Logements "bouilloires" : de plus en plus d’habitants touchés
Longtemps restée un angle mort des politiques publiques, la précarité énergétique d'été touche de plus en plus de monde en France, conséquence du réchauffement climatique, alerte la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-fondation Abbé-Pierre) dans sa troisième étude sur le sujet publiée ce 25 juin.

© Fondation logement et Adobe stock
"La précarité énergétique d'été touche de plus en plus de monde et il est devenu urgent, impératif, d'agir rapidement", a estimé ce 25 juin devant la presse Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-fondation Abbé-Pierre), en pleine vague de chaleur sur l’ensemble du territoire. "Il y a peu de temps, la précarité énergétique en France était traitée uniquement du point de vue du froid (...). Or, avec le réchauffement climatique (...), des millions de logements se transforment en véritables bouilloires et deviennent inhabitables plusieurs semaines par an", a-t-il ajouté.
"Problème structurel"
Dans sa troisième étude sur le sujet, intitulée "Chaud dedans !", la fondation rappelle que 42% des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement en 2024, alors même que l'été dernier était particulièrement tempéré. "Cela souligne que le problème est structurel et est amené à s’aggraver fortement avec la récurrence des étés caniculaires", explique Christophe Robert. De plus, "les chiffres de la précarité énergétique d’été traduisent de fortes inégalités”, poursuit-il. Les locataires, les ménages modestes, les personnes âgées et les habitants des villes, notamment des quartiers populaires, sont les plus exposés. Sans oublier les jeunes - 48% des 18-24 ans ont ainsi souffert de la chaleur chez eux en 2024
Le ressenti varie très fortement selon la météo : en 2022, année pendant laquelle l'été avait été particulièrement chaud, 59% des Français déclaraient ainsi avoir souffert de la chaleur à domicile. "Compiler ces chiffres qui nous servent d'indicateurs est une manière pour nous de sortir de cette impression de phénomène naturel et de montrer que les personnes mortes de la canicule le sont en partie parce qu'elles vivaient dans des logements qui ne les protégeaient pas des fortes chaleurs", a expliqué Maider Olivier, chargée de plaidoyer Climat.
Risques pour la santé
"Dans un logement où les températures dépassent les normes de l'Organisation mondiale de la santé, soit 26 degrés la nuit et 28 le jour, les personnes s'exposent à une aggravation des pathologies cardiovasculaires, respiratoires, à des malaises, des problèmes de sommeil ou de concentration", a rappelé Christophe Robert. À l'été 2024, 3.700 personnes sont mortes des conséquences de la chaleur, dont les trois quarts âgées de 75 ans et plus, selon Santé Publique France. Entre 2017 et 2024, 34.000 personnes sont décédées des conséquences de la chaleur, selon la même source.
Or, un logement sur trois (35%) en France est "une bouilloire", selon le syndicat d'industriels Ignes, tandis que 31% des logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est classé A, soit la meilleure note, sont jugés "insuffisants" au regard de l'habitabilité d'été. Les rénovations ne sont par ailleurs pas toutes performantes : "une rénovation globale peut faire sortir un logement du statut de passoire, voire atteindre un DPE A ou B, tout en restant ou en devenant invivable l'été", note la fondation.
Face à cela, seuls 60% des logements sont pleinement équipés de protections solaires, indiquent les auteurs, qui évaluent à 1,1 milliard d'euros par an le besoin de financements publics entre 2025 et 2040 pour installer des brasseurs d'air et des volets sur chaque logement.
Une proposition de loi transpartisane bientôt déposée à l'Assemblée
Pour accélérer la protection des populations, la fondation soutient une proposition de loi (PPL) "Zéro logement bouilloire" associant les députés de sept groupes politiques. Le texte, qui sera déposé "dans les prochains jours" à l'Assemblée nationale, propose d'intégrer la surchauffe des logements dans la définition de la précarité énergétique, d'interdire les coupures d'électricité tout au long de l'année pour pouvoir utiliser des ventilateurs l'été, d'afficher la note "confort d'été" du DPE sur les annonces immobilières, de définir un calendrier de rénovation des logements bouilloires à la location à partir de 2030, de modifier le système de vote en copropriétés et le fonctionnement des avis des ABF pour faciliter l’installation de protections solaires et d’assurer que les rénovations globales des logements traitent systématiquement le confort d’été. À terme, un seuil d'habitabilité d'été devrait également "être intégré à la décence du logement". Le texte pourrait être examiné à l'automne.