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Médicosocial - Autorisation des établissements et services sociaux : les nouvelles règles du jeu

Un décret du 26 juillet 2010 met en place les dispositions de la loi "hôpital, patient, santé et territoires" (HPST) du 21 juillet 2009 sur le nouveau régime d'autorisation des établissements et services sociaux et médicosociaux. Fondé sur le mécanisme de l'appel à projets, le nouveau dispositif, qui entre en vigueur à compter du 1er août, introduit une véritable révolution copernicienne dans la planification de la création, de l'extension et de la transformation des établissements et services dans le champ social et médicosocial.

La loi "hôpital, patient, santé et territoires" (HPST) du 21 juillet 2009 a introduit dans le Code de l'action sociale et des familles (Casf) un article L.313-1-1 relatif à l'autorisation de "projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médicosociaux". Cette nouvelle procédure - basée sur le principe de l'appel à projets - concerne l'ensemble des autorisations délivrées par le président du conseil général, par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), par le représentant de l'Etat, ou délivrées conjointement par deux de ces autorités. La loi HPST fixe les grandes lignes de la procédure - et notamment l'intervention d'une commission de sélection d'appel à projets sociaux ou médicosociaux - et renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour la mise en oeuvre de ces dispositions. C'est ce décret qui vient de paraître au Journal officiel du 27 juillet 2010.

La philosophie de ces nouvelles règles du jeu est la suivante : désormais, ce ne devraient plus être les gestionnaires de structures qui seront à l'origine de la création ou de la transformation d'établissements  - par exemple pour personnes âgées ou handicapées - mais les autorités publiques (Etat, ARS, département). Ces dernières définiront les besoins de leur territoire et appelleront ensuite les gestionnaires à candidater à un appel d'offres.

Six commissions, dont trois pour les départements

Le volumineux décret du 26 juillet 2010 détaille donc les nouvelles règles du jeu applicables aux "projets de création, de transformation et d'extension d'établissements, services et lieux de vie et d'accueil requérant des financements publics". Il s'appuie notamment sur le bilan de l'expérimentation menée par la direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) et par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dans trois régions-tests : Bourgogne, Centre et Pays-de-la-Loire (voir notre article ci-contre du 10 mars 2010).

Le texte commence par instituer, auprès de chacune des autorités compétentes pour délivrer l'autorisation, une "commission d'appel à projet social ou médicosocial" qui se substitue au comité régional de l'organisation sociale et médicosociale (Crosms). La composition de cette dernière varie en fonction de la nature de la ou des autorités délivrant l'autorisation, ce qui donne six cas de figure différents. Elle est encore compliquée par le fait que la commission comprend à la fois des membres avec voix délibérative (liste fixe) et des membres avec voix consultative (liste variable en fonction de la nature du projet examiné).

Dans le cas des autorisations relevant de la seule compétence du président du conseil général (notamment les établissements et services pour l'enfance en danger, les personnes âgées, les adultes handicapés ou l'accueil d'urgence), la commission comprend les membres avec voix délibérative suivants : le président du conseil général et trois représentants du département désignés par ses soins (qui ne sont donc pas nécessairement des élus) et quatre représentants des usagers. Ces derniers doivent comprendre un représentant d'associations de retraités et de personnes âgées, un représentant d'associations de personnes handicapées, un représentant d'associations du secteur de la protection de l'enfance et un représentant d'associations de personnes ou familles en difficultés sociales, désignés par le président du conseil général sur proposition du comité départemental des retraités et personnes âgées ou du conseil départemental consultatif des personnes handicapées, ou enfin à la suite d'un "appel à candidature organisé dans des conditions fixées par le président du conseil général en ce qui concerne chacune des deux dernières catégories".

Pour les établissements et services autorisés conjointement avec le préfet ou le directeur général de l'ARS, la commission est présidée par le président du conseil général et, selon le cas, par le préfet ou le directeur général de l'ARS. Elle comprend alors deux représentants du département et deux représentants des services de l'Etat ou de l'ARS. S'y ajoutent, pour établir la parité, six représentants des usagers, désignés conjointement par les deux autorités qui président la commission. Pour les trois autres cas de figure - qui n'impliquent pas les départements -, le principe de la composition de la commission reste le même. Le mandat des membres de chacune des six commissions est de trois ans. Chaque département devra ainsi mettre sur pied ou participer à la mise sur pied de trois commissions.

Le décret du 26 juillet précise aussi la liste des membres avec voix consultative, qui sont désignés par le président ou les coprésidents de la commission concernée. Cette liste, commune aux six commissions, comprend deux représentants des unions, fédérations ou groupements représentatifs des gestionnaires d'établissements et services sociaux et médicosociaux, deux personnalités qualifiées désignées en raison de leurs compétences dans le domaine de l'appel à projets correspondant (et qui peuvent donc changer selon la nature de ce dernier), deux représentants au plus d'usagers "spécialement concernés par l'appel à projets correspondant" (idem) et quatre personnels au plus des services techniques, comptables ou financiers de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation.

Une plus grande transparence

Le décret du 26 juillet détaille également la procédure d'appel à projets, commune aux six catégories d'autorisations. Il commence par fixer à 30% de la capacité initiale ou à quinze places ou lits supplémentaires le seuil à partir duquel un projet d'extension doit être soumis à la commission de sélection (l'extension inférieure à ces seuils restant néanmoins soumise à autorisation). De même, les regroupements d'établissements ou services, qui ne modifient pas les missions des entités préexistantes et ne se traduisent pas par une extension de capacité supérieure au seuil évoqué ci-dessus, ne sont pas soumis à la commission.

En cas d'autorisation conjointe, l'un des deux coprésidents saisit l'autre autorité, qui a alors un mois pour donner son accord au lancement de la procédure d'appel à projets. En cas de non-réponse dans ce délai, l'appel à projets ne peut être engagé. Les membres de la commission doivent recevoir une convocation - précisant notamment les conditions dans lesquelles ils peuvent accéder au dossier correspondant - quinze jours au moins avant la date de réunion. Lors de la réunion - qui n'est pas publique -, la commission de sélection se prononce sur le classement des projets à la majorité des voix des membres ayant voix délibérative présents ou représentés. Le président ou les deux coprésidents conjointement ont voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Dans le second cas de figure, il faut donc que les deux coprésidents soient d'accord entre eux pour faire jouer la voix prépondérante. Dans le cas contraire, "la commission ne procède à aucun classement des projets". Les candidats, prévenus au moins quinze jours avant la réunion, sont entendus par la commission. Le décret règle également les éventuelles situations de conflits d'intérêts.

Le cahier des charges de l'appel à projets est établi par la ou les autorités compétentes. Il doit notamment identifier les besoins sociaux et médicosociaux à satisfaire, indiquer les exigences à respecter, autoriser les candidats à présenter des variantes aux exigences et critères posés (sous réserve du respect d'exigences minimales fixées par le cahier des charges) et mentionner "les conditions particulières qui pourraient être imposées dans l'intérêt des personnes accueillies". Le décret précise également les rubriques qui doivent figurer dans le cahier des charges : capacité, population accueillie, zone d'implantation et dessertes, principales caractéristiques et critères de qualité auxquels le projet doit satisfaire, exigences architecturales et environnementales, coûts ou fourchettes de coûts de fonctionnement prévisionnels, modalités de financement et, le cas échéant, habilitation demandée au titre de l'aide sociale. Enfin, le décret prévoit des règles allégées pour les cahiers des charges d'appels à projets expérimentaux ou innovants, pour lesquels les candidats disposeront d'une latitude plus large.

Une procédure très encadrée

Le décret du 26 juillet encadre également, de façon très stricte, le déroulement de la procédure d'appel à projets. La ou les autorités concernées doivent tout d'abord élaborer un calendrier annuel ou pluriannuel des appels à projets, publié au bulletin administratif de la ou des autorités compétentes. Celui-ci n'a toutefois qu'un caractère indicatif et peut être révisé en cours d'année en cas de "modification substantielle". Il doit en revanche prévoir "qu'au moins une des procédures d'appel à projets envisagées est réservée partiellement ou exclusivement aux projets innovants ou expérimentaux". Les personnes morales gestionnaires d'établissements ou services peuvent faire connaître leurs observations sur ce calendrier dans les deux mois qui suivent sa publication.

Le décret détaille ensuite le contenu de l'avis d'appel à projets, qui peut porter sur un ou plusieurs besoins de création, de transformation et d'extension d'établissements ou services sociaux et médicosociaux. Le cahier des charges proprement dit est, soit annexé à l'avis, soit mentionné dans cet avis avec indication de ses modalités de consultation et de diffusion (obligatoirement gratuites).

Les candidats doivent remettre leur projet dans le délai fixé par l'avis, qui ne peut être inférieur à 60 jours et supérieur à 90 jours à compter de la date de publication de l'avis. Ils peuvent également solliciter des précisions complémentaires jusqu'à huit jours avant l'expiration du délai. Les réponses apportées sont alors mises à la disposition de l'ensemble des candidats. Enfin, le décret précise - en s'inspirant très directement du Code des marchés publics - les modalités matérielles de transmission et de stockage des propositions, ainsi que la liste des pièces à fournir par les candidats.

De l'instruction à l'autorisation

L'instruction des dossiers transmis est assurée par des instructeurs désignés, au sein de ses services, par l'autorité compétente (ou à parité en cas d'autorisation conjointe). Les comptes rendus d'instruction doivent être accessibles aux membres de la commission au moins quinze jours avant la date de sa réunion. Les instructeurs sont entendus par la commission de sélection sur chacun des projets. Ils ne prennent pas part aux délibérations, mais établissent le procès-verbal de la commission. La liste des projets par ordre de classement vaut avis de la commission. Le ou les présidents de la commission établissent toutefois aussi un "rapport de présentation du déroulement de l'appel à projets", qui explicite notamment les motifs du classement.

L'autorisation est ensuite délivrée par la ou les autorités compétentes dans un délai maximal de six mois après la date limite de dépôt des projets mentionnée dans l'avis. Comme dans le régime antérieur, elle est valable trois ans et toute autorisation qui n'a pas reçu de commencement d'exécution durant ce délai devient caduque. Pour les projets expérimentaux, le délai de mise en oeuvre peut toutefois varier de deux à cinq ans.

Enfin, le décret du 26 juillet règle différents cas particuliers. Ainsi, lorsque le projet ne fait appel à aucun financement public, l'autorisation est délivrée directement par la ou les autorités compétentes, selon des modalités similaires à la procédure antérieure. D'autres articles prévoient une procédure spécifique - gérée par l'Etat - pour les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Avec les dispositions de la loi HPST et du décret du 26 juillet 2010, c'est une véritable révolution copernicienne qui devrait s'opérer dans le secteur social et médicosocial. Jusqu'alors, les gestionnaires d'établissements et services avaient la main pour déposer à tout moment des demandes d'autorisation, sur lesquelles les autorités compétentes - et notamment les départements - devaient se prononcer au coup par coup. Désormais, ce sont les autorités compétentes - Etat, ARS et départements - qui mèneront la danse et lanceront des appels à projets en fonction des besoins sur leur territoire et dans leur sphère de compétences. Il reste maintenant à savoir si elles auront la capacité - mais aussi parfois le courage politique - d'afficher une vision à moyen et long terme des besoins - ou des non-besoins - des territoires dont elles ont la charge...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : décret 2010-870 du 26 juillet 2010 relatif à la procédure d'appel à projets et d'autorisation mentionnée à l'article L.313-1-1 du Code de l'action sociale et des familles (Journal officiel du 27 juillet 2010).