Allocation sociale unique : "une perspective à suivre" pour lutter contre le non-recours et les inéquités du système

Les députées Sandrine Runel (Socialiste, Rhône) et Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons, Moselle) ont présenté le 9 juillet 2025, en commission des affaires sociales, les résultats d’une mission flash qu’elles ont conduites sur "l’opportunité et les modalités de la création d’une allocation sociale unique" (ASU). Après avoir auditionné 34 personnes dont Fabrice Lenglart, qui a été rapporteur général des travaux sur le revenu universel d’activité et la solidarité à la source, directeur général de la Drees et qui est désormais directeur général de l’Insee, les deux députées estiment que la future ASU serait davantage un prolongement de la solidarité à la source par l’"harmonisation des bases de ressources et une évolution des barèmes qu’une création d’allocation unique". Les travaux de cette mission ont trouvé une actualité d'autant plus saillante ce mardi 15 janvier, François Bayrou ayant annoncé qu'il proposerait au Parlement "avant la fin de l'année" un projet de loi "créant une allocation sociale unifiée, pour une solidarité plus lisible et qui donne toujours la priorité au travail".

Harmonisation des assiettes du RSA, de la prime d’activité et des APL 

Depuis octobre 2024, cinq caisses d’allocations familiales (CAF) ont expérimenté le préremplissage des déclarations trimestrielles des ressources des allocataires du RSA et de la prime d’activité, ce qui aurait démontré "la qualité de l’exploitation de la déclaration sociale nominative et de données servant à l’impôt sur le revenu", selon Nathalie Colin-Oesterlé. La généralisation de ce préremplissage à toutes les CAF et au réseau de la Mutualité sociale agricole (MSA) interviendrait d’ici septembre 2025. 

La "prochaine étape" consistera en "un rapprochement des assiettes du RSA [revenu de solidarité active], de la prime d’activité et des aides personnelles au logement grâce à la création d’un revenu social de référence", indique la députée de Moselle, qui précise qu’actuellement "la base du RSA et de la prime d’activité est très large" alors que "celle des APL est réduite car elle part du montant imposable net avec des abattements". Les députées jugent cette harmonisation "possible" à condition d’exclure les revenus d’activité des enfants de l’assiette du RSA, pour ne pas décourager l’emploi, et de préserver certaines "spécificités majeures des APL" (dont le versement en tiers payant au bailleur). 

Prévoir une "période de transition avec compensation" pour qu’il n’y ait pas de perdants 

"Les situations dans lesquelles on a une meilleure situation en ne percevant que des aides et aucun revenu du travail sont infiniment rares", mais la hausse du revenu d’activité peut entraîner une majoration moins tangible pour les personnes qui sont locataires de leur logement, du fait de la baisse concomitante des APL, explique Nathalie Colin-Oesterlé. Toutefois, les rapporteures rappellent qu’il existe "des propriétaires pauvres, pour qui la charge du crédit bancaire est bien équivalente à celle d’un loyer". 

"L’ASU ne doit pas diminuer les ressources des ménages sans activité ou des travailleurs pauvres", insiste surtout Sandrine Runel. Selon les scénarios présentés aux députés, la réforme permettrait une baisse du taux de pauvreté de 0,3 à 1,1%. Avec un effort de 2 milliards d’euros sur le relèvement des barèmes, les allocations augmenteraient pour 4,6 millions de personnes et diminueraient pour 3,5 millions de personnes – pour un recul de la pauvreté globalement estimé à 0,6%. Les députées plaident pour la mise en place d’une "période de transition avec compensation" pour éviter toute baisse d’allocations pour les ménages précaires. 

À terme, pouvoir proposer "une demande unique et un guichet unique pour les usagers"

Vigilantes sur les effets de bord que pourrait avoir la réforme, les députées se déclarent donc favorables à l’orientation générale. "L’ASU nous semble une perspective à suivre si elle veut apporter des réponses face au non-recours, aux ruptures de droit, aux abus peut-être, aux inéquités en tout cas et au manque de lisibilité de notre système", résume Nathalie Colin-Oesterlé. Les députés préconisent même d’aller plus loin à terme : afin de "garantir une demande unique et un guichet unique pour les usagers", l’ASU doit être conçue "comme un socle commun de solidarité, complété par des modules spécifiques (logement, famille, handicap, etc.), tous calculés sur une base de ressources harmonisée, mais chacun conservant ses propres critères et montants". 

Les députées proposent enfin de veiller à "la bonne articulation de la réforme avec les prestations connexes" attribuées par les collectivités, notamment en permettant aux collectivités d’utiliser le revenu social de référence – en lieu et place d’"une exploitation pas toujours optimale du quotient familial ou du revenu fiscal de référence", selon Nathalie Colin-Oesterlé. Une telle articulation permettrait également une meilleure connaissance, à l’échelle nationale, des aides extralégales locales. 

Représentant un peu plus de 10% des 849 milliards de protection sociale, le montant des prestations sociales était de l’ordre de 90,5 milliards d’euros en 2022, dont 30,6 milliards au titre des minima sociaux, 15,4 milliards d’aides personnelles au logement (APL), 10 milliards de prime d’activité, 32,3 milliards de prestations familiales de prestations familiales et 2,2 milliards de bourses du supérieur.