Archer, la régénérescence d'un tissu industriel par la valorisation des savoir-faire industriels locaux et la coopération inter-entreprises (26)

Créé en 1987 sous l’impulsion de Christophe Chevallier pour expérimenter une approche nouvelle face à l’hémorragie des fermetures et des délocalisations d’usines et à ses incidences sur l’emploi local, Archer affiche une belle réussite entrepreneuriale. Aujourd’hui le groupe d’insertion, composée d’entreprises commerciales et d’associations, compte 2.200 salariés sur le bassin d’emploi romanais, représentant 500 équivalents temps plein. Misant sur la mobilisation des savoir-faire industriels locaux et les ressorts de la coopération territoriale, son mode de développement singulier a surtout construit les bases d’un modèle de solidarité territoriale inter-entreprises qui contribue aujourd’hui à la résilience du tissu industriel romanais.

Historiquement spécialisé dans la fabrication de chaussures de luxe, le bassin d’emploi de Romans sur Isère a compté jusqu’à 5.000 emplois dans ce domaine d’activités et quelques grands noms comme Charles Jourdan ou Stéphane Kelian. Dès les années 70, un mouvement de fermetures et de délocalisations s’est engagé, laissant au fil des années une situation économique et sociale exsangue et très dégradée. Avec le risque que le Romanais perde définitivement les savoir-faire qui avaient fait sa renommée dans le monde entier.

Entreprendre autrement

C’est dans ce contexte qu’Archer prend naissance. L’initiative émane d’acteurs venant des champs de l’économie sociale et de l’insertion, portés par un socle de convictions allant à l’encontre des représentations dominantes. Elles se résument en quelques points :
• Le chômage relève d’une responsabilité collective ;
• Pour favoriser le retour à l’emploi, l’insertion par l’économique a toute sa place, elle change l’ordre des gagnants, mais se révèle insuffisante pour véritablement peser sur le niveau du chômage, en particulier sur ce bassin d’emploi touché durement par les délocalisations d’entreprises ;
• Enfin, pour agir efficacement contre le chômage, il faut non pas seulement faire de la formation et de l’accompagnement auprès des personnes éloignées de l’emploi, mais agir aussi sur le terrain du développement économique.

Groupe construit sur le pragmatisme entrepreneurial, doublé d’une vision sur le sens à donner à l’action collective à l’échelle locale

L’approche est pragmatique et entrepreneuriale. Elle s’appuie sur :
• Valorisation des savoir-faire locaux
Archer s’est spécialisée dans la reprise sélective d’entreprises ou de segments d’activités pour lesquelles l’entreprise a identifié au préalable des savoir-faire spécifiques, à défaut d’actif de marque à valoriser. C’est la démarche qui préside par exemple au rachat d’Adret, une PME opérant dans le secteur de la découpe et de l’échantillonnage qui employait 18 salariés. Elle est reprise par segments dans le cadre d’une vente aux enchères, ce qui permet à Archer de sauver un savoir-faire spécifique, et les deux emplois concernés.
C’est également en puisant dans les savoir-faire historiques de la chaussure de luxe, que le Groupe Archer, et ses partenaires ont fait le pari de relancer une activité chaussures à Romans. A la demande et en coopération avec des acteurs locaux, Archer a créé en 2007 une entreprise de fabrication de chaussures, Made in Romans, qui connaît un certain succès. Les modèles de chaussures sont fabriqués à 100 % dans l’atelier romanais par des employés qui font perdurer un savoir-faire local. Tous les cuirs utilisés sont tannés dans la région, à partir de veaux exclusivement élevés en France.
• Approche stratégique axée sur la notion de coût global
Archer a développé une approche stratégique sur les sources des délocalisations industrielles et revendique une approche en termes de coûts global. Les stocks, les risques de détournement de brevets, les coûts de transport, ou de transferts de savoir-faire, sont autant de facteurs qui peuvent dans certains cas remettre en cause la rationalité économique d’un projet de délocalisation d’activités.
Précurseur il y a une quinzaine d’années, Archer s’appuie sur cette approche pour définir une stratégie de soutien aux entreprises locales en ciblant, au travers d’une analyse par le coût global, les activités qui peuvent avoir un avenir sur le territoire.
L’entreprise cherche notamment à tirer parti de la proximité géographique, comme facteur décisif dans les secteurs où la production est organisée en flux tendus et où les pièces sont amenées à évoluer en permanence. Elle se positionne ainsi sur des segments de la sous-traitance automobile où l’organisation de la production n’autorise aucune rupture dans la chaîne d’approvisionnement.
• La coopération territoriale comme facteur de solidarité, de résilience et de compétitivité du tissu industriel local
Enfin et surtout, dans un contexte économique tendu pour les entreprises industrielles du bassin romanais, Archer promeut la logique de coopération de proximité entre acteurs économiques, selon une approche qui cherche à tirer parti des effets de la mutualisation des besoins, des compétences et des ressources locales. Les collaborations s’organisent notamment au sein de deux associations créées en 2006. Elles portent sur la mutualisation des achats, la recherche de clients, mais aussi les échanges capitalistiques et le prêt de salariés, la création d’un CE interentreprises, ou encore la création de crèches. Au départ, ces associations fédéraient plutôt des acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais elles se sont ouvertes de plus en plus aux PME qui y ont, peu à peu, perçu l’intérêt d’y prendre part. La démarche initiée par Archer contribue ainsi à faire évoluer les mentalités et les pratiques des décideurs économiques locaux, qui étaient culturellement davantage enclins à jouer la logique de la concurrence que celle de la mutualisation et de la coopération.

