Alzheimer : Saint-Médard-en-Jalles (33) mise sur le diagnostic et l'accompagnement

Depuis le mois de février 2005, cette commune résidentielle de 26.000 habitants située à la périphérie de Bordeaux propose, en matière de prise en charge de la maladie d'Alzheimer, une démarche originale. Celle-ci repose notamment sur un bilan neuropsychologique réalisé par une psychologue du Ccas.

Depuis plusieurs années, le service de coordination gérontologique du Ccas de Saint-Médard-en-Jalles est confronté à une demande croissante. Les agents qui interviennent à domicile rencontrent de plus en plus souvent des personnes âgées présentant les signes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles importants de la mémoire liés au vieillissement. Un constat partagé par les autres acteurs intervenant sur le territoire de la commune et associés au dispositif de coordination gérontologique : équipes médico-sociales APA du conseil général, associations d'aide à domicile, clubs de loisirs du 3e âge, centre médico-social, infirmières libérales, assistantes sociales de la Cram... Tous ces professionnels sont aussi confrontés au désarroi des conjoints et des familles qui assument seuls la prise en charge. Pour Pascale Varin, responsable du service de coordination gérontologique du Ccas, les causes de ce phénomène sont doubles : "Comme partout en France, notre commune est confrontée au vieillissement de sa population. Si les plus de 75 ans représentent seulement 5% du nombre des habitants, leur nombre a progressé de 13% entre 1990 et 1999. Cette tendance se poursuit actuellement et le schéma gérontologique départemental prévoit une évolution de 40% de leur nombre en 2009 sur l'ouest du territoire de la communauté urbaine de Bordeaux. Par ailleurs, faute de structures adaptées sur le territoire de la commune, le maintien à domicile a tendance à se prolonger."

Intervenir en amont et répondre aux besoins locaux

"Lors de leurs visites, les différents intervenants à domicile doivent aussi faire face au désarroi des familles après l'annonce du diagnostic de la maladie et aux conséquences dues à son évolution", ajoute Nathalie Trébucq, psychologue du service de coordination gérontologique du Ccas. D'où l'idée d'intervenir en amont, afin de faciliter le repérage de la maladie, de préparer la personne âgée et son entourage à l'annonce du diagnostic et, enfin, de mettre en place un accompagnement et un soutien auprès des malades et des familles. Pour cela, plusieurs types d'interventions sont prévus. Celles-ci reposent tout d'abord sur l'organisation de bilans neurophysiologiques. A partir du repérage des situations effectué par les différents intervenants, la psychologue propose un entretien destiné à déterminer la conscience qu'a la personne âgée de ses troubles de la mémoire. Cette première rencontre peut, le cas échéant, être complétée par un bilan neuropsychologique : "Il s'agit d'évaluer précisément, grâce à différents tests, les troubles de la personne. En fonction des résultats du bilan - qui ne constitue cependant pas un diagnostic médical - je propose généralement une orientation vers le médecin traitant, ou neurologue. L'objectif de ce bilan consiste essentiellement à faciliter l'annonce du diagnostic, à le préparer et à l'accompagner", explique Nathalie Trébucq. Une fois cette étape franchie, plusieurs interventions sont proposées.

Eviter l'isolement du malade et accompagner la famille

Depuis cette année, la psychologue organise des ateliers mémoire destinés aux malades. L'objectif est de solliciter les différentes fonctions cognitives non altérées, comme l'observation, la concentration, l'orientation spatiale et temporelle, le langage ou l'imagination, au travers d'activités et d'exercices adaptés. "Même diminuées, ces fonctions cognitives peuvent être stimulées. Cependant, un bilan initial et une observation fine lors de chaque atelier sont nécessaires pour repérer les limites de chaque participant et éviter de les placer en situation d'échec ou d'angoisse." A raison d'une après-midi par semaine, ces ateliers accueillent actuellement neuf personnes. Au-delà de l'aspect cognitif, ces ateliers sont aussi l'occasion de lutter contre l'isolement des personnes, de repérer toute nouvelle dégradation et d'offrir un moment de répit à l'entourage.
Le service coordination gérontologique du Ccas apporte également un soutien à l'entourage et aux familles : "La prise en charge au quotidien est si lourde que la famille réduit ses activités, réduit ses relations et se retrouve souvent seule pour accompagner son parent", souligne Nathalie Trébucq. Pour lutter contre ce phénomène, le Ccas organise des groupes de parole et des ateliers d'expression. Les premiers permettent aux aidants familiaux d'évoquer ensemble leurs difficultés quotidiennes et de bénéficier d'une orientation vers les services pouvant leur venir en aide (accueil de jour, aide à domicile...).

