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Agression des élus : la nouvelle circulaire aux parquets

Conformément à l'engagement pris lors de la réunion interministérielle du 2 septembre dernier relative à la montée des violences contre les élus, le garde des Sceaux a adressé aux procureurs une circulaire les invitant à la fermeté et à la célérité dans le traitement de ces dossiers et à mieux accompagner les élus.

Promise lors de la réunion interministérielle du 2 septembre dernier, la circulaire "relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant" a été signée par le garde des Sceaux et diffusée hier 7 septembre. Dans le prolongement de la circulaire du 6  novembre dernier, le ministre y réaffirme "l'importance qui s'attache à la mise en œuvre d'une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité et d'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales les concernant" – suivant à la lettre les consignes du Premier ministre.

Éric Dupond-Moretti y déplore "le niveau toujours très élevé des agressions contre les élus" : 263 atteintes signalées à la Direction des affaires criminelles et des grâces par les parquets généraux depuis le "démarrage" du mouvement des gilets jaunes fin 2018. Un chiffre bien en-deçà de ceux rapportés par les associations d'élus – au 12 août, l'Association des maires d'Île-de-France en dénombrait 233 depuis le début 2020 ! Signe qu'ils ne signalent pas toujours les agressions dont ils sont victimes. Des agissements qui, relève le ministre, interviennent principalement "en réaction à des difficultés concernant leurs administrés (troubles ou différends de voisinage, problèmes liés aux règles d'urbanisme, à des incivilités commises dans la commune, à la circulation routière…). Confirmant ainsi l'analyse du sénateur Philippe Bas exprimée l'an passé : "Le nœud du problème, c'est l'exercice du pouvoir de police".

Fermeté et célérité

Côté fermeté, reprenant la position exprimée par les élus lors de la réunion, le garde des Sceaux appelle les parquets à éviter "les simples rappels à la loi" et à privilégier "le défèrement, notamment en cas de réitération de comportements qui pourraient apparaître, pris isolément, de faible intensité". Pour les faits les plus graves, la comparution immédiate devra être privilégiée. Le ministre rappelle en outre que les peines d'interdiction de paraître – étendues par la loi du 30 juillet dernier visant à protéger les victimes de violence conjugale – ou de séjour sur le territoire de la commune ainsi que l'affichage de la décision "peuvent être utilement requises pour réprimer ces comportements et prévenir leur renouvellement". Comme il s'y était engagé, Éric Dupond-Moretti invite les procureurs à retenir pour les insultes "la qualification d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public plutôt que celle d'injures".
Côté célérité, le ministre leur mande qu'ils donnent aux forces de l'ordre "des instructions quant à un traitement particulièrement diligent de ces procédures, une prise en charge rapide des plaines déposées par les parlementaires et les élus locaux ainsi qu'à une information sans délai aux parquets". Les parquets sont également conviés à offrir aux élus victimes "un accueil personnalisé avec un rendez-vous programmé et adapté aux contraintes liées à leurs fonctions électives". 

Accompagnement et information

Enfin, le ministre insiste pour que le procureur – ou un magistrat du parquet désigné pour être l'interlocuteur des élus du ressort – "prenne attache pour les informer, de façon individualisée et systématique, du suivi précis de ces procédures et des suites judiciaires décidées". Une demande d'informations récurrente de la part des élus, sur l'ensemble des faits relatifs à leur territoire d'ailleurs, à laquelle la loi Engagement et proximité a déjà tenté d'apporter une réponse.

Les procureurs sont également appelés à organiser "rapidement", avec les forces de sécurité intérieure, une réunion d'échanges avec les élus "permettant d'expliquer leur action à l'encontre de ces agissements". Cette réunion "pourra être l'occasion d'exposer aux maires les prérogatives attachées à leurs fonctions". Une réunion d'information déjà là encore prévue par la loi Engagement et proximité, après chaque renouvellement général des conseils municipaux. Prévue initialement le 4 avril dernier, la première édition devait d'ailleurs, à l'invite d'une circulaire du précédent garde des Sceaux du 29 juin dernier, être organisée par les procureurs "à partir de septembre et dans les meilleurs délais".

Satisfaite, l'AMF va créer un "observatoire des agressions"

L'Association des maires de France se dit satisfaite de la publication de cette circulaire, estimant que celle-ci "répond aux attentes des élus agressés" : prise en compte de la qualité des victimes dans les qualifications pénales retenues, recours à la qualification d’outrage s’agissant des insultes, réponse pénale qui évite le simple rappel à la loi et, pour les actes les plus graves, usage de la comparution immédiate ou l’interdiction de séjour. Elle soutient aussi naturellement "l'intensification des relations entre les maires et les procureurs suggérée par la circulaire". Il faudra toutefois pour tout cela, souligne l'AMF, "que les moyens de services de la Justice soient renforcés et que la répartition des effectifs de police et de gendarmerie préserve l’impératif de proximité et de réactivité d’intervention". L'association compte bien suivre de près la mise en œuvre de cette circulaire et prévoit à ce titre de mettre en place avec les associations départementales de maires un nouvel "observatoire des agressions des maires et des élus municipaux". Premier bilan prévu dans six mois.