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Accès aux soins : trente-cinq acteurs de santé se regroupent pour des propositions communes

A l'initiative de l'Association des maires ruraux, une kyrielle d'associations et organismes très divers se sont unis pour formuler quatre premières propositions "réalisables, concrètes et consensuelles pour améliorer l'accès aux soins" : aides pour faciliter la diversification des lieux de stage des internes, "équipes de soins coordonnées autour du patient", guichet unique pour accompagner l'installation des professionnels de santé, développement du partage de compétences.

La question des déserts médicaux s'impose comme l'un des thèmes de la campagne de la présidentielle et sans doute de celle des législatives à suivre. Dans ce contexte, pas moins de 35 associations très diverses ont choisi de se regrouper dans une démarche originale pour faire entendre leur voix. Le 9 mars, elles présentaient à la presse leurs quatre premières propositions. Ces préconisations – regroupées sous le titre "Accès aux soins : nos propositions face à l'urgence" – seront soumises aux représentants des candidats à la présidentielle lors d'une réunion programmée le 24 mars.

Une démarche ambitieuse, mais lourde à initier

L'une des originalités de cette démarche, initiée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) – très en pointe sur le sujet – est de regrouper des acteurs qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble. Outre des représentants des professions de santé, on y trouve aussi l'Association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM), la Mutuelle nationale des fonctionnaires de collectivités territoriales (MNFCT), la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) – qui n'est pas forcément dans les meilleurs termes avec Samu urgences de France (SUdF), qui participe également à la démarche –, Apivia Macif Mutuelle, Familles rurales... Du côté des collectivités, figurent aussi, outre l'AMRF, l'Association des petites villes de France (APVF) et l'Association des maires ville et banlieue de France. Les plus nombreux restent bien sûr les représentants des nombreuses professions et établissements de santé, aux intérêts parfois divergents (par exemple entre les médecins libéraux et les centres de santé, entre la ville et l'hôpital...). Sans oublier la présence du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM). On peut en revanche relever quelques absences, comme celle de la Fédération hospitalière de France (FHF).

Ce rassemblement ambitieux d'organismes hétérogènes a une double conséquence. D'une part, si ce regroupement de 35 organismes différents donne du poids à la démarche, il a aussi pour effet de la compliquer. Les premiers rapprochements ont en effet été lancés en juin 2021 et, pour l'instant, les résultats se limitent à quatre propositions. Une dizaine d'autres propositions "restent à travailler".  Elles devraient être présentées en septembre prochain, après que le nouveau gouvernement se sera installé.

Accueil renforcé pour les étudiants en santé et des "équipes de soins coordonnées autour du patient"

L'autre conséquence de cette volonté de rassembler les acteurs a été parfaitement résumée par Dominique Dhumeaux, le premier vice-président de l'AMRF, dans sa conclusion : "On n'a pas renversé la table, mais on est face à des propositions qui font l'unanimité". Pas un mot, par exemple, sur d'éventuels dispositifs plus contraignants sur l'installation des médecins. Les propositions se veulent au contraire "réalisables, concrètes et consensuelles pour améliorer l'accès aux soins".

La première d'entre elles, portée notamment par les représentants des internes, consisterait ainsi à systématiser les hébergements territoriaux des étudiants en santé (HTES) et les aides au transport (actuellement de l'ordre de 130 euros par mois), en contrepartie de l'obligation de diversifier les lieux de stage. Dans le même objectif, il conviendrait de multiplier les maîtres de stages universitaires dans toutes les professions médicales paramédicales et pharmaceutiques. Cela éviterait notamment aux étudiants de devoir assumer un double loyer : celui de leur logement près de la faculté et celui du lieu de stage. La création d'hébergements dédiés tournants, au niveau d'un regroupement de commandes, pourrait également servir à d'autres acteurs comme les entreprises, pour leurs apprentis ou leurs stagiaires.

La seconde proposition consiste à mettre en place et développer les "équipes de soins coordonnées autour du patient" (Escap). Il s'agit en l'occurrence de structures souples, relativement informelles et temporaires. En pratique, selon William Joubert, le président de l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), chaque Escap se crée autour d'un malade précis, sélectionné sur la base d'une série de critères. Si le patient remplit les critères répondant à ce type d'approche, le médecin traitant (ou le professionnel qui signale le besoin) pourra alors initier la mise en place de la coordination, le temps de la prise en charge. Il s'agit d'une approche souple et sur mesure, ayant vocation à réunir un nombre limité de professionnels de santé (3 ou 4, éventuellement jusqu'à 6) et sans équipe formée à l'avance, ni structure juridique spécifique. Au point de qualifier l'Escap de "Whatsapp de la santé" (au sens des boucles Whatsapp). Même si ses promoteurs prennent bien soin d'affirmer que l'Escap "ne s'oppose à aucune forme de coordination existante", il est difficile de ne pas y voir une sorte de réponse aux CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), jugées trop lourdes par de nombreux professionnels de santé libéraux. Jusqu'à présent, l'assurance maladie se montrait réservée sur le développement des Escap – qui nécessiteraient un financement spécifique et une adaptation des conventions –, mais une rencontre est désormais programmée avec la Cnam le 23 mars.

Installation des professionnels et "nouvelles manières de pratiquer"

La troisième proposition concerne la facilitation de l'installation des professionnels de santé. L'idée directrice est de créer "un guichet unique d'accompagnement qui centralise, à l'échelle de chaque département, les besoins territoriaux, les aides financières, l'accompagnement administratif et les informations relatives à la vie familiale du professionnel". Le problème est que le guichet unique des professionnels de santé existe déjà dans chaque ARS et qu'il a notamment pour vocation d'accompagner leur installation. Mais, là aussi, les promoteurs de cette mesure ne voient pas nécessairement de contradiction. L'échelon régional semble en effet assez éloigné du terrain, surtout dans les nouvelles régions, même s'il existe des délégations départementales. En outre, l'accompagnement de l'ARS ne porte pas sur certaines dimensions pourtant essentielles dans les territoires peu denses, comme le logement ou le travail du conjoint. Dans cet esprit, la responsabilité de cet accompagnement de proximité pourrait être confiée aux conseils départementaux.

Enfin, la dernière proposition semble moins finalisée que les trois précédentes. Elle consiste en effet à "développer de nouvelles manières de pratiquer susceptibles d'assurer à la population une prise en charge rapide et en proximité, à faciliter pour tous les professionnels de santé les exercices mixtes, ville-hôpital, particulièrement en zone sous dotée, et à développer le partage de compétences entre professionnels de santé". Si l'exercice mixte, déjà pratiqué par 11% des médecins français, ne semble pas soulever de difficultés particulières, il n'en va pas de même pour le partage de compétences, qui suscite des tensions (à la différence de la réussite des maisons de santé, qui sont un lieu de regroupement physique et de coopération autour du patient, mais pas de délégation de compétences). Les récents décrets accroissant les compétences de plusieurs professions paramédicales – les dernières en date étant les sages-femmes avec deux décrets et deux arrêtés du 5 mars 2022 – mettent en effet les médecins sur la défensive. Lors de la conférence de presse, le représentant du Conseil national de l'Ordre des médecins a d'ailleurs bien pris soin, tout en appelant à des échanges constructifs, de rappeler que la densité des médecins devrait augmenter de 30% à l'horizon 2040, sous-entendant ainsi qu'il n'y a pas lieu de se précipiter pour déléguer certaines de leurs compétences actuelles.

 

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