Achat de pesticides : Générations futures peaufine sa cartographie par département

Baptisée Géophyto, la carte des achats de pesticides dévoilée, ce 9 janvier, par l’association Générations futures permet de visualiser les volumes de substances actives achetées, à l’échelle du département, à partir de 2015 et jusqu’en 2022, ainsi que leur niveau de danger (CMR1 ou CMR2). Cette version améliorée plus précise sur les types de produits permet notamment de voir où sont achetées les substances polluant les nappes phréatiques et les pesticides PFAS (polluants éternels). 

Où achète-t-on le plus de pesticides ? Et lesquels ? Ces questions taraudent lassociation Générations futures qui publie, ce 9 janvier, une cartographie de la répartition par département des achats de pesticides en sappuyant sur les données extraites de la Banque nationale des centes des distributeurs (BNV-D). Une version simplifiée de cet outil interactif intitulé Géophyto avait été proposée mi-décembre avec un premier niveau de filtres permettant de savoir quelles substances pesticides étaient les plus achetées, et ce sur plusieurs années (2015 à 2022), ainsi que celles classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques de niveau 1 et/ou 2 (CMR1 et 2). "Tant que les registres d’épandages ne seront pas rendus publics, ces données relatives aux achats de pesticides sont les meilleures indications disponibles à ce jour pour estimer les lieux dutilisation effective de ces substances", souligne lONG pour expliquer sa démarche qui se veut complémentaire du travail réalisé par lassociation Solagro basé pour sa part sur lindicateur de fréquence de traitement (IFT). Générations futures y voit donc "un progrès important dans la transparence sur lusage des pesticides". Avec l'objectif de fournir "une information plus claire, plus accessible" et "servir dintermédiaire entre le public et la BNV-D, avec une carte qui donne à la fois des données globales et détaillées" via différents critères de recherche, observe François Veillerette, son porte-parole. 

Nouvelles fonctionnalités par substance

Loutil développé par Générations futures permet en effet de cibler sa recherche, en filtrant certaines catégories de substances selon leur fonction ( herbicides, insecticides, fongicides, régulateurs de croissance), leur dangerosité pour la santé (CMR1, CMR2, combinaison CMR1et 2, et perturbateurs endoctriniens) et lenvironnement (très toxiques pour le milieu aquatique, polluants des eaux…), leur statut légal (substance autorisée en agriculture biologique ou pas…), ainsi que les substances candidates à la substitution, les PFAS (polluants éternels) etc. Les données dachat sont cartographiées de deux manières : par tonnes pour chaque département ; et rapportés à la surface agricole utile (SAU) de chaque département (kg/ha). Géophyto permet ainsi de visualiser le total des substances achetées par département, la quantité dune catégorie ou de chaque substance individuelle (en tonnes ou kg/ha). On y découvre aussi le rang du département par rapport aux autres départements, avec par exemple, le département dans lequel le glyphosate ou le prosulfocarbe sont les plus achetés, et le top 5 des substances achetées par département. 

Les zones de viticulture et de cultures intensives en tête 

De premiers enseignements sont tirés pour 2022, qui affiche un total dachat de 66354.5 tonnes de pesticides en France. Sans surprise, les départements où la viticulture, larboriculture ou les grandes cultures céréalières sont les plus intensives se distinguent par leur volume dachats importants. Un constat qui recoupe dailleurs dautres analyses comme l’état des lieux des ventes et achats de pesticides du ministère de la Transition écologique ou la carte Adonis de Solagro. 

La Gironde est le département avec le tonnage global le plus important. Rapporté à la surface agricole utile, cest un peu différent. "Les départements pour lesquels la SAU est plus faible ressortent en premier. Cela signifie que lusage est plus concentré, que ce sont des problématiques plus locales", décrypte la toxicologue Pauline Cerdan. Lorsquon ne considère que les substances interdites en agriculture biologique (produits de synthèse), la carte est également différente, et cest le département de la Somme qui arrive alors en tête. En revanche, pour les achats de substances autorisées en Bio, on retrouve la Gironde et les départements méditerranéens (Gard, Hérault…) pour des usages viticoles. 

Ainsi les herbicides (qui sont exclusivement des substances interdites en AB) sont le plus utilisés dans le Nord de la France et autour de la région parisienne. LEure-et-Loir, la Somme et lOise sont en haut du classement avec chacun plus de 1.000 tonnes dherbicides achetés en 2022. Le prosulfocarbe, le glyphosate et la pendiméthaline figurent quasi-systématiquement dans le top 5. Lachat des fongicides est au contraire plus marqué dans les zones viticoles, en particulier la Gironde, le Gard et lHerault. Le souffre étant de loin le plus acheté en tonnes. Lusage des insecticides est lui très marqué dans le Nord de la France, avec Pas-de-Calais, Seine-Maritime et Somme en tête, suivi de la Gironde. 

Eure-et-Loir, Marne et Somme en tête pour les substances préoccupantes

Les substances dangereuses pour la santé et très toxiques pour les milieux aquatiques sont les plus achetées dans les départements où les grandes cultures de céréales et protéaginteux sont majoritaires : au Nord de la France et en Charente Maritime. LEure-et-Loir se détache nettement, que ce soit pour les catégories CMR1 et 2 et les perturbateurs endocriniens, suivi de Marne, Charente Maritime, et Somme. Pour les PFAS et substances à risque de polluer les nappes, ce sont là encore les mêmes départements qui se démarquent : Eure-et-Loir, Marne et Somme. Le chlorotoluron (dont les métabolites ne sont pas suivis pas les autorités) est la substance à risque de contaminer leau la plus achetée dans la majorité des départements. 

Quelques autres substances clés sont passées à la loupe. Cest notamment le cas du glyphosate. La Charente-Maritime est en haut du podium avec près de 200 tonnes achetées en 2022. Le prosulfocarbe est majoritairement utilisé en Eure-et-Loir (près de 500 tonnes). Autre substance ciblée : le flufenacet, perturbateur endocrinien qui se dégrade en un métabolite (le TFA) qui contamine les nappes. Eure-et-Loir, Eure et Somme occupent le podium. "Cette visualisation de où il est le plus acheté permettra de cibler nos actions, en particulier auprès des ARS qui sont en charge du contrôle sanitaire de leau potable (…) pour voir les zones prioritaires", insiste Pauline Cerdan. 

Vers une carte à la maille communale

Générations futures prévoit à terme de proposer une carte de répartition par commune, ce que ne permettent pas actuellement les données dachats disponibles. La BNV-D renseigne le code postal de lacheteur. "Or, il ny a pas de correspondance simple entre code postal et commune, et il est très complexe de réaliser des cartographies", explique François Veillerette "On pourrait avoir une vision plus précise, si on avait par exemple un accès public aux registres d’épandages qui sont tenus par les agriculteurs", regrette-t-il. Courant janvier, une nouvelle carte sera mise en ligne par lONG "qui devrait permettre de descendre au moins à l’échelle du code postal". De nouvelles catégories de substances seront en outre ajoutées dans les prochaines semaines : neurotoxiques, toxiques pour les pollinisateurs, substances persistantes, substances PBT (persistant, bioaccumulable et toxique) de façon à augmenter les critères de sélection dans linterface. Enfin, des statistiques et des courbes de tendance permettront dapprécier dans le temps l’évolution des achats de telle ou telle substance.