Accélération des procédures d’autorisations environnementales et libération des friches : un décret d’application de la loi Industrie verte en consultation

C’est un décret fleuve d’une centaine d’articles que le ministère de la Transition écologique vient de soumettre à consultation du public jusqu'au 6 avril. Le texte, qui est avant tout un décret nécessaire à l’application de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 pour accélérer l'implantation de nouvelles usines - s’agissant notamment de paralléliser la participation du public, les consultations et l’instruction pour les autorisations environnementales -, contient également toute une batterie de mesures de simplification en matière d’environnement.

Après un premier projet de décret (voir notre article du 15 mars 2024) axé sur l’accélération des procédures préalables à l’implantation des projets industriels stratégiques relevant de l’industrie verte, c’est un autre projet de texte nécessaire à l’application de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023 qui est soumis à consultation du public jusqu’au 6 avril prochain. Ce texte réglementaire très volumineux, que l’on peut qualifier de "décret balai" (une centaine d’articles au total), comporte également une série de mesures d’amélioration et de simplification de diverses procédures applicables en matière d’environnement, parfois tirées d’autres véhicules législatifs - loi Asap en particulier -, ainsi que des dispositions induites par les articles 5, 11 et 27 de la loi du 10 mars 2023 d’accélération de la production des énergies renouvelables (dite Aper), concernant notamment les procédures dérogatoires en matière d’autorisations administratives pour accélérer le raccordement des projets industriels nécessaires à la transition énergétique.  Plusieurs instances consultatives ont déjà donné leur feu vert, dont le Conseil national d’évaluation des normes et le  Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, qui ont respectivement émis un avis favorable les 7 et 12 mars derniers. 

Accélérer l’instruction des autorisations environnementales

L'objectif est ici de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations pour l’implantation de nouvelles usines en les ramenant de 17 mois à neuf mois. 

- Sur ce chapitre, le principal apport de la loi Industrie verte (art.4) est la parallélisation de la phase d'examen et de consultation du public. Ce "tir groupé" ne peut débuter qu’à compter de la réception d’un dossier "complet et régulier". Autrement dit, la loi établit "de manière implicite une étape de vérification de la recevabilité du dossier". En plus du projet de décret (art.18, 20 et 22), qui prévoit notamment la possibilité de faire une demande de compléments (art.R. 181-16 du code de l’environnement), le ministère de la Transition écologique annonce la publication d’une instruction aux services déconcentrés pour préciser "le degré attendu de vérification afin de laisser la souplesse nécessaire aux services instructeurs, en fonction des enjeux des projets". Il est par ailleurs prévu par le texte que l’autorité administrative compétente pour autoriser le projet ait la possibilité de demander des compléments sur les pièces déposées dans le dossier pendant la phase d’examen et de consultation.

Dans cette nouvelle phase d’examen et de consultation, les avis (avis des maires, autorité environnementale, services et organismes) seront mis à la disposition du public au fil de l’eau au cours de l’examen du dossier. Le projet de décret (art.20) prévoit que la transmission de la demande aux collectivités locales et à l’autorité environnementale a lieu dès que le dossier est complet et régulier (art.R. 181-17). Les avis sont pris en compte  au plus tard "jusqu’au jour de clôture de la consultation du public". Dans les cas résiduels soumis à enquête publique ou à participation du public par voie électronique (PPVE), des adaptations sont prévues. Il est également proposé de solliciter les services contributeurs au plus tard au moment de la transmission de l’information de l’ouverture de la phase d’examen et de consultation au pétitionnaire. La transmission des avis exprimés à l’autorité environnementale est maintenue "uniquement dans le cas où la consultation prend la forme d’une enquête publique". Moyennant là encore quelques adaptations pour que le dossier comporte toutes les pièces requises. 

Le projet de décret (art.38) prévoit de maintenir la possibilité de rejeter le dossier au cours de la phase d’examen et de consultation uniquement lorsqu’il y a un avis conforme défavorable ou lorsqu’il y a incompatibilité entre le document d’urbanisme et le projet (et que la procédure de révision du document d’urbanisme n’est pas engagée). 

-Une nouvelle procédure de participation dite "consultation parallélisée" à mi-chemin entre la participation du public par voie électronique (PPVE) et l'enquête publique est en outre créée, dont les modalités sont précisées par le décret (art.2, 8, 18, 20, 21, 22, 39, 40 et 41). Celle-ci sera applicable aux projets relevant du champ de l’autorisation environnementale, soumis ou non à évaluation environnementale. "Néanmoins, l’enquête publique et la PPVE pourront encore s’appliquer dans des cas résiduels, tels que précisés à l’article L.181-10 du code de l’environnement", précise la notice de consultation. Dans la mesure où cette nouvelle procédure respecte "une temporalité différente de l’enquête publique", le projet de décret (art.7 et 19) adapte les modalités de saisine du président du tribunal administratif en vue de la désignation du commissaire enquêteur (art.R.181-16-1). 

Cette consultation hybride, réalisée sous la forme dématérialisée (la création d’une plateforme dédiée est d’ailleurs prévue), comprend une réunion publique d’ouverture et une de clôture, en présence du commissaire-enquêteur et du pétitionnaire. "Elle permettra à chacun de connaître, au fur et à mesure de leur émission, les observations et propositions du public, les avis de toutes les instances consultées dans le cadre des procédures, des maires et de l’autorité environnementale", souligne le ministère. 

Le projet de décret reprend en partie la liste des pièces du dossier soumis à enquête publique "tout en les adaptant". Le texte précise également le rôle du commissaire enquêteur dans la conduite de la consultation, et notamment les éléments qu’il doit rendre publics tout au long du processus (art.R.181-37). À l’issue de la consultation, il devra communiquer son rapport et ses conclusions motivées sur le site dédié, pendant une durée d’un an et au plus tard à la date de publication de la décision. Dans le cas où le rapport ainsi que les conclusions motivées ne sont pas transmises dans le délai légal de trois semaines suivant la clôture de la consultation, une synthèse des observations du public et des réponses du pétitionnaire sont rendues publiques sur ce site par l’autorité compétente pour autoriser le projet (art.R.181-38). Il s’agit de permettre au préfet "de prendre sa décision en prenant en considération les observations et propositions formulées pendant la consultation ainsi que les éventuelles réponses du pétitionnaire", relève le ministère. Une instruction devrait en dire davantage sur les échanges entre le commissaire-enquêteur et le pétitionnaire. 

- On notera au passage que le décret adapte d’autres éléments de procédure existants. C’est le cas de la mise à disposition du public des avis des collectivités territoriales et de l’autorité environnementale requis au titre de l’évaluation environnementale (art.R.122-7 du code de l’environnement/art.3 du décret) et pour la suppression du certificat de projet (art.R.181-4 à R.181-11 du code de l’environnement/art.16 du décret). Il prévoit (art.6 et 12) la nomination d’un suppléant dès la désignation du commissaire-enquêteur, ce suppléant prenant directement la suite en cas de défaillance du commissaire-enquêteur (R.123-4 et R.123-27-4). 

- Cas de la consultation publique conjointe. L’alinéa 2 du I de l’article L.181-10 du code de l’environnement mentionne que lorsque l’autorisation d’urbanisme nécessite la mise en œuvre d’une procédure de participation du public, la consultation du public prévue au titre de la procédure d’autorisation environnementale peut en tenir lieu. Précision importante : "cette disposition ne doit pouvoir s’appliquer que si l’autorisation environnementale et l’autorisation d’urbanisme sont instruites de façon concomitante et que le public est effectivement consulté sur les deux volets du projet", note le ministère. Par ailleurs, le projet de décret (art.17) précise que, dans ce cas, le dossier de demande d’autorisation environnementale comporte le justificatif du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (art.R. 181-13). 

