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Economie locale - Artisanat : Sylvia Pinel promet de s'en prendre à la concurrence déloyale

Devant les chambres des métiers, la ministre de l'Artisanat a précisé, mardi, le contenu de son projet de loi sur l'artisanat et le commerce qui sera présenté à l'automne. Au menu : la réforme du statut d'autoentrepreneur qui fait polémique, mais aussi des mesures sur l'urbanisme commercial. Dans l'attente de la révision de la directive sur le détachement de travailleurs, Sylvia Pinel a dit vouloir renforcer les contrôles en France et annoncé un "mécanisme de responsabilité solidaire pour les donneurs d'ordre en cas de sous-traitance".

La ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, Sylvia Pinel, a promis, mardi 4 juin, des mesures "équilibrées" pour lutter contre la concurrence déloyale qui frappe les artisans.
A deux jours d'une rencontre importante avec les représentants des autoentrepreneurs, elle a maintenu sa ligne : "La réforme devra distinguer clairement les activités d'appoint de celles qui constituent un tremplin", a-t-elle déclaré devant l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat (APCMA) qui tenait son assemblée générale, à Paris. Les premières seront sans limite dans le temps contrairement aux secondes, amenées à passer aux stade d'entreprises classiques. "Il faudra corriger les situations d'excès ou les lacunes de certains secteurs qui connaissent des situations de distorsion de la concurrence, du salariat déguisé…", a-t-elle ajouté. 
La réforme du régime des autoentrepreneurs, qui devra être arbitrée dans quelques jours par Matignon, sera incluse dans un projet de loi sur l'artisanat et le commerce qui sera présenté à l'automne. "Au-delà de la limitation dans le temps, d'autres choses sont à prévoir, comme l'accompagnement, le contrôle des qualifications et les obligations réglementaires et l'obligation d'assurance", a-t-elle précise à la presse. L'obligation d'inscription au répertoire des métiers pour toutes les catégories d'autoentreprise a également été évoquée.
"66% des entreprises accompagnées sont en vie pérenne cinq an après, c'est 15 points de moins chez les autres", a-t-elle argué. Revenant sur les forte mobilisation des autoentrepreneurs ces derniers jours, elle a déclaré que le "distinguo (des deux catégories d'autoentrepreneurs) paraissait sujet de consensus" lors de ses derniers échanges avec eux.
Alain Griset, le président de l'APCMA, s'en est pour sa part vivement pris à à la "campagne agressive" de "quelques poussins qui piaillent à l'abri dans une couveuse surchauffée", comparés aux "artisans qui créent, qui cotisent, qui produisent, qui embauchent et qui forment"…

Urbanisme commercial

Le projet de loi comprendra par ailleurs des mesures sur le statut de l'artisan et devrait remettre en cause le titre d'"artisan qualifié" créé par le précédent gouvernement et une simplification de l'EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) qui n'a pas vraiment décollé depuis sa création en 2011. 16.000 entreprises ont été enregistrées sous ce régime.
Par ailleurs, les mesures en faveur du commerce de proximité dévoilée la semaine dernière par la ministre (voir ci-contre notre article du 3 juin) seront incluses dans le même projet de loi. Il traitera de l'urbanisme commercial et des baux commerciaux. Sur l'urbanisme commercial, après la réforme avortée du député Michel Piron, il ne s'agira pas de "réforme globale" mais de "redonner une cohérence" avec le droit de l'urbanisme. Il est question de "limiter les recours dilatoires", de soumettre les "drives" à autorisation (alors qu'aujourd'hui, ils n'ont pas à passer devant les commissions départementales d'équipement commercial), de mesures sur les loyers commerciaux et les charges et enfin d'une évaluation du droit de préemption destinée le rendre "plus opérationnel".
La ministre est par ailleurs revenue sur la polémique sur les travailleurs détachés lancée par deux rapports du Sénat et de l'Assemblée publiés à quelques semaines d'intervalle (voir ci-contre notre article de ce jour). Les parlementaires évaluent à 300.000 le nombre de travailleurs à bas coût sur le territoire français en provenance de pays de l'Est et du Sud. "Je souhaite un texte équilibré et ambitieux", a plaidé la ministre au sujet de la directive européenne en cours de révision. "Il faut éviter le moins disant social, lutter contre le dumping social", a-t-elle insisté.
Mais alors que le discussion risquent de s'éterniser au niveau européen, la ministre a ouvert la discussion pour trouver des solutions nationales, comme le recommandent les députés. Elle a dit souhaiter "une liste ouverte de documents exigibles en cas de contrôle", ainsi qu'un "mécanisme de responsabilité solidaire pour les donneurs d'ordre en cas de sous-traitance". Les services du ministère vont travailler avec l'APCMA pour mettre au point ce dispositif, a-t-elle précisé. Des annonces qui ont satisfait Alain Griset. "La directive telle qu'elle est mise en œuvre est dramatique pour ceux qui sont concernés […] la responsabilité des donneurs d'ordre par rapport aux sous-traitants va limiter le phénomène. De même, les obligations de documents vont dans le bon sens", fait-il valoir. Le président des chambres de métiers a par ailleurs dressé un tableau pessimiste de la situation des artisans dont le chiffre d'affaires, après avoir baissé de 2% en 2012, est sur un rythme de 3% de baisse en 2013. La situation est particulièrement patente dans les travaux publics et la fabrication où le recul est compris entre 5 et 5,5%, mais aussi dans les métiers du bâtiment, des services et de l'alimentation.