Agriculture bio : les initiatives des régions pour soutenir la filière en difficulté

Les régions s'organisent pour tenter de soutenir les agriculteurs bio face à la baisse de la consommation. Aide au maintien, diversification, professionnalisation, commande publique… Elles démultiplient les actions pour aider la filière à passer ce cap difficile. Première région bio de France, l'Occitanie a dévoilé lundi 18 septembre un plan de soutien, en partenariat avec l'Etat, les agences de l'eau et la profession.

"Attention à ce qu'on dit, on a tendance à tirer la sonnette d'alarme pour le bio alors que tous les producteurs ne vont pas très mal !" À l'image de Marie-Sophie Lesne, vice-présidente des Hauts-de-France à l'agriculture, l'agroalimentaire et la bioéconomie, les acteurs locaux tentent de nuancer la crise que subit actuellement l'agriculture biologique avec la flambée des prix et de lutter contre les idées reçues. "C'est vrai que la tendance est à la baisse de la consommation avec l'inflation, mais il faut vérifier les prix, car parfois le bio est moins cher que le conventionnel, comme le lait par exemple, insiste la vice-présidente. Les agriculteurs bio sont habitués à faire avec peu de moyens, peu de carburants, ils vendent en circuits courts, et peuvent ainsi être assez compétitifs."

Même son de cloche du côté de la région Grand Est. "Oui le bio est souvent plus cher, mais pas pour tous les produits", assure ainsi Béatrice Moreau, vice-présidente à la région Grand Est chargée de l'agriculture, de la viticulture et de la forêt. Les collectivités jouent un rôle important dans le soutien de la filière durant ces temps difficiles à travers notamment leur commande aux cantines. Pour permettre aux établissements scolaires de continuer à s'engager sur cette voie et ainsi respecter les objectifs de la loi Egalim (50% au moins de produits durables ou sous signe d'origine ou de qualité dont au moins 20% de produits bios dans les restaurants d'entreprise privée et 60% des produits "viandes et poissons" durables ou sous signe d'origine et de qualité pour tous les restaurants collectifs d'ici 2024), la région Grand Est a acté en juin 2023 un soutien de 20 centimes par repas pour les établissements qui font acte d'achat du local et du bio. Adopté en 2022, la feuille de route 2022-2024 du programme Adage de la région, pour une alimentation durable et autonome en Grand Est, prévoit de proposer à horizon 2030 deux tiers de produits locaux et/ou de qualité dans la restauration collective dont un tiers de produits bios. L'idée étant d'utiliser la restauration collective comme un levier de développement des filières de productions locales. En mars 2022, les 25,4 millions de repas servis par an dans les lycées du Grand Est comportaient près de 20% de produits locaux et 10% de bio. "L'agriculture bio est montée en production, elle se confronte à la demande du marché qui n'est pas là, comment fait-on pour remettre en route cette demande ? Cela peut se faire si les gestionnaires d'établissements font acte d'achat du local et du bio, explique Béatrice Moreau. C'est pour cela que nous avons décidé de les accompagner dans leurs actes de commande publique."

Le guichet des aides ouvert jusqu'au 29 septembre 2023

"En ce moment, on a besoin du soutien des collectivités, des maires en particulier, pour ne pas abdiquer sur l'intégration de produits bios dans les repas des cantines. Si tout le monde appliquait Egalim, la crise pourrait être moins violente, assure pour sa part Marie-Sophie Lesne. Il faut essayer d'avancer plus en meutes au niveau du territoire, car le moment est difficile pour tout le monde, et si chacun fait un petit geste, distributeur, industriel, acteur public… on passera mieux la difficulté. Il faut sortir des réflexions filière par filière et trouver un consensus territorial pour le bien de l'économie régionale agricole."

Ces moments difficiles sont aussi propices à une nouvelle étape de professionnalisation du secteur : diversification d'activités, réponses aux appels d'offres… Les professionnels du bio n'ont pas attendu la crise pour avancer dans la montée en gamme de leurs capacités et de leurs compétences et les régions les aident dans cette structuration. En revanche, elles jugent de manière un peu critique les aides nationales mises en place. "Elles ne semblent pas atteindre leur cible, le niveau est assez faible et les critères sont souvent trop restrictifs, estime Marie-Sophie Lesne. Il n'y a pas beaucoup de soutien en termes de financement pour passer l'orage mais je reste convaincue que la consommation bio s'adresse à une cible, sensible à sa valeur intrinsèque, ce cœur de cible là restera."