Gouvernance démocratique et multi-partenariale, distribution de dividendes limités

Chaque entité fonctionne de manière autonome et comprend les métiers nécessaires pour son fonctionnement : des professionnels de métiers divers (chauffeurs, ouvriers du bâtiment, artisans du cuir, jardiniers, aides à domicile...), des travailleurs non qualifiés (encartage, reconditionnement...) et des personnes qui assurent les fonctions commerciales, de gestion (budget, organisation...) et d’accueil des personnes en insertion. Trois fonctions sont organisées de manière transversale au niveau de la holding de tête, Archer SAS : la gestion des ressources humaines (paie, formation...), les services mutualisés (communication...) et la direction, qui organise la stratégie globale, la cohérence d’ensemble et le lien avec les institutions extérieures.
Christophe Chevalier, PDG du groupe, tient à ce que chaque structure fonctionne sous une forme démocratique. Aussi, même la holding compte un tiers de salariés parmi les 112 actionnaires qui ont chacun une voix à l’assemblée générale, et la structure dispose d’un comité éthique. Si le statut juridique d’Archer est celui d’une SAS, son fonctionnement démocratique et la limitation des dividendes distribués l’apparente ainsi à celui d’une SCOP.

Portage de l’ingénierie de projet du développement local

Pour faire vivre les ressorts de la coopération territoriale, le Président revendique une posture entrepreneuriale fondée une logique d’intérêt collectif. Généralement dévolue et endossée par les acteurs publics locaux ou leurs partenaires institutionnels, cette approche installe la fonction de « développeur » territorial au sein même de l’entreprise. Elle se révèle indispensable pour mobiliser partenaires et faire émerger de nouvelles voies de coopération inter-entreprises. Sans véritable modèle économique pérenne, cette mission d’intérêt général occupe un équivalent temps plein partagé par un collectif de 6 personnes positionnées au sein des instances de direction du Groupe, chacune d’entre elles se mobilisant ainsi en fonction des thématiques et des compétences requises.

La galaxie Archer, mode d’organisation des activités
Le groupe Archer chapeaute aujourd’hui huit structures, dont des associations, une coopérative d’activités et d’emploi (CAE) et des organismes d’insertion ; sans compter les parts détenues par la structure dans des entreprises de l’économie classique locales afin de les aider à se développer.
Archer est au départ un groupe spécialisé dans l’insertion des publics en difficulté. Ayant démarré sous forme de structure d’insertion par l’activité économique, il s’est développé en parallèle de l’association mère chargée des activités non fiscalisées, une société par actions simplifiée (SAS) qui s’occupe des projets de développement économique. Objectif : non plus seulement aider les personnes éloignées de l’emploi à se réinsérer, mais créer des emplois locaux pérennes.
L’ensemble du groupe comprend une quinzaine de pôles d’activité : intérim (Artim), entretien d’espaces verts (Arvert), services aux entreprises (L’Atelier et Archer Emplois Service), transport de personnes, de fret et logistique (Atout Service), bâtiment (Arbati), service aux collectivités (Archer Chantier formation). A cela s’ajoutent l’accompagnement et le portage de personnes qui créent leur activité dans des domaines variés (habillement, bijoux, maroquinerie, agriculture...) par la CAE Arcoop.


Cette monographie a été rédigée dans le cadre du dossier Entrepreneuriat de territoire décrivant des dynamiques innovantes portées au sein des territoires.

Groupe ARCHER

Christophe Chevalier

PDG

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