Canicules : l'habitat social en quête de fraîcheur
Face à l’intensification des vagues de chaleur et à la multiplication des épisodes caniculaires en France, l’adaptation des logements sociaux aux fortes chaleurs émerge comme un défi majeur. Un rapport de l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), présenté mercredi 9 juillet, met en lumière l'état actuel de cette problématique cruciale.

© Aurélie Roudaut
Alors que les étés récents, tels que 2022, 2023 et 2024, ont été les plus chauds jamais enregistrés en Europe et dans l'hémisphère Nord, le réchauffement climatique a des conséquences directes sur le quotidien des habitants des logements sociaux : une enquête de l’Ancols, réalisée en 2024, montre qu'en moyenne, quatre ménages du parc social sur dix souffrent de la chaleur dans leur logement en été. Ce ressenti d'inconfort s'accentue particulièrement dans les quartiers prioritaires (QPV), où la proportion peut atteindre 70% des habitants. D'ici 2050, les projections indiquent que près de 25 millions de logements métropolitains seront exposés à au moins 20 jours de vague de chaleur par an.
Neuf versus existant, une adaptation à deux vitesses
Un nouveau rapport de l’Ancols, rendu public le 9 juillet et basé sur une quarantaine d'entretiens avec des bailleurs sociaux et des organismes institutionnels, met en lumière une intégration très hétérogène de l'adaptation aux fortes chaleurs dans les stratégies des organismes. En ce qui concerne les constructions neuves, c'est la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) qui donne le ton, exigeant que le confort d’été soit pris en compte. Pour cela, elle utilise un outil de mesure appelé "degrés-heures d’inconfort". Concrètement, cet indicateur mesure la durée et l'intensité des moments où la température à l'intérieur du logement dépasse ce qui est considéré comme acceptable. Le rapport précise que ce seuil se situe "entre 26 et 28°C selon l’heure de la journée". Autrement dit, les degrés-heures nous disent combien de temps il fait trop chaud et à quel point il fait trop chaud dans le logement.
Pour le parc existant, le tableau est plus complexe. "Aucune obligation réglementaire spécifique sur le confort d’été n’existe à ce jour", rappelle l’Ancols. L'adaptation y est souvent intégrée de manière "opportuniste", c'est-à-dire lors de réhabilitations majeures. Les solutions privilégiées sont généralement celles qui s'inscrivent dans une logique d'amélioration de la performance énergétique : amélioration de l'isolation, pose de volets roulants, amélioration de la ventilation. Les opérations ayant pour objectif premier d'améliorer uniquement le confort d'été (protections solaires fixes, désimperméabilisation des sols, brasseurs d'air) sont plus rares, principalement par manque de financement dédié. Les bailleurs font face à des contraintes structurelles importantes, comme la mono-orientation des logements ou l'absence de balcons, rendant l'adaptation plus difficile que pour les constructions neuves. La majorité des bailleurs interrogés s'en tient à une politique de non-climatisation pour des raisons écologiques, économiques et de maintenance.
Des contraintes techniques et financières
Le rapport de l’Ancols identifie plusieurs défis majeurs qui entravent une intégration efficace et généralisée du confort d'été. En premier lieu, une connaissance limitée des risques et une absence de référentiel partagé : la majorité des bailleurs ne parviennent pas à identifier et cartographier les bâtiments les plus vulnérables. L'absence de dispositifs financiers nationaux spécifiques à l'adaptation aux fortes chaleurs constitue un autre frein, reléguant souvent ces mesures au second plan face à d'autres priorités réglementaires, notamment liées à la performance énergétique. Les contraintes techniques et architecturales posent aussi problème, certains bâtiments étant intrinsèquement difficiles à adapter.
Face à ces obstacles, les bailleurs interrogés par l’Ancols préconisent la "diffusion de méthodologies et d'outils d'aide à la décision pour favoriser l'intégration du confort d'été dans la gestion patrimoniale. La mutualisation des retours d'expérience au sein du secteur social pourrait également contribuer à l'émergence de bonnes pratiques". Ils soulignent aussi le besoin d'une adaptation territorialisée, prenant en compte les spécificités climatiques et sociales de chaque région. Les partenaires institutionnels (Ademe, CSTB, Cerema) sont appelés à jouer un rôle essentiel sur ces points.
L’Ancols suggère ainsi de constituer un référentiel commun prenant en compte les spécificités des territoires, d’améliorer le suivi et les indicateurs de vulnérabilité du patrimoine, d’incorporer l’enjeu du confort d’été dans la stratégie patrimoniale des bailleurs via une généralisation des études de risque, et de systématiser la prise en compte de la problématique d’été dans les projets de réhabilitation.