Face aux alertes du secteur, le gouvernement a lancé un premier fonds d'urgence de 10 millions d'euros complété par la suite par un plan de soutien de 60 millions d'euros (voir notre article du 17 mai 2023). Le guichet pour ces aides est ouvert depuis le 16 août et devait initialement se clôturer le 20 septembre. Face aux critiques, le gouvernement cherche à affiner la réponse. Marc Fesneau vient notamment d'annoncer que le guichet sera prolongé jusqu'au 29 septembre. Un délai qui doit permettre aux agriculteurs de vérifier s'ils sont éligibles et d'effectuer leur demande.

"Le pire de tout, c'est de déconvertir"

Première région bio de France en termes de surface, l'Occitanie a dévoilé un nouveau plan de développement et de soutien à la filière, le 18 septembre. La région entend surtout aujourd'hui éviter les "déconversions". "Nous mettons beaucoup de moyens sur le sujet, 9 millions d'euros d'aide au maintien issus du Feader et 3 millions de la région, explique Vincent Labarthe. Il faut aider ceux qui ont un cap difficile à passer et surtout leur éviter la déconversion". (voir encadré ci-dessous) L'Occitanie, qui est la première région en termes d'agriculture biologique, enregistrait jusqu'à maintenant une très forte dynamique de conversion en bio. Une dynamique réduite de plus de moitié l'an dernier… alors que le pourcentage des déconversions augmente au niveau national (voir notre article du 13 février 2023). Pour la région, il est aussi important que les aides d'État qui ne seront pas dépensées pour les conversions en bio, du fait de la baisse de leur nombre, restent bien dans le panier du bio, pour développer des campagnes de promotion ou aider autrement les agriculteurs. "Le pire de tout, c'est de 'déconvertir', les pouvoirs centraux ne se rendent pas compte, les agriculteurs ont fait des efforts pour avoir des terres compatibles et en quelques mois on repart en arrière, cela demande 3 ans ensuite pour basculer à nouveau sur du bio, avec au passage une perte de confiance de la part des agriculteurs !" Pour Vincent Labarthe, la casse n'est pas encore mesurable. "C'est à la sortie de l'hiver, que l'on pourra faire le bilan, souligne-t-il, on sent bien qu'il y a beaucoup de morosité, je crains le pire."

  • Un nouveau plan Bi'O pour la région Occitanie

Après un premier plan Bi'O régional lancé en 2018, lui permettant d'augmenter sa surface agricole en bio (20% des surfaces régionales contre 10,3% au niveau national), la région Occitanie a donné le 18 septembre 2023 le coup d'envoi de son nouveau plan pour la période 2023-2027. Construit avec l'Etat, les agences de l'eau Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse et Interbio Occitanie, le plan prévoit de porter à 25% la surface en bio d'ici quatre ans. Il est abondé à hauteur de 300 millions d'euros de crédits Feader par l'Etat (qui est autorité de gestion des crédits européens destinés à l'agriculture biologique) et de plus de 134 millions d'euros par la région (y compris des crédits Feader gérés directement par la région). "Il s'agit de montrer qu'avec l'Etat et les agences de l'eau nous sommes aux côtés des agriculteurs, explique Vincent Labarthe, vice-président de la région Occitanie, chargé de l'agriculture et de l'enseignement agricole, nous voulons leur montrer que nous sommes unis sur cette question pour préserver l'agriculture biologique et continuer à la développer, c'est un signal important."

Parmi les mesures phares : le développement de l'approvisionnement en produits biologiques dans les cantines des lycées. Le plan va au-delà des objectifs de la loi Egalim et prévoit de porter à 75% la part de produit de qualité et locaux, dont 30% en bio, dans les repas servis aux lycéens, et ce "sans surcoût pour les familles". La région poursuit aussi l'aide au maintien en agriculture biologique en 2023, pour un montant d'aide de 12 millions d'euros. Enfin, elle va lancer en septembre 2023 la semaine de l'agriculture bio en Occitanie pour favoriser l'achat bio et local.

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