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Commande publique - Attribution d'un marché et sélection qualitative... des critères tout en nuance

Dans son arrêt du 9 octobre 2014, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rappelle la distinction existante entre critères d'attribution d'un marché et critères de sélection qualitative des soumissionnaires, s'agissant plus précisément du critère de l'expérience des candidats.
Dans les faits, la Commission européenne a octroyé une aide à l'Espagne au titre du Fonds de cohésion, destinée à un groupe de trois projets concernant l'assainissement du bassin hydraulique du fleuve Jùcar. Le conseil des travaux publics, de l'urbanisme et des transports a remporté le concours. Après avoir mené une mission d'audit concernant ce groupe de projets, la Commission a constaté des irrégularités portant sur la méconnaissance de l'article 30 de la directive 93/37/CEE relatif aux différents critères d'attribution du marché (article 53 de la directive 2004/18/CE et article 53 du Code des marchés publics). En effet, "le pouvoir adjudicateur aurait retenu, parmi les critères d'attribution, le critère de l'expérience de travaux précédents" selon la Commission européenne dans sa décision litigieuse de rectification financière. Le Royaume d'Espagne avait alors saisi le tribunal d'un recours tendant à l'annulation de la décision en cause, lequel a été rejeté. L'Etat membre décide de saisir la CJUE d'une demande partielle en annulation de l'arrêt du tribunal. La question à laquelle devait répondre la Cour était donc celle de savoir si l'expérience de travaux précédents constituait ou non un critère d'attribution du marché.

L'expérience de travaux précédents est un critère de sélection qualitative…

La Cour a rejeté le pourvoi du Royaume d'Espagne au motif que "la prise en considération de l'expérience […] est fondée sur la capacité technique des soumissionnaires et cette expérience constitue un critère pertinent pour vérifier de l'aptitude des entrepreneurs". Elle précise également, qu'il existe une distinction claire et précise entre critères d'attribution et "critères de sélection qualitative liés essentiellement à l'appréciation de l'aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question".
Les critères d'attribution se fondent sur deux éléments, soit le prix le plus bas soit l'offre économiquement la plus avantageuse. Tandis que les critères de sélection qualitative permettent quant à eux, de juger entre autres, de l'aptitude (économique, financière et technique) du soumissionnaire à exercer l'activité professionnelle. Ainsi, bien que ces opérations d'attribution et de vérification puissent être exécutées simultanément, elles sont "distinctes" et "régies par des règles différentes". Par ailleurs, le moyen soulevé par le Royaume d'Espagne, selon lequel l'expérience prise en considération correspondait à "l'expérience [du soumissionnaire] dans des travaux présentant des caractéristiques similaires", ne justifiait pas non plus le recours à ce critère, selon la CJUE.
En conséquence, l'expérience de travaux précédents ne peut servir de critère d'attribution.

… mais l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché est un critère d'attribution

L'adoption de la nouvelle directive marchés publics, publiée au JOUE le 28 mars dernier et qui devra être transposée en droit français au plus tard le 18 avril 2016, pourrait nuancer la jurisprudence de la CJUE en la matière. En effet, le critère unique du prix, ou "prix le plus bas" en droit européen, a été abandonné dans la rédaction de l'article 67 de la nouvelle directive, pour faire place à l'unique critère de l'offre économiquement la plus avantageuse (voir encadré ci-dessous). Selon le paragraphe 2, alinéa b) de cette disposition, ce critère devra être évalué sur la base de divers éléments comme par exemple celui "de l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché, lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché". Cette formulation n'est pas sans rappeler le moyen soulevé par le Royaume d'Espagne dans l'affaire en cause, et écarté par la Cour, selon lequel "les capacités du soumissionnaire sont susceptibles d'être utilisées en tant que critère d'attribution dans la mesure où elles visent à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse".

Référence : CJUE, 9 octobre 2014, affaire C-641/13 P 

L'Apasp

 

CRITERES D'ATTRIBUTION d'UN MARCHE : l'Offre économiquement la plus avantageuse devient l'unique approche

L'article 30 de la directive abrogée relatif aux critères d'attribution des marchés a été substitué par l'article 53 de la directive 2004/18, lui-même transposé en droit français à l'article 53 du Code des marchés publics (CMP).
Selon les dispositions de cet article, "pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde: soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché" (tels que la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, ou encore les performances en matière de protection de l'environnement), soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix".
Les institutions et la jurisprudence européennes ont progressivement privilégié le critère de l'offre économiquement la plus avantageuse en multipliant les critères liés à l'objet du marché (coût du cycle de vie, conception, caractéristiques sociales, environnementales et innovantes, service après-vente, etc.), d'où l'adoption de la nouvelle directive marchés publics dont la transposition en droit français pourrait entraîner d'ici le 28 avril 2016 une modification de l'article 53 du CMP. Selon l'article 67 de la nouvelle directive, cette diversification des critères d'attribution n'est pas synonyme de "liberté de choix illimité [pour] le pouvoir adjudicateur". Ainsi la personne publique devra préciser, dans les documents de marché, les critères choisis et leur pondération, sous réserve de nullité.     

L'Apasp

 

 

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