conforme au règlement de consultation.
Bien que le TA ait annulé la déclaration d’infructuosité, il n’avait pourtant pas fait droit aux demandes indemnitaires de la société. Les juges d’appel ont également refusé d’y faire droit, considérant qu’en cas d’interruption de la procédure pour motif d’intérêt général, les candidats ne pouvaient prétendre à une indemnisation au titre du manque à gagner.
En effet, la commune restait libre d’interrompre la procédure pour un motif d’intérêt général, en l’espèce l’absence de concurrence.
Lors de l’audience au Conseil d’Etat, Gilles Pellisier, rapporteur public, a insisté sur cette liberté. Prônant la liberté contractuelle, il a indiqué que l’acheteur public devait conserver une large marge d’appréciation concernant la détermination de l’intérêt général. Il a également rappelé que "le lancement d’une procédure n’entrainait pas l’obligation pour l’acheteur de conclure un contrat".
Les juges de cassation ont donc confirmé l’analyse des juges d’appel, le refus de poursuivre la procédure pour motif d’intérêt général ne permettant pas d’indemnisation au titre du manque à gagner.

Le montant de la redevance, un critère de sélection comme les autre

Concernant la seconde procédure, la société Le Pagus avait cette fois-ci estimé que son éviction était irrégulière au regard d’un critère de sélection basé sur le montant de la redevance. Le Conseil d’État a estimé que dans le cadre d’une DSP qui porte également autorisation d’occupation du domaine public, la commune "peut librement négocier avec les candidats {…} l'ensemble des éléments composant leur offre, y compris le montant de la redevance domaniale, afin de rechercher la valorisation optimale de son domaine".
Dès lors, ce critère étant tout à fait légal, l’éviction de la société n’était pas irrégulière. Elle ne pouvait alors pas prétendre à une indemnité au titre des frais de présentation de son offre.

Référence : CE, 17 septembre 2018, n° 407099

 

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