Un financement pluripartenarial

Pour leur part, les ateliers d'expression abordent des aspects plus psychologues des conséquences de la maladie sur l'entourage. Réunis en petits groupes, les participants apprennent à ne pas s'installer dans le déni de la maladie, à effectuer un travail de deuil sur l'image de leur parent ou de leur conjoint malade, à exprimer leur sentiment de culpabilité. "Tout ce travail permet de montrer aux familles qu'elles ne sont pas isolées face à la maladie et que plusieurs solutions existent pour leur venir en aide. Pour sa mise en place en février 2005, cette action menée par le service de coordination gérontologique du Ccas a bénéficié du soutien de plusieurs partenaires. En plus du Ccas, le conseil général de la Gironde et la caisse régionale d'assurance maladie d'Aquitaine (Cram) ont attribué chacun une subvention de 3.000 euros. Par ailleurs, dans le cadre de son soutien au profit de projets innovants en matière de prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés, la Fondation Médéric Alzheimer a retenu cette initiative parmi les nombreuses actions qu'elle soutient. Une aide de 13.000 euros a ainsi permis de financer des dépenses d'investissement (aménagement de la salle destinée aux ateliers d'expression, réalisation d'une plaquette de présentation du service...), ainsi que le financement partiel du poste de psychologue.

Pascal Clouet / PCA pour Localtis

"Un projet motivé par des attentes et des besoins importants"

Animé par Pascale Varin, le service de coordination gérontologique du Ccas est à l'origine du projet d'accompagnement des malades d'Alzheimer et de leur entourage. Au-delà de cette action, il assure de nombreuses missions dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées.

Quel regard portent vos partenaires sur l'organisation et le fonctionnement de votre dispositif d'accompagnement et de soutien des malades d'Alzheimer et de leur entourage ?

Notre initiative est le fruit d'un important travail de partenariat. Outre l'aspect financier qui associe le Ccas, le conseil général, la Cram et la Fondation Médéric Alzheimer, le soutien et l'accompagnement proposés aux personnes âgées et à leur entourage reposent sur un diagnostic partagé et une participation effective de l'ensemble des acteurs impliqués. Ce projet est réellement motivé par des besoins et des attentes importantes. Dans ce domaine, le service de coordination gérontologique du Ccas bénéficie d'une expérience ancienne. Du côté des services intervenant à domicile, la collaboration fonctionne bien. Ces derniers nous font part des situations qu'ils repèrent lors de leurs interventions. Les relations sont plus difficiles avec les médecins, qui ne comprennent pas toujours la nature et l'objet du bilan neuropsychologique. Peut-être se sentent-ils dépossédés d'une de leurs attributions. Pourtant ce bilan ne constitue pas un diagnostic.

Quelles sont les autres missions du service de coordination gérontologique ?

Notre intervention s'effectue dans quatre domaines prioritaires : le développement des services à domicile, l'intégration des personnes âgées à la vie locale, la coordination et la prévention. Dans ce cadre, nous avons mis en place une coordination de proximité autour de la personne âgée dépendante qui regroupe une infirmière coordinatrice, l'Association d'aide à domicile du Haut-Médoc, l'équipe médicosociale du conseil général, les assistantes sociales des établissements hospitaliers, les caisses de retraite, la Cram et le centre médicosocial. Nous instruisons également toutes les demandes d'aide sociale légale, comme l'APA et l'aide ménagère. Enfin, nous allons ouvrir le service d'accompagnement des malades d'Alzheimer à d'autres partenaires. En plus de son action en faveur des patients et des familles nous avons engagé une action de sensibilisation auprès des aides à domicile et des aides soignantes. Afin de leur permettre de repérer les signes avant-coureurs de la maladie.

Quelle offre propose la ville dans le domaine de la prise en charge de personnes âgées en établissement ?

Dans ce domaine, la situation n'est pas totalement satisfaisante. Nous ne pouvons pas répondre totalement aux besoins actuels. La commune dispose en effet d'une résidence pour personnes âgées d'une capacité de 77 places. Il s'agit d'un foyer logement qui répond parfaitement aux besoins de personnes peu dépendantes car ce type de structure n'est pas médicalisée. Par ailleurs, notre canton ne dispose pas de maison de retraite ou d'unité de soins de longue durée habilité à l'aide sociale, ce qui oblige les personnes âgées et leurs familles à rechercher des solutions géographiquement éloignées. La situation va bientôt évoluer avec la création, sur la commune, d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes comprenant 80 lits, dont 20 réservés aux malades d'Alzheimer, 5 places d'accueil de jour, 5 lits en hébergement temporaire et deux places pour l'accueil d'urgence. Dans le cadre de ce projet, nous envisageons d'étendre l'intervention de notre psychologue.

Les aides de la Fondation Médéric Alzheimer

Comme Saint-Médard-en-Jalles, d'autres communes, associations ou établissements bénéficient d'une aide de la Fondation Médéric Alzheimer pour mener à bien un projet au profit de malades. C'est le cas, par exemple, du Ccas de Besançon (25) et d'une maison de retraite d'Obernai (67).

Pour treize personnes âgées fréquentant un service d'accueil de jour et six résidents d'un foyer logement - deux structures directement gérées par le Ccas de Besançon - le déroulement des vacances 2004 a pris une forme plutôt inhabituelle. Les 19 personnes âgées, dont plusieurs sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, ont participé à un séjour de vacances intergénérationnel en compagnie d'étudiants préparant le diplôme de technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF). Le tout encadré par le personnel du service d'accueil de jour comprenant un ergothérapeute, des psychomotriciens, une aide médico-psychologique et des animateurs. Le séjour s'est déroulé dans une abbaye de la Côte-d'Or appartenant aux Petits Frères des Pauvres. Si le rythme de chacun a été respecté (étalement du petit-déjeuner dans la matinée, possibilité de participer ou non aux sorties et aux activités), l'équipe d'encadrement a rapidement observé des modifications de comportement importantes chez les personnes âgées. La dynamique de groupe, le changement d'environnement et la mixité des publics ont en effet favorisé l'établissement de liens entre les participants et le développement de la solidarité. Selon l'équipe d'encadrement, les personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer se sont senties valorisées et celles ne souffrant d'aucune pathologie particulière, ont appris à mieux "apprivoiser" la maladie et à mieux comprendre les malades. Pour les six étudiants, le bilan est également très positif. Confrontés à chaque instant à la maladie, ils ont bénéficié des conseils de l'équipe d'encadrement sur la meilleure façon d'aborder les malades et de répondre à leurs sollicitations. Pour mener ce projet, le Ccas de Besançon a bénéficié d'une aide de 4.000 euros attribuée par la Fondation Médéric Alzheimer.

Partager un moment de convivialité

A Obernai dans le Bas-Rhin (11.000 habitants), les responsables de la maison de retraite gérée par le centre hospitalier ont opté pour une autre forme d'animation. Plutôt que de proposer des sorties au restaurant - souvent difficiles à organiser en raison du degré de dépendance des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés - le directeur de la structure a choisi de faire entrer le restaurant au sein de l'établissement. Tous les mois, l'animatrice propose un "atelier gourmand" qui se déroule selon un protocole bien défini. A cette occasion, une personnalité locale (humoriste, chanteur, restaurateur, pâtissier?) est invitée à partager un repas en compagnie de quelques résidents. Cette dernière établit un menu particulier en compagnie de l'animatrice. Chaque repas fait l'objet d'une préparation minutieuse. En fonction du métier de l'invité, elle propose à quatre ou cinq résidents, dont l'activité professionnelle antérieure était proche ou partageant le même centre d'intérêt, de participer au repas. L'animatrice présente ensuite l'invité à chacun et évoque le menu. Puis, deux jours avant la rencontre, elle leur adresse un carton d'invitation, afin de donner un caractère solennel à ce moment particulier et de bien marquer la rupture avec le fonctionnement habituel de l'établissement. Le jour venu, l'animatrice achève ses préparatifs, et les odeurs de cuisine attirent généralement l'ensemble des résidents et créent l'événement. Goûts, saveurs et odeurs sont autant de sensations permettant une stimulation de la mémoire. Après l'accueil de l'invité, les résidents dégustent un apéritif avant de partager le repas. Cet échange se prolonge souvent l'après-midi. Pour l'animatrice, le bénéficie semble évident : lors de ces repas les résidents évoquent "leur vie d'avant", et communiquent plus facilement entre eux. Pour financer le fonctionnement de cet atelier, la maison de retraite a bénéficié d'une subvention de 5.500 euros de la Fondation Médéric Alzheimer.

Aller plus loin sur le web

Le site de la mairie de Saint-Médard-en-Jalles.
http://www.saint-medard-en-jalles.com
 
Le site de la Fondation Médéric Alzheimer.
http://www.fondation-mederic-alzheimer.org
 
L'accès à la liste des initiatives locales  soutenues par la Fondation Médéric Alzheimer depuis 2001.
 
Le dossier consacré à la maladie d'Alzheimer sur le site du ministère délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
http://www.personnes-agees.gouv.fr/themes/alzheimer.htm
 
Le Memento Alzheimer édité en 2004 par le ministère de la Santé (fichier pdf, 328 Ko).

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