Culture - Après une nouvelle dégradation d'oeuvre d'art, Aurélie Filippeti veut sensibiliser préfets et élus
Il y a quelques jours, une œuvre d'art réalisée en 1972 dans le cadre du "1% culturel" finissait par mégarde à la déchetterie - avant d'être récupérée in extremis - à l'occasion de travaux entrepris par le conseil général de Vendée devant un collège de La Roche-sur-Yon (voir notre article ci-contre du 21 juillet 2014). Cette maladresse a conduit le département à lancer un inventaire de l'ensemble des œuvres d'art installées dans les collèges de son territoire.
Maladresse ou intention cachée ?
Une nouvelle affaire vient de survenir à Hayange (Moselle, 15.700 habitants). En entreprenant de repeindre les fontaines de la ville, les services municipaux ont en effet également repeint partiellement - en bleu clair - une statue-fontaine en granit installée sur la place de l'église d'Hayange. Or cette statue est l'œuvre d'Alain Mila, un artiste originaire de Thionville.
Comme dans le cas de La Roche-sur-Yon, l'affaire d'Hayange relève manifestement davantage de la maladresse et/ou de la méconnaissance des règles régissant le droit d'auteur, que d'une quelconque intention cachée. "Nous avons voulu redonner des couleurs, égayer un peu le centre-ville, les barrières aussi ont été repeintes...", explique ainsi Fabien Engelmann, le maire d'Hayange.
Mais l'affaire présente toutefois deux différences : d'une part l'œuvre en question appartient au domaine public de l'Etat (alors que celle de La Roche-sur-Yon appartenait au département) ; d'autre part, le maire d'Hayange est l'un des nouveaux élus du Front national, qui a remporté la ville en mars dernier. Aurélie Filippetti a donc publié, le 25 juillet, un communiqué pour dénoncer "une violation manifeste du droit moral et des règles élémentaires du Code de la propriété intellectuelle et de la protection du patrimoine". Pour la ministre de la Culture, "cet incident est révélateur de la conception de la politique culturelle qu'ont les élus du Front national et qui appelle à la plus grande vigilance".
Une circulaire aux préfets pour rappeler les règles
Au-delà de cette polémique, la ministre "rappelle que les œuvres d'art appartenant au domaine public de l'Etat ou des collectivités publiques sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. En conséquence, les œuvres ne peuvent être ni modifiées, ni même déplacées, ni a fortiori détruites sans l'autorisation de l'artiste ou de ses ayants droit. Elles ne peuvent en aucun cas être vendues". Aurélie Filippetti annonce avoir demandé à ses services de préparer une circulaire aux préfets, attirant leur attention sur ces "points de droit" et leur demandant "de rappeler, au besoin, aux collectivités propriétaires leurs devoirs de surveillance et de conservation des œuvres placées sous leur garde".
Cette position est depuis longtemps confirmée par la jurisprudence. Il y a quelques années, la ville de Bordeaux a ainsi été condamnée par le tribunal administratif (jugement définitif) pour avoir détruit une œuvre installée en bordure de la Garonne (voir notre article ci-contre du 13 juillet 2007). Ce jugement faisait suite à un autre, beaucoup plus célèbre : la condamnation, en 1981, de Renault pour avoir détruit le "Salon d'été" installé par Jean Dubuffet dans les jardins du siège social de l'entreprise à Boulogne.
Ces condamnations se fondent sur l'article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui ne laisse aucun doute sur le statut de l'œuvre d'art. Celui-ci dispose en effet que "l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial [...]".