Accessibilité et droits des personnes handicapées : le Conseil de l’Europe pointe les manquements de la France

Accès à l’accompagnement et aux aides financières, accessibilité des bâtiments et des transports, inclusion scolaire, santé, protection sociale des familles… Dans une décision publiée ce jour, le Conseil de l’Europe épingle les violations de la France à la Charte sociale européenne en matière de droits des personnes handicapées. A quelques jours de la Conférence nationale du handicap, les associations entendent bien s’appuyer sur cette décision pour "faire pression" sur les autorités.

 

A l’approche de la Conférence nationale du handicap (CNH) qui aura lieu le 26 avril, le Conseil de l’Europe a rendu ce 17 avril 2023 une décision dans laquelle il estime que la France ne respecte pas certains droits des personnes handicapées, pourtant inscrits dans la Charte sociale européenne. Ratifiée par 43 États membres du Conseil de l'Europe, cette charte est un traité qui "garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux" et donne lieu à un contrôle par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe. Cette décision fait suite à une saisine de 2018 par plusieurs associations représentées par le Forum européen des personnes handicapées (EDF) et Inclusion Europe. 

"Politique coordonnée pour l'intégration sociale et la participation" : on n’y est pas

Pour le Conseil de l’Europe, les manquements de la France ont en particulier trait à l’article 15 de la Charte énonçant le "Droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté". Le "manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable" mis en avant concerne l'accès aux services d'aide sociale et aux aides financières, l'accessibilité des bâtiments, des installations et des transports publics, ainsi que le développement d’une "politique coordonnée pour l'intégration sociale et la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées" (article 15§3 de la Charte).

Autre défaillance pointée du doigt : l’incapacité des autorités à "remédier aux problèmes persistants et anciens liés à l'inclusion des enfants et adolescents handicapés dans les écoles ordinaires" (15§1). La France est également mise en cause par le CEDS sur l'accès des personnes handicapées aux services de santé (11§1). Enfin, conséquence de "la pénurie de services d’aide" et du manque d’accessibilité des bâtiments et des transports : "de nombreuses familles vivent dans des conditions précaires, ce qui équivaut à un manque de protection de la famille" (soit une violation de l’article 16).

Les associations attendent une réforme globale et des "évolutions rapides et concrètes"

Dans un communiqué, l’Unapei, APF France handicap, l’Unafam et la FNATH "saluent cette décision", suite à la réclamation dont elles sont à l’origine. Les associations "soulignent l’impérieuse nécessité de réformer la politique du handicap de notre pays dans sa globalité, et exigent des mesures immédiates". Entendant s’appuyer sur cette décision pour "faire pression sur les décideurs politiques, dans le cadre de la CNH mais aussi jusqu’au plus haut sommet de l’État et auprès des élus locaux, des parlementaires", les associations attendent des "évolutions rapides et concrètes" dans six domaines : l’accompagnement – et notamment "des chiffres et des données fiables" sur les besoins –, la revalorisation des allocations, prestations et compensations dans le contexte de l’inflation, l’accessibilité des services publics, des transports et des logements, l’adaptation des services de santé "à tous les handicaps", l’école inclusive et la protection sociale des familles.

"Cette décision est très importante, elle doit être un aiguillon qui exhorte les pouvoirs publics français à enfin changer de paradigme", a déclaré à l’AFP, Pascale Ribes, présidente de APF France handicap, ajoutant que les gouvernements ont eu depuis des années une "conception erronée du handicap, centrée sur le soin plutôt que les droits".   

"Les Jeux de Paris 2024 seront une opportunité immense de faire évoluer les regards sur le handicap et d’accélérer l'accessibilité de notre pays", a twitté Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, le 16 avril 2023. Dans une interview accordée le même jour à France Info, la ministre reconnaît que l’accessibilité "n'est pas forcément un domaine où nous sommes très en avance dans notre pays" et considère, "qu'après une pause due à la pandémie de Covid-19", il est désormais temps de "remettre le focus dessus".