Mutualiser les concertations de la phase amont 

C’est l’objet de l’article 5 de la loi Industrie verte (art.L.121-8-2) qui permet l'organisation de débats publics globaux (et de concertations globales) pour plusieurs projets d'aménagement ou d’équipement dans un territoire "délimité et homogène". Les projets envisagés seront ainsi dispensés de débat public propre ou de concertation globale propre. Et cette dispense s'étend aux projets cohérents avec la vocation du territoire envisagés ultérieurement (au cours des huit années à venir). Par dérogation, la Commission nationale du débat public (CNDP) dispose toutefois d’une possibilité de "rattraper" certains de ces projets. Le projet de décret - art 1er (R.121-3-2) vient notamment préciser les modalités de cette clause de "rattrapage" de la CNDP pour les projets envisagés dès le stade du débat public global et les projets envisagés ultérieurement. 

Faciliter la libération des fonciers industriels après cessation d’activité 

Pour encourager la réhabilitation des friches, la loi Industrie verte (art.8 et 9) améliore les procédures en matière de cessation d’activité des sites industriels. Une première mesure ouvre la possibilité d’application rétroactive (aux cessations d'activités intervenues avant le 1er juin 2022), de manière optionnelle, de la nouvelle procédure introduite par la loi ASAP  (impliquant le recours à des bureaux d'études certifiés pour attester la bonne réalisation des opérations de mise en sécurité et de réhabilitation du site). Ce recours dérogatoire concerne uniquement le volet réhabilitation à l'exclusion du volet mise en sécurité. Deux nouveaux articles (R.512-39-3 ter et R.512-46-27 ter), sont ainsi ajoutés au code de l’environnement - respectivement pour les ICPE soumises à autorisation et à enregistrement - pour préciser les modalités de justification de la mise en sécurité, qui reste nécessaire pour pouvoir bénéficier de cette mesure. D’autres modifications, pour certaines purement rédactionnelles, sont apportées par le décret (art.55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65 et 75) à certains articles encadrant la cessation d’activités. Par exemple, pour systématiser la prise d’un secteur d’information sur les sols (SIS) en cas de pollution résiduelle après une réhabilitation et demander à l’exploitant de proposer un projet de SIS. 

La loi Industrie verte permet par ailleurs de déclencher la procédure de mise en arrêt d'une partie de site inutilisée. Pour mettre en œuvre cette disposition, l’article R.512-74 est modifié pour expliciter cette possibilité laissée à l’initiative du préfet et pour préciser les délais laissés à l’exploitant pour présenter ses éventuelles observations. 

Enfin, sur ce volet, une dernière mesure vise à rendre la procédure de "tiers demandeur" (instaurée par la loi Alur) "plus attractive". La loi Industrie verte permet au tiers demandeur de se substituer à l’exploitant pour procéder à la mise en sécurité du site en plus de la réhabilitation. Elle permet également au tiers demandeur, avec l’accord de l’exploitant, de pouvoir demander au préfet à se substituer en cas de future cessation d’activité. En outre, elle réduit la responsabilité de l’exploitant à la seule mise en sécurité en cas de défaillance du tiers demandeur et de l’impossibilité d’appeler les garanties financières constituées par celui-ci. Ces ajouts nécessitent de modifier l’ensemble des articles relatifs à la procédure de "tiers demandeur" (R.512-76 à R.512-81). Des modifications complémentaires sont introduites dans ces articles (art.66, 67, 68, 69, 70 et 71 du décret) et notamment pour "clarifier les articulations entre la procédure de 'tiers demandeur' et la procédure de cessation d’activité introduite par la loi ASAP" ou encore renforcer les exigences sur les garanties financières à constituer par le tiers demandeur. Notons également que le décret ouvre la possibilité aux collectivités d’être leur propre assureur quand elles déposent un dossier de "tiers demandeur". 

Renforcer l’action de l’État en cas de défaillance d’un exploitant

La loi Industrie verte (art.14) permet un ciblage des mécanismes visant à sécuriser les sommes destinées à la mise en sécurité des sites à exploitants défaillants. L’une de ses dispositions consiste à supprimer l’obligation de constituer des garanties financières visées au 5° de l’article R.516-1 du code de l’environnement. Cette suppression s’accompagne notamment d’une abrogation des textes spécifiques aux garanties des installations visées par le décret (art.76, 77, 78, 79 et 80). Le texte enrichit en outre les dispositions directement issues de la loi Industrie verte avec "d’autres mesures de simplification" pour préciser le périmètre couvert par les garanties financières constituées par les installations classées SEVESO seuil haut ; porter la durée minimale des actes de cautionnement de 2 à 3 ans ; introduire un nouvel arrêté pour préciser les modalités d’appel et de mise en œuvre des garanties financières par le préfet.

L’autre apport de la loi Industrie verte est de permettre de consigner immédiatement des sommes en cas de non-respect des mesures conservatoires édictées par l’administration. Le décret (art.50) vient modifier le code de l’environnement (R.171-2) et le code des procédures civiles d’exécution (R.122-3) pour préciser les conditions et modalités de déconsignation des sommes auprès des bénéficiaires. 

Sécuriser les projets d’aménagement sur du foncier industriel

La loi Industrie verte (art.9) étend le champ du dispositif "Attes-Alur" (visant à se prémunir des pollutions des sols les plus anciennes) aux terrains ayant accueilli une ICPE dont l’état de réhabilitation n’est pas connu. Le projet de décret vient en préciser les conditions d’application, notamment en imposant au maître d’ouvrage souhaitant bénéficier de cette nouvelle procédure "d’expliquer les démarches réalisées pour s’informer sur l’avancement de la procédure de cessation d’activité par le dernier exploitant, afin que l’ordre des responsabilités en matière de gestion des passifs industriels soit respecté", détaille la notice. 

Simplifications en matière environnementale

Parmi ces diverses autres simplifications contenues dans le décret, on peut citer "la mise en cohérence des zones pouvant faire l’objet de servitudes d’utilité publique (SUP) et des formats sur la cartographie des phénomènes dangereux" (art.92). Il est entre autres proposé de transmettre le périmètre des servitudes sous la forme d’un document électronique géoréférencé pour uniformiser ces données et rendre celles-ci directement exploitables à des fins d’information du public sur les risques. Un paragraphe "Cartographies des phénomènes dangereux" (comportant un unique article R.512-82) est ajouté, afin de "faciliter" la prise en compte des SUP et de les porter à la connaissance de l’administration. Cela offre la possibilité au préfet de demander à l’exploitant, à tout moment, des cartographies issues d’études précédemment menées sous la forme d’un document électronique géoréférencé. 

Le projet de décret (art.88) ajoute un alinéa à l’article R.512-69 pour prévoir l’obligation de réaliser une télédéclaration en cas d’incident ou d’accident. Il prévoit (art.86 et 87) que le formulaire Cerfa n’est pas requis pour les procédures d’enregistrement (lorsque la demande est déposée par téléprocédure) et de déclaration. Le texte (art.96) fixe aussi à quatre ans la durée de validité des inventaires faune-flore, réalisés dans le cadre d’une étude d’impact, d’une autorisation environnementale ou d’une demande de dérogation "espèces protégées". 

Toujours au rang de la simplification, une autre partie du décret s’attèle aux procédures de prise de servitudes d’utilité publiques sites et sols pollués (SUP SSP) et de secteurs d’information sur les sols (SIS) en précisant la durée d’enquête publique pour une SUP SSP (art.72) ; supprimant l’obligation de publicité foncière des SUP SSP (art.74) ; laissant à l’appréciation du préfet la possibilité de consulter l’instance départementale consultative sur une SUP SSP ; clarifiant le champ d’application des SIS (art.53 et 57) ; diminuant le délai de consultation pour la création d’un SIS (art. 52). 

 

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