Changement climatique : le taux de mortalité des forêts a augmenté de plus de 50% sur la dernière décennie

Selon l'édition 2022 de l'Inventaire forestier national réalisé par l'IGN, la mortalité des forêts françaises a augmenté de 54% au cours de la dernière décennie malgré une superficie qui continue de progresser et une diversité des peuplements qui s'accroît.

Le changement climatique, avec la récurrence d'épisodes de sécheresse favorisant les incendies (plus de 70.000 hectares sont partis en fumée cet été sur le territoire métropolitain) et la propagation des insectes xylophages, notamment les scolytes, met à mal la forêt française. Selon l'édition 2022 de l'Inventaire forestier national que vient de publier l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), le taux de mortalité de la forêt a augmenté de 54% en une décennie. Sur la période 2012-2020, elle a touché en moyenne 11,4 millions de mètres cubes, soit 0,7 m³ par hectare et par an et 0,4% du volume total du bois vivant au niveau national, indique le bilan, qui ne prend pas en compte les incendies de l'été dernier. Sur la période 2005-2013, cette mortalité n'était que de 7,4 millions de m³/an. Les forêts des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté sont les plus touchées par la surmortalité sur la période observée, les moins impactées étant les régions du sud. Les essences d'arbres les plus affectées par une surmortalité sont le châtaignier, l'épicéa commun et le frêne.

Des forêts de moindre volume mais qui progressent en surface

Le changement climatique a aussi une incidence sur la croissance des arbres qui est plus faible. Combiné à la mortalité et à la hausse des prélèvements, cela conduit à un ralentissement de la croissance du volume des forêts : les arbres poussent moins vite et sont moins fournis. Aujourd'hui, le bilan entre la croissance des arbres (5,5 m³/ha/an), la mortalité naturelle des arbres (0,7 m³/ha/an) et les prélèvements de bois par l'homme (3,2 m³/ha/an) se traduit par une augmentation du volume de la forêt de 1,6 m³/ha/an, soit 25,4 millions de m³/an au niveau national, contre 2,5 m³/ha/an et 41,7 millions de m³/an au cours de la période 2005-2013.

Néanmoins depuis près d'un siècle, la superficie forestière métropolitaine reste en progression. On estime qu'en 1908, la forêt française couvrait 19% du territoire avec près de 10 millions d'hectares. Elle en couvre désormais 31% avec 17,1 millions d'hectares, mais les disparités régionales sont importantes. Cinq départements - la Manche, la Vendée, la Mayenne, le Pas-de-Calais et les Deux-Sèvres - ont ainsi un taux de boisement inferieur à 10% tandis qu'à l'opposé, quatre départements ont un taux de boisement supérieur à 60% : la Corse-du-Sud, les Alpes-Maritimes, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence.

Augmentation de la diversité des peuplements

L'IGN note aussi que le volume total de bois sur pied a augmenté de 50% en 30 ans, atteignant 2,8 milliards de mètres cubes. Mais cette hausse du volume "tend à se réduire depuis peu du fait d’une production biologique plus faible et de prélèvements et de mortalité en augmentation", tempère-t-il. La région Nouvelle-Aquitaine est celle où sont effectués les prélèvements les plus importants en volume (23% des prélèvements nationaux). Au niveau national, ces prélèvements sont en augmentation de 8,6 millions de mètres cubes/an par rapport à la période 2005–2013, une hausse dont une part est liée à des coupes sanitaires faisant suite à des mortalités d’arbres.

L'établissement public observe également "une tendance à l'augmentation de la diversité des peuplements" : 47% de la forêt française sont constitués de peuplements dits "monospécifiques", où une essence domine, contre 51% en 2017. Les peuplements à deux essences représentent un tiers des peuplements, et ceux à plus de deux essences en représentent 19%.

La forêt compte une majorité de feuillus (67% de la superficie forestière, soit 10 millions d’hectares), essentiellement dans les plaines ou à moyenne altitude. Les conifères se trouvent principalement en zone montagneuse, dans le massif landais et dans les plantations récentes de l’ouest de la France. Des peuplements mixtes se rencontrent souvent en moyenne montagne ou dans les massifs forestiers accueillant les deux autres types de peuplements (Sologne, Dordogne, Bretagne). Au niveau régional, les forêts du nord-est de la France et du Massif central sont les plus diversifiées. À l’opposé, le massif landais reste le principal massif de peuplements en pin maritime.

L'inventaire forestier national, seul outil à décrire l'ensemble des écosystèmes forestiers et la ressource en bois des forêts privées et publiques, a été réalisé à partir de mesures collectées sur près de 70.000 sites d'observation, à l'issue de cinq campagnes de terrain menées de 2017 à 2021.