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Champagne, Chablis, Roquefort… vingt-cinq indications géographiques françaises désormais protégées en Chine

L'accord bilatéral entre l'Union européenne et la Chine visant à protéger 200 indications géographiques – dont 25 françaises pour l'heure – est entré en vigueur le 1er mars dernier. Le même jour, l'Association française des indications géographiques industrielles et artisanales organisait une réunion de lobbying avec des élus français afin que la législation européenne intègre également les produits industriels et artisanaux.

Depuis le 1er mars, Alsace, Armagnac, Beaujolais, Bordeaux, Bourgogne, Calvados, Chablis, Champagne, Cognac, Comté ou Roquefort sont autant de dénominations qui font l'objet d'une protection en Chine.

C'est en effet à cette date qu'est entré en vigueur – avec un peu de retard – l'accord bilatéral conclu le 6 novembre 2019 entre l'Union européenne et la Chine visant à protéger de l'imitation ou de l'usurpation 200 indications géographiques (100 chinoises et 100 européennes, dont 25 françaises), relatives à des produits agricoles ou viticoles.

Les parties s'engagent notamment à refuser ou invalider, d’office ou à la demande d’une partie intéressée, l’enregistrement d’une marque constituée d’une indication géographique ou de sa traduction ou transcription, pour des produits identiques ou similaires dont l’origine n’est pas celle désignée par l’indication géographique.

L'accord vise également à faciliter les procédures. Une fois qu’une indication géographique est protégée en vertu de l'accord, l’utilisation de cette dénomination protégée par tout utilisateur sur le territoire de l’autre partie n’est soumise à aucune approbation administrative des utilisateurs ni à d’autres charges administratives. Les produits chinois relevant de l'accord pourront ainsi porter le symbole européen correspondant à une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique protégée sur le territoire de l’Union européenne. Et réciproquement.

350 dénominations supplémentaires (dont 33 françaises, comme le brie de Meaux, le camembert de Normandie, le canard à fois gras du sud-ouest, les huîtres Marennes Oléron, l'huile d'olive de Haute-Provence, le reblochon de Savoie ou le selles-sur-cher) devraient bénéficier du même dispositif dans les quatre ans.

Plus de 3.400 indications géographiques sont aujourd'hui enregistrées dans l'Union européenne (plus de 5.000 si l'on ajoute celles protégées par un accord), dont 745 françaises. La Commission souligne que la Chine constituait en 2020 la troisième destination des exportations agroalimentaires de l'UE, atteignant 16,3 milliards d'euros de janvier à novembre. La Chine est aussi la deuxième destination des exportations de l'UE de produits protégés par une indication géographique (avec une part de 9% d'un total d'environ 17 milliards d'euros, qui représente lui-même plus de 15% du total des exportations de produits alimentaires et de boissons de l'UE).

Ne pas réserver la protection aux seuls produits agricoles et viticoles

Hasard ou coïncidence, c'est également le 1er mars que l'Association française des indications géographiques industrielles et artisanales (Afigia) organisait une réunion avec des députés européens français (Anne Sander, Marie-Pierre Vedrenne, Laurence Farreng, Arnaud Danjean, Jérémy Decerle) et des représentants de conseils régionaux (Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Bretagne) afin de promouvoir la reconnaissance des indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux (IGPIA) dans la législation européenne. "Une telle reconnaissance au niveau européen apporterait une valeur ajoutée importante à nos territoires. Aussi, la valorisation autour de ces savoir-faire est un atout supplémentaire pour le maintien et la création d'emplois dans nos entreprises", souligne Martine Pinville, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, région qui compte à ce jour six des douze IGPIA homologuées par l'Inpi (porcelaine de Limoges, linge basque, charentaise de Charente-Périgord…).

Des réflexions sont en cours. Poussée notamment par le Parlement européen, la Commission européenne a publié le 20 février 2020 un rapport sur les aspects économiques de la protection des indications géographiques à l'échelon européen des produits non agricoles, qui soulignait les bénéfices que pourraient en tirer les consommateurs (limitation des pratiques commerciales trompeuses, meilleure information sur le produit, confiance accrue…), les producteurs (meilleure visibilité et réputation du produit, consommateurs plus facilement enclins à payer, plus grande coordination des producteurs) mais aussi d'autres acteurs connexes (plus grande visibilité pour la région concernée, impact sur le tourisme). Le rapport relevait néanmoins que les coûts de coopération entre producteurs (à commencer par une définition des caractéristiques précises des produits) et de protection pouvaient constituer un obstacle à ce dessein, certains producteurs pouvant préférer d'autres instruments de protection (marque individuelle par exemple). Toujours est-il que les députés européens présents – virtuellement – à la réunion de l’Afigia ont promis d'interroger officiellement la Commission sur ce sujet. Et Isabelle Boudineau, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, s'est proposée de s'appuyer sur le Comité européen des régions, dont elle est membre, pour relayer ces initiatives.

Relevons que ces indications ne sont pas dépourvues de toute protection à l'international, comme le précisait le secrétariat d'État chargé des affaires européennes dans une réponse ministérielle de mars 2020. Il y rappelait que chaque partie à l'Acte de Genève de l'Arrangement de Lisbonne, adopté en 2015 et entré en vigueur le 26 février 2020, un an après l'adhésion de l'Union européenne, "se doit de protéger sur son territoire les appellations d'origine et les indications géographiques des produits originaires des autres parties contractantes". Un Acte de Genève que la France vient officiellement de ratifier le 21 janvier dernier.