Accès aux soins : très loin des attentes, la télémédecine peine encore à décoller

Un an après le début du remboursement des téléconsultations par l'assurance maladie, la Cnam se félicite du recours croissant à la télémédecine. On est en réalité très loin des objectifs de départ pour ce que certains présentent comme un important levier pour "faire avancer l'égalité d'accès aux soins sur tout le territoire".

Dans un communiqué du 5 septembre, le ministère des Solidarités et de la Santé se réjouit du "franc succès" de la première édition du concours vidéo "Parlez-nous télémédecine". Pas moins de 35 vidéos ont été présentées, provenant de 12 régions et mettant à l'honneur 16 spécialités médicales (gériatrie, anesthésie, gynécologie, chirurgie, oncologie...). Un jury constitué de représentants du ministère, de la HAS, de la Cnam, de la Société française de télémédecine (SFT) et de France assos santé a décerné cinq trophées et un prix spécial à "des équipes déployant une télémédecine simple, renforçant l'accès aux soins et le lien avec le patient ainsi que la collaboration entre les professionnels".

60.000 consultations au lieu de 500.000

Si toute initiative encourageant la pratique de la télémédecine est bonne à prendre, le "franc succès" de ce concours vidéo ne peut cacher le démarrage très laborieux des téléconsultations. Dans un communiqué du 11 septembre, intitulé "Première bougie pour la téléconsultation", la Cnam fête ainsi le premier anniversaire du remboursement de cette dernière par l'assurance maladie, entré en vigueur le 15 septembre 2018 (voir notre article ci-dessous du 13 mai 2018). La Cnam se réjouit de constater que "cette alternative à la consultation physique entre progressivement dans les habitudes : on est passé de 1.000 téléconsultations sur tout le mois de décembre 2018 à près de 12.000 en août 2019, et plus 60.000 au total depuis un an". Le problème est que les 60.000 téléconsultations remboursées à ce jour sont très loin des 500.000 envisagées initialement pour la seule année 2019.

Tout en constatant que "les médecins sont encore assez peu nombreux à être équipés du matériel nécessaire à la téléconsultation" (financé en partie par l'assurance maladie), la Cnam se veut néanmoins résolument optimiste : "La téléconsultation devrait se diffuser plus largement dans les mois et années à venir : le taux d'équipement va augmenter, la téléconsultation deviendra plus facile à accepter pour tous types de patients et les modes d'organisation des médecins vont continuer d'évoluer vers plus d'exercice regroupé (maisons de santé, communautés professionnelles territoriales de santé, etc.), ce qui permet de diviser le poids financier de l'équipement".

Vers une "ubérisation" de la téléconsultation ?

Malgré cet optimisme, les débuts laborieux de la télémédecine ne laissent pas d'irriter les acteurs privés du secteur. Dans une tribune publiée dans le quotidien Les Échos du 10 septembre, un "collectif de dirigeants" membres du bureau de l'association de entreprises de télémédecine (LET) s'inquiète de ces retards. Dans un plaidoyer très pro domo, ils expliquent que la télémédecine est "probablement la solution la plus rapide pour faire avancer l'égalité d'accès aux soins sur tout le territoire". Les dirigeants des start-up signataires (MédecinDirect, MesDocteurs, Doctoconsult, Livi, Quare) mettent notamment en cause une disposition de l'avenant n°6 à la convention des médecins libéraux. Selon eux, "pour que la consultation soit remboursée, le législateur impose que le médecin travaille à côté du lieu de vie du patient". Autrement dit : la téléconsultation peut servir partout, sauf dans les déserts médicaux !".

Or ce n'est pas exactement ce que dit la convention. Celle-ci indique que, "pour ouvrir droit à la facturation à l'assurance maladie, les patients bénéficiant d'une téléconsultation doivent être [...] connus du médecin téléconsultant, c'est-à-dire ayant bénéficié au moins d'une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents, avant toute facturation de téléconsultation, afin que celui-ci puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d'un suivi médical de qualité".

Une disposition destinée à éviter une "ubérisation" de la consultation – les signataires de la tribune prenant d'ailleurs grand soin de jurer que "l'enjeu n'est pas d'ubériser la santé française ou de se substituer à la médecine de terrain – et l'apparition de consultations "presse-bouton", voire réalisées depuis l'étranger.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis