Projet de loi HPST - Souplesse sur l'hôpital, fermeté sur les ARS

Les premiers débats au Sénat sur le projet de loi Bachelot sont vifs. La ministre a apporté des précisions sur le sort des petits hôpitaux et Valérie Létard est revenue, s'agissant du volet médico-social, sur la place des collectivités face aux pouvoirs des ARS. Une deuxième lecture à l'Assemblée n'est pas exclue.

La discussion générale sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), les 12 et 13 mai, a donné lieu à des chahuts et à de vifs échanges, peu habituels dans l'enceinte du Sénat. La discussion générale sur le texte - elle-même très fournie - a ainsi été encadrée par deux rappels au règlement, une exception d'irrecevabilité, une question préalable et une motion de renvoi en commission. Les questions de procédure n'ont toutefois pas empêché le débat de fond. A cette occasion, Roselyne Bachelot-Narquin et Valérie Létard ont apporté un certain nombre de précisions sur les évolutions du texte.
Face aux inquiétudes des élus locaux sur le sort des petits hôpitaux, la ministre de la Santé a ainsi fait part de son intention "de modifier le texte de [la] commission pour que le conseil d'administration puisse s'opposer à l'adhésion à une CHT [NB : communauté hospitalière de territoire] comprenant un CHU". Ce verrou juridique doit empêcher les absorptions forcées des petits hôpitaux par les plus grands des établissements hospitaliers. Il risque toutefois de demeurer assez théorique dans la mesure où ce sont surtout les centres hospitaliers généraux (CHG) - établissements de 500 à 1.000 lits - qui devraient, dans les faits, servir de pivots aux futures CHT. Roselyne Bachelot-Narquin a d'ailleurs pris soin de préciser que, "pour les autres cas", elle demeure favorable à la réaffirmation de la capacité d'intervention des agences régionales de santé (ARS).

 

Les départements resteront chefs de file pour les personnes âgées

Chargée du volet médico-social du texte, Valérie Létard s'est également efforcée de rassurer les sénateurs sur la place des collectivités territoriales face aux pouvoirs très étendus des ARS. Elle a affirmé que l'une des trois "lignes force" de la réforme du secteur médico-social sera la "pleine association des associations et collectivité locales à la définition des priorités de la politique régionale de santé et à ses conditions de mise en oeuvre". La secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité a aussi redit - comme à l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 11 février 2009) - que la création des ARS n'est pas une simple réforme administrative, mais une "révolution culturelle" pour le secteur médicosocial. De même, elle a  assuré que "le rôle de chef de file du conseil général en matière gérontologique n'est pas remis en cause". Mais, sans contester les amendements adoptés par la commission des affaires sociales du Sénat (voir notre article ci-contre du 7 mai 2009), Valérie Létard n'a cependant pas évoqué de nouvelles clarifications ou modifications significatives du texte.
Alain Milon, sénateur du Vaucluse (UMP) et rapporteur du texte, en a profité pour faire entendre sa différence. Tout en se félicitant du décloisonnement permis par la mise en place des ARS, il a notamment réaffirmé que "le renforcement de l'échelon régional ne doit pas remettre en cause le rôle de chef de file des départements en matière médico-sociale". Le rapporteur en a également profité pour indiquer que le Sénat continuait de s'"interroger sur l'articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux d'organisation médico-sociale et, plus globalement, sur le pilotage d'ensemble du dispositif". Sur les communautés hospitalières de territoire, il a clairement laissé entendre que le Sénat ne souhaite pas que l'ARS puisse imposer la création d'une CHT. La bataille d'amendements ne fait donc que commencer.

 

Des opposants qui défilent et des soutiens qui se défilent

La principale information sur le projet de loi HPST n'est toutefois pas venue du Sénat, mais de l'Elysée. Recevant, le 13 mai en fin de journée, Bernard Accoyer, Nicolas Sarkozy lui a fait part de son accord de principe pour une seconde lecture à l'Assemblée nationale. Selon le président de l'Assemblée, le chef de l'Etat "a été particulièrement attentif à ce que les députés ne soient pas mis devant le fait accompli devant un texte qui aurait été profondément modifié sans qu'ils aient eu à l'examiner". Ce second examen du texte - à l'origine exclu par la procédure d'urgence - n'aura toutefois lieu que si le Sénat "modifiait considérablement le texte". Cette réserve semble toutefois de pure forme pour deux raisons. D'une part, le texte a déjà été - avant même le début de la discussion - largement modifié par la commission des affaires sociales du Sénat, mais aussi et surtout par le gouvernement, qui se prépare à y introduire par amendements les propositions issues du rapport Marescaux sur la réforme des CHU (voir notre article ci-contre du 12 mai 2009). D'autre part, on voit mal l'exécutif revenir sur son engagement même si, au final, le texte ne sortira sans doute pas plus modifié que ne l'avait été en son temps la loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009.
Cette annonce place un peu plus en porte-à-faux la ministre de la Santé, qui lors de la discussion générale du 12 mai, avait affirmé : "Je ne lèverai pas la déclaration d'urgence". Roselyne Bachelot-Narquin est d'ailleurs revenue sur la question après l'annonce de Bernard Accoyer, laissant entendre qu'une seconde lecture ne serait pas nécessaire, dans la mesure où "les textes tel qu'ils apparaissent de la commission du Sénat sont tout à fait compatibles".
Cette nouvelle concession de l'exécutif commence à priver le projet de loi de ses soutiens. Après le Syndicat national des cadres hospitaliers (voir notre article ci-contre du 12 mai 2009), la puissante Fédération hospitalière de France (FHF) - l'un des principaux partisans du texte - s'inquiète, dans un communiqué du 12 mai, de "la dénaturation profonde de la loi" et des "renoncements délétères". Elle estime que "la nouvelle rédaction, en l'état, altère profondément la cohérence et le sens de la réforme".  Le Collectif inter-associatif sur la santé (Ciss) - qui avait apporté un soutien inattendu au projet de loi - a publié, le 12 mai, une longue "Lettre ouverte des citoyens-usagers de la santé aux parlementaires, censés les représenter". Le Ciss - qui fédère une trentaine d'associations d'usagers représentées dans les conseils d'administration des établissements hospitaliers et dans les différentes instances de santé - dénonce vigoureusement "ces renoncements au principe d'égalité d'accès à la santé", notamment en matière de lutte contre les déserts médicaux et les refus de soins. Après la nouvelle mobilisation nationale, le 14 mai, des adversaires du projet de loi, la défection de ses principaux soutiens risque de compliquer encore un peu plus la tâche du gouvernement.


Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009, en discussion au Sénat du 12 au 20 mai 2009).

 

 

Le gouvernement ne veut pas du service minimum dans les établissements médico-sociaux

 

Lors de l'examen du texte, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement étendant aux agents des établissements pour personnes âgées ou handicapées l'obligation de déposer un préavis en cas de grève et incitant les partenaires sociaux à mettre en place un système de service minimum (voir notre article ci-contre du 7 mai 2005). Cet amendement surprise n'avait pas manqué de faire grincer quelques dents du côté des syndicats même si sa portée pratique demeure assez théorique, les personnels assurant de fait, en cas de conflit social, la continuité de prise en charge de personnes souvent très dépendantes. Dans ses réponses aux intervenants de la discussion générale, Valérie Létard a clairement exprimé l'opposition du gouvernement à cet amendement et indiqué qu'elle "proposerait une autre méthode pour traiter ce problème", sans toutefois en préciser déjà les contours. Outre le souci de ne pas verser d'huile sur le brasier social, le gouvernement a sans doute également pris la mesure du risque que le Conseil constitutionnel considère cette disposition comme un cavalier, dans la mesure où elle touche à un aspect important du statut des agents ou du droit du travail pour les personnels de droit privé. 

 

 

 

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