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Certains territoires sont plus favorables aux débuts de carrière, selon une étude du Céreq

"L’introduction du territoire comme dimension d’analyse permet d’interroger les interactions qui se jouent entre espaces de résidence et débuts de carrière, au-delà des caractéristiques intrinsèques des jeunes, et de pointer des zones d’emploi plus ou moins favorables", résume le Céreq dans sa dernière analyse de novembre 2021.  Ainsi, selon le niveau d’études, la mobilité ou pas en début de carrière, se dessinent des "dimensions géographiques favorables".

Au-delà des principales disparités constatées en fonction du diplôme, du sexe, de la catégorie sociale des parents, d’un emploi à durée indéterminée ou d’un emploi à temps plein, le territoire imprime-t-il sa marque sur les débuts de carrière et les évolutions de rémunération ? À cette question, une récente étude du Céreq publiée le 22 novembre 2021 répond par l'affirmative. En superposant l'observation de la génération 2010 aux caractéristiques socioéconomiques des zones d'emploi et en distinguant les sédentaires des mobiles, les auteurs ont mesuré l'effet du territoire sur l'évolution salariale des jeunes entre 2013 et 2017.

Si certains territoires s'avèrent en effet un peu plus favorables aux débuts de carrière, les auteurs apportent à cette conclusion un bémol lié à la crise sanitaire du Covid-19. Car "le confinement a permis d’expérimenter de nouvelles formes d’organisation", rappelle l'étude mais "de nouveaux effets pourraient apparaître". "Ces derniers concerneraient des profils spécifiques comme les cadres parisiens, ceux-ci pouvant faire le choix de s’installer dans des territoires à moins de deux heures de train, plus favorables à la vie familiale, tout en conservant leur rémunération plus importante." Ainsi, "l’intensification du télétravail pour une partie de la population, souvent les plus diplômés, a permis l’expression de préférences résidentielles qui pourraient, si elles se confirment, transformer la relation emploi-territoire-résidence". D'ailleurs, les jeunes les plus formés, plus enclins à la mobilité, augmentent leurs chances d'accès à des emplois offrant de meilleures conditions de travail. Plus généralement, en tout cas, "l’importance donnée à la qualité de vie sur un territoire pourrait s’accentuer chez les jeunes actifs", estime l'étude.

Des métropoles-technopoles et les zones touristiques 

En attendant, et sans surprise, pour le moment "les rémunérations des jeunes actifs sont favorisées dans des zones d’emploi qui se démarquent par le dynamisme de leur démographie et de leur marché du travail". "Des zones métropolitaines comme Cergy sont favorables à toutes les catégories de jeunes, notamment les sédentaires sortant de l’enseignement supérieur", illustre l'étude qui cite également la zone d’Annecy comme étant "plus favorable aux jeunes mobiles diplômés de l’enseignement secondaire, et aux jeunes sédentaires quel que soit leur niveau de diplôme". On relève aussi que "des métropoles-technopoles, spécialisées dans la recherche et des industries de haute technologie, comme Toulouse, sont favorables à tous les jeunes mobiles, quel que soit leur niveau de diplôme". 
Plus globalement, résume l'étude, deux caractéristiques de la zone d'emploi ont des effets sur les niveaux de salaire : le taux de chômage et le revenu médian.
À noter enfin qu'un "profil touristique et viticole" est évidemment favorable. L'étude cite notamment les zones autour de Mâcon, Colmar ou Épernay comme présentant "des opportunités salariales à des jeunes peu diplômés grâce aux emplois des industries agro-alimentaires, du négoce-commerce des vins, de la logistique, du transport, de l’œnotourisme et de l’immobilier".

Zones frontalières, clusters industriels favorables aux jeunes sédentaires

Par ailleurs, ce Bref, n°415 du Céreq met en évidence que "le dynamisme démographique des zones d’emploi où l’indice de jeunesse est supérieur à la moyenne nationale (1) soutient la progression salariale des sédentaires les moins diplômés". L'étude révèle aussi que "travailler dans une zone d’emploi où la part des emplois dans le BTP est supérieure à la moyenne nationale constitue également un avantage pour ces derniers". À l'inverse, pour les diplômés du supérieur, "résider dans une zone d'emploi où le revenu médian est plus élevé que la moyenne nationale leur est favorable" ; d'autant plus "lorsque la part des activités tertiaires et industrielles est supérieure à la moyenne nationale".

Autre spécificité : "Les villes frontalières comme Pontarlier, Morteau, Le Chablais ou même Annecy constituent à la fois des zones d’emploi industriel et tertiaire sur place, et des zones de résidence de salariés travaillant en Suisse dont les salaires sont majorés par rapport à ceux du marché du travail français." "C’est aussi le cas de zones industrielles et résidentielles pour des jeunes qui travaillent sur place et dans des métropoles voisines où les salaires sont élevés", selon l'étude qui liste Rouen, Beauvais, Vernon-Gisors ou Mantes-la-Jolie – avec ses navettes avec Paris et les Hauts de Seine – La Défense, Villefranche-sur-Saône – avec ses navettes avec la métropole du Grand Lyon.

L'influence positive des parents cadres 

Enfin, "les jeunes actifs sédentaires bénéficiant de ressources personnelles attachées au territoire, avoir des parents cadres influence toujours positivement leur évolution salariale, après sept ans de carrière". Un constat qui n'est en revanche plus "plus significatif pour les jeunes qui, depuis 2013, ont changé de zone d’emploi de résidence et se sont donc éloignés des ressources parentales", nuance le Céreq. 

La mobilité serait-elle la clé d'un meilleur début de carrière ? L'étude considère en partie que oui. "Les jeunes qui migrent vers des zones d’emploi cumulant des caractéristiques favorables se distinguent du reste des jeunes actifs par la priorité qu’ils donnent à leur vie professionnelle après les sept premières années de carrière". Ces jeunes sont aussi moins souvent en couple et sont moins souvent parents, constate les auteurs avant d'apporter à une subtilité. "Si la mobilité n’est pas toujours favorable aux conditions d’emploi, elle peut contribuer à un équilibre personnel." Et le Céreq de donner l'exemple des jeunes mobiles qui arrivent dans des zones d’emploi plutôt favorables à des jeunes sédentaires qui "s’estiment majoritairement employés au-dessous de leurs compétences". Il analyse que "ces mobilités moins porteuses sur le plan salarial semblent néanmoins offrir d’autres avantages". "Les jeunes mobiles vers des zones telles Lyon, Melun ou Cergy, sont plus nombreux à être parents en 2017 et ils affirment, sept ans après leur sortie du système scolaire, que leur priorité est leur vie hors travail." 

(1) Rapport des moins de 20 ans aux plus de 60 ans