Adaptation aux effets d’un réchauffement de +de 4°C : un certain coût, et un coût certain !

L’institut I4CE a remis son rapport sur les coûts de l’adaptation aux effets d’un réchauffement climatique de +4°C. Il présente quelques ordres de grandeur, mais pas de chiffrage précis, ce dernier dépendant de nombreux paramètres, et singulièrement de la manière dont on entend, ou non, se préparer. Dans tous les cas, le coût sera aussi inéluctable... que considérable.

 

Un certain coût, et surtout un coût certain. Ainsi pourrait être grossièrement résumé le rapport sur les coûts de l’adaptation aux effets d’un réchauffement climatique de +4°C que vient de rendre public l’institut I4CE. 

Un certain coût

"Un certain coût" car, comme Fernand Raynaud avec le temps de refroidissement du fût du canon, I4CE ne s’estime pas en mesure de donner à ce jour un coût précis de l’adaptation au réchauffement climatique, qui dépend de trop nombreux facteurs. À commencer par le niveau et la vitesse du réchauffement climatique, mais aussi singulièrement de "la manière dont on choisit de s’y préparer", éminemment politique. "La principale question […] est : que souhaite-t-on à tout prix conserver ? Question qui peut se décliner : qu’est-on prêt à transformer, à quoi est-on prêt à renoncer ?", pose le rapport. "Chercher à rendre une route insubmersible peut par exemple nécessiter plusieurs millions d’euros de travaux alors qu’organiser des fermetures temporaires de la circulation lors d’épisodes de crue demande d’accepter un moindre niveau de service, mais est aussi moins coûteux", prend-il pour exemple. 

Se pose ainsi le défi "de toujours prendre en compte le bon niveau de réchauffement aux bons moments dans les cycles de décision de manière à ne plus uniquement subir les impacts du changement climatique sans pour autant surinvestir dans des mesures très coûteuses qui ne seraient in fine jamais justifiées économiquement".

Un choix éminemment politique également dans la mesure où "les coûts et les bénéfices de l’adaptation seront distribués très différemment […] selon les choix qui seront faits". À gros traits, I4CE souligne que le "coût de l’inaction" est le plus souvent porté par la puissance publique ("prise en charge publique des dommages, des coûts des réparations des infrastructures essentielles ou encore aides de crise") : "Une fois que les dégâts se matérialisent, les attentes à l’égard des responsables publics – élus, services de l’État ou des collectivités – sont généralement pressantes. Il n’est donc pas rare que des décisions soient prises sur le mode de l’urgence, non seulement pour assurer la sécurité des personnes et des biens, mais aussi pour rétablir au plus vite un certain niveau de service et minimiser les conséquences sur l’économie et l’opinion", est-il observé. L’institut souligne qu’au contraire, "des normes de construction plus exigeantes permettent par exemple de répartir les coûts […] entre tous ceux qui font construire". 

Un coût certain

Dans tous les cas, le coût sera inévitable… et considérable. Celui de l’inaction (v. notre article du 6 février 2023) représente "déjà plusieurs milliards d’euros par an" et, sans politique d’adaptation, il "ne va cesser d’augmenter et de perdre son caractère exceptionnel", prévient l’institut. Las, celui de l’adaptation le sera également. Car si des options d’anticipation – dont certaines sont déjà "bien identifiées et pourraient être mieux déployées" – "peuvent parfois être mises en œuvre avec des coûts limités", d’autres "représentent un surcoût voire demanderont la mobilisation de moyens dédiés additionnels". Entre "quelques centaines de millions à quelques milliards d’euros" dans les prochaines décennies pour adapter les réseaux routier et ferré, estime I4CE, "de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an" dans la prochaine décennie pour maintenir les rendements des principales cultures végétales françaises" ou encore "entre 1 et 2,5 milliards d’euros par an pour la construction neuve jusqu'à plusieurs milliards d'euros par an pour le parc existant une fois que les investissements en matière de rénovation énergétique auront atteint leur rythme de croisière". Et l’institut de relever encore que si "certaines options d’anticipation produisent suffisamment de cobénéfices économiques pour être intrinsèquement rentables", ce n’est malheureusement "pas le cas de toutes".

Roquelaure doublement satisfait

À Roquelaure, siège du ministère de la Transition écologique, on se félicite doublement de ce rapport. 

D’abord "parce que I4CE se place lui-aussi sur la trajectoire d’un réchauffement de +4°C, validée par le ministre" – mais aussi par le Conseil national de la transition écologique (v. notre article du 4 mai 2023) – et sur laquelle "se fonde aussi le prochain plan national d’adaptation au réchauffement climatique" (PNACC-3 – v. notre article du 24 janvier). Un plan fortement attendu, notamment par le Haut Conseil pour le climat (v. notre article du 4 avril), et qui devrait être publié "dans quelques semaines", assure-t-on au ministère.

Ensuite, parce que le rapport confirme "la difficulté du chiffrage de l’adaptation", le ministère y voyant sans doute ici un renfort précieux face aux récentes critiques de la Cour des comptes (v. notre article du 12 mars). Reste que "la politique est l’art de rendre possible le nécessaire", selon Richelieu. Un Cardinal qui théorisait de même que "rien n’est plus nécessaire au gouvernement d’un État que la prévoyance, puisque par son moyen, on peut aisément prévenir beaucoup de maux, qui ne se peuvent guérir qu’avec de grandes difficultés quand ils sont arrivés".

  • Création prochaine d’un nouveau "fonds d’adaptation"

Christophe Béchu a annoncé, le 4 avril sur TF1, la création d’un nouveau "fonds d’adaptation", qui sera le fruit de l’adaptation du fonds Barnier "qui n’est pas du tout à la hauteur des dégâts qu’on est en train de constater". Ce nouveau fonds devrait répondre, en partie au moins, aux préconisations d’un autre rapport : celui visant à adapter le système assurantiel français à l’évolution des risques climatiques, que le gouvernement vient de rendre public (v. notre article du 2 avril). Le ministère indique que la dotation de ce nouveau fonds sera précisée lors de la présentation du PNACC.