Commande publique - Critères d'attribution d'un marché : Mapa ou appel d'offres, des incidences à ne pas négliger...
Dans deux décisions du 26 septembre 2012, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser les règles relatives aux critères d'attribution d'un marché public dans la phase de sélection des offres.
Le premier arrêt du Conseil d'Etat (n°359389) traite de l'information des candidats quant aux critères d'attribution du marché et des conditions de leur mise en oeuvre.
Dans les faits, la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine avait lancé un appel à candidatures pour la passation d'un marché, selon une procédure adaptée (Mapa), ayant pour objet l'intervention d'huissiers de justice pour le recouvrement amiable de créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux, à la demande de comptables du Trésor public.
L'offre présentée par le GIE "Groupement des poursuites extérieures" est retenue. La SCM GTP 92, mandatée par plusieurs sociétés civiles professionnelles pour les représenter, se voit notifier le rejet de son offre. Une de ces sociétés mandantes saisit le juge du référé précontractuel et demande l'annulation de la procédure de passation de marché. Il est reproché au pouvoir adjudicateur de s'être borné à énumérer les critères d'attribution de ce marché sans en préciser l'importance et sans en détailler la pondération ou la hiérarchisation. Par une ordonnance du 26 avril 2012, le juge du référé précontractuel fait droit à cette demande. Le candidat retenu par le pouvoir adjudicateur forme alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat en vue de l'annulation de cette ordonnance.
La Haute Juridiction devait ainsi déterminer si dans le cadre d'un marché passé selon une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur pouvait se borner à lister les critères d'attribution.
Reprenant la solution posée par un arrêt en date du 30 janvier 2009 (CE 30 janvier 2009, Agence nationale pour l'emploi, n°290236), le Conseil d'Etat considère que "pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de l'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné".
Lorsque le pouvoir adjudicateur passe un marché selon une procédure adaptée, en application de l'article 28 du code des marchés publics, et qu'il décide de pondérer ou de hiérarchiser les critères d'attribution du marché, il doit informer les candidats de leurs conditions de mise en oeuvre.
En l'espèce, le règlement de la consultation se bornait à énumérer les critères d'attribution "sans autres précisions". L'incertitude tenant aux conditions de mise en oeuvre des critères de sélection constituait "pour le pouvoir adjudicateur, un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence" susceptible de léser les candidats.
Le Conseil d'Etat valide donc le raisonnement suivi par le juge du référé précontractuel et rejette la requête du candidat initialement retenu.
Une notation différente de celle du règlement de la consultation n'entraîne pas systématiquement l'annulation de la procédure
Le second arrêt du Conseil d'Etat (n° 359706) traite de la différence entre la notation prévue par le règlement de la consultation et celle effectivement utilisée par la commission d'appel d'offres et de son incidence sur la procédure.
En l'espèce, la communauté d'agglomération Seine-Eure avait lancé une procédure d'appel d'offres pour l'attribution d'un marché à bons de commande pour les collectes spécifiques, le transfert et l'acheminement des déchets ménagers et assimilés. Deux entreprises candidates, la société Ourry et le groupement Sita/Mauffray, présentent une offre pour le lot n°3 du marché portant sur la gestion du quai de transfert et le transport des déchets en camions semi-remorques. L'offre présentée par la société Ourry est rejetée au profit de celle présentée par le groupement Sita/Mauffray.
La société évincée saisit alors le juge du référé précontractuel en vue de l'annulation de la procédure de passation du lot n°3 du marché. Elle invoque en particulier une discordance entre la notation prévue par le règlement de la consultation pour le critère de la valeur technique et celle effectivement utilisée par la commission d'appel d'offres pour ce même critère. En effet, le critère de la valeur technique était subdivisé en sous-critères et le règlement de la consultation indiquait qu'un des sous-critères devait être noté sur dix alors que la commission d'appel d'offres l'a noté sur vingt. Par une ordonnance du 14 mai 2012, le juge du référé fait droit à cette demande. La communauté d'agglomération Seine-Eure saisit alors le Conseil d'Etat.
Il appartenait dès lors à la Haute Juridiction de trancher la question de savoir si "la discordance entre les prescriptions du règlement de la consultation relatives à la notation du critère de la valeur technique et la manière dont les offres ont été effectivement notées sur ce critère par la commission d'appel d'offres" était susceptible ou non de léser le candidat évincé.
Le Conseil d'Etat répond par la négative et considère que la différence entre la notation prévue par le règlement de la consultation et celle effectivement utilisée pour le critère de la valeur technique n'a pas lésé le candidat évincé. En effet, ce dernier a obtenu la note maximale de 20 sur 20 pour le sous-critère litigieux alors que le groupement attributaire a obtenu une note de 18 sur 20. Cette discordance n'a pas lésé la société évincée puisque "l'offre de la société Ourry n'a été en fin de compte classée seconde qu'en raison de l'écart qui la séparait de l'offre de la société attributaire relativement au critère du prix". Le critère du prix est donc celui qui a été prépondérant. Par conséquent, la demande de la communauté d'agglomération est favorablement accueillie par le Conseil d'Etat.
Cet arrêt précise ainsi que la différence de notation n'entraîne l'annulation de la procédure que dans la mesure où elle est susceptible de léser un candidat. Ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'Apasp
Références : Conseil d'Etat, 26 septembre 2012, n°359389 ; Conseil d'Etat, 26 septembre 2012, n°359706 ; Conseil d'Etat, 30 janvier 2009, Agence nationale pour l'emploi, n°290236.