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Habitat - Christine Lagarde présente les grandes lignes de la réforme de l'accession à la propriété

Alors que l'activité gouvernementale entame sa traditionnelle trêve estivale, Christine Lagarde donne au quotidien Les Echos du 4 août une longue interview sur les aspects fiscaux de la réforme des aides à l'accession à la propriété, dont "les grands principes sont décidés". Consciente de griller quelque peu la politesse à son collègue du Logement, la ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi prend bien soin de "rappeler pourquoi le ministère de l'Economie suit ce dossier de près, en lien étroit avec Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu" : la construction constitue un secteur-clef de l'économie et fait intervenir de nombreux leviers fiscaux.

Un PTZ pour les primo-accédants ciblé sur les zones urbaines

Sur le fond, Christine Lagarde qualifie le système actuel de "maquis compliqué d'aides" et de dispositifs qui "a montré son coût, mais pas son efficacité", puisque la France affiche un taux de propriétaires de 58% contre une moyenne européenne de 66%. Elle confirme un basculement radical du dispositif. Comme attendu, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt - l'une des mesures-phares de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - sera supprimé (les bénéficiaires actuels en conservant néanmoins le bénéfice durant toute la durée prévue de déduction). De même, le pass-foncier, dont la disparition était déjà programmée pour la fin 2010, ne sera pas renouvelé. Les aides fiscales à l'accession seront désormais concentrées sur "un seul et unique outil, qui sera un prêt à taux zéro [PTZ] renforcé". Principale nouveauté : le PTZ sera désormais universel, autrement dit accessible à l'ensemble de la population, sans condition de ressources. La mesure est toutefois moins spectaculaire qu'il n'y paraît, puisqu'environ les deux tiers de la population sont déjà éligibles au PTZ actuel. En revanche, contrairement aux préconisations du Conseil national de l'habitat (voir notre article ci-contre du 7 juillet 2010 ainsi qu'un résumé de ces préconisations ci-dessous), le PTZ ne sera pas accessible aux secundo-accédants et sera donc réservé aux primo-accédants, dans le neuf et dans l'ancien. Autre innovation de taille : l'aide sera recentrée en fonction de trois critères, qui s'efforcent de répondre à des critiques récurrentes adressées au dispositif actuel. Le PTZ sera ainsi "accentué" - dans des proportions qui restent à préciser - pour les faibles revenus "mais aussi les classes moyennes trop souvent oubliées", pour les zones présentant une situation tendue en matière de logement (zone A) et pour les achats dans le neuf. Les barèmes seront finalisés et annoncés par le ministre du Logement à la rentrée, pour une application au début de 2011. Par ailleurs, le gouvernement va demander un effort aux banques, notamment sur les frais de commissionnement.

Selon Christine Lagarde