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Aménagements cyclables temporaires : de nouvelles voies pour le déconfinement

Pour éviter un afflux trop important de voyageurs dans les transports en commun lorsque le déconfinement sera venu, des collectivités envisagent de faciliter l'usage du vélo par des aménagements cyclables temporaires, à l'image de ce qui se pratique déjà dans de grandes villes à l'étranger.

Transformer temporairement des boulevards parisiens en pistes cyclables lors du déconfinement prévu à partir du 11 mai : c'est une possibilité qu'a évoquée ce 14 avril sur BFM Paris Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la maire de Paris. Il s'agit ainsi d'"éviter que les gens retournent dans les transports en commun de façon trop massive en même temps", a-t-il justifié. "Christophe Najdovski [adjoint à la maire de Paris en charge des mobilités, NDLR], travaille sur le concept de l'urbanisme tactique, qui consiste à créer du provisoire pour répondre à des besoins liés à la crise", a-t-il précisé. Pour Emmanuel Grégoire, "l'idée" derrière cette proposition est d'inciter "les gens qui peuvent se passer d'aller dans les transports en commun" de le faire, pour éviter "les risques" mais aussi pour "accélérer le développement du vélo comme pratique de mobilité".  "On y travaille depuis déjà un certain temps. On aura l'occasion de le préciser dans les semaines à venir", a-t-il assuré.
Au nord-est de Paris, plusieurs collectivités de Seine-Saint-Denis telles que Montreuil ou le territoire Plaine Commune se sont aussi déclarées favorables à la mise en place d'itinéraires provisoires 100% vélo à l'issue du confinement, selon le quotidien Le Parisien, et le conseil départemental estime que d'anciennes routes nationales comme l'ex-RN186, qui traverse le département, de Rosny à Saint-Denis, pourraient se prêter facilement à ce type d'aménagements.

"Le vélo comme moyen de distanciation sociale"

À Grenoble, classée grande ville la plus cyclable de France en février dernier (voir notre article) et dont l'agglomération dispose déjà de près de 40 km d'"autoroutes" à vélo, les élus ont aussi "cette question en tête depuis plusieurs semaines (..). Il va falloir des adaptations", a assuré à l'AFP le maire de la ville, Éric Piolle. Car le confinement "va laisser des séquelles" : "Tout le monde ne va pas se précipiter pour se serrer comme des sardines dans un tramway ou un bus" et "tout le monde pense au vélo comme un moyen qui permet la distanciation sociale", a-t-il souligné.
La métropole de Lyon a aussi annoncé dans un communiqué ce 16 avril son intention de travailler "en lien avec l'ensemble des acteurs du territoire - maires, associations - afin de proposer dès le 11 mai des aménagements en faveur de l'usage du vélo ou des trottinettes, mais également des piétons". "Ces aménagements auront pour objectif d'offrir des usages alternatifs, sur des axes directs, plus confortables et sécurisés, tout en préservant la distanciation sociale suffisante pour contrer une éventuelle contagion", explique-t-elle, sans entrer dans le détail des aménagements projetés. "Repenser nos villes, nos vies de demain, commence aujourd'hui", souligne son président, David Kimelfeld, en se prévalant comme les élus parisiens d'un "urbanisme tactique" qui pourrait esquisser la ville de demain.
À Montpellier, le maire, Philippe Saurel, s’est pour sa part dit favorable à l’instauration d’une piste cyclable provisoire pour faciliter l’accès à un hôpital de la ville.
La ministre de la Transition écologique prête en tout cas une oreille attentive au sujet puisqu'elle a chargé le Club des villes et territoires cyclables de recenser et d'appuyer ces initiatives locales et "surtout de faire remonter les freins éventuels", a souligné son président, Pierre Serne, sur son compte twitter. Le Club a ainsi élaboré en ce sens un court questionnaire destiné aux collectivités territoriales.

Berlin, Bogota, Oakland déjà en piste

À l'étranger, les exemples d'aménagements cyclables temporaires ont commencé à fleurir depuis la propagation du coronavirus et l'instauration des mesures de confinement. Dans un article qu'il vient de publier, le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) cite l'exemple de Berlin, où "dans le quartier de Kreuzberg, la Zossenerstrasse a été aménagée fin mars 2020 avec une bande cyclable temporaire équipée de balises d’alignement". Une "expérience positive" qui a conduit la capitale allemande à étendre le dispositif "à une demi-douzaine d’autres rues" et à l'intégrer dans ses recommandations officielles.
À Bogota, capitale de la Colombie, 76 kilomètres de pistes cyclables temporaires ont été ouvertes entre 6h et 19h30, pour "réduire la fréquentation des transports publics et ainsi lutter contre la propagation du Covid-19".
"En anticipation d’une démarche globale d’apaisement de la circulation déjà programmée", écrit le Cerema, la municipalité d'Oakland, en Californie, a, elle, décidé d'interdire, à partir du 11 avril, "120 km au trafic motorisé non résidentiel pour encourager la distanciation physique entre les usagers et conserver la possibilité pour les citoyens d’avoir une activité physique, les parcs publics étant soit fermés, soit saturés".

Potentiel "considérable" en France

Pour le Cerema, le potentiel est "considérable" en France pour instaurer de tels aménagements : "Le trafic motorisé a subi des baisses comprises entre 60 et 90%, ce qui libère une place importante pour les modes actifs", souligne-t-il. "Le besoin est d’autant plus grand que de nombreuses infrastructures cyclables ont été interdites à tort aux cyclistes au motif qu'elles ne serviraient que pour faire du sport ou se promener, fait-il valoir. La création d’aménagements cyclables sur les voiries parallèles est donc une solution pour maintenir la possibilité d’utiliser le vélo pour des raisons utilitaires dans des conditions satisfaisantes. De plus, la forte baisse de trafic s’est traduite par une augmentation importante des vitesses, ce qui ajoute à l’urgence de sanctuariser des espaces pour les cyclistes en réduisant ceux ouverts aux usagers motorisés."

Mode d'emploi

Il avance plusieurs solutions pour mettre en place ces espaces cyclables temporaires comme la réduction du nombre de voies motorisées, puisque "le maintien de plusieurs files de circulation dans le même sens ne se justifie plus dans l’immense majorité des cas pendant la période de confinement". "Les artères urbaines à 2X2 ou 2X3 voies sans stationnement motorisé latéral sont particulièrement adaptées pour accueillir de tels aménagements", précise-t-il. D'autant qu'il n’existe "aucune opposition juridique à une telle initiative". "Il s’agit d’un changement d’exploitation de la voirie exigeant la prise d’un arrêté de circulation par l’autorité investie du pouvoir de police, au même titre que les autres mesures de police", note-t-il.
Les aménagements cyclables existants pourraient aussi être élargis, suggère le Cerema, car "souvent de l'espace peut être gagné sur les voies adjacentes, sans nécessairement modifier le nombre de voies". "La baisse très forte de flux motorisé peut être également l’occasion de tester des modifications du plan de circulation pour libérer de l’espace, ou d’accélérer des opérations déjà programmées", avance-t-il encore.
Comme il s'agit de solutions temporaires, le Cerema recommande de créer l’aménagement cyclable avec le matériel habituellement utilisé en cas de chantier sur la voirie publique, en particulier lors du rétablissement de continuité cyclable. Quant à la signalisation des aménagements cyclables, temporaires ou non, elle peut se faire à l’aide de la seule signalisation verticale (panneaux) ou de la seule signalisation horizontale (marquage au sol), rappelle-t-il.

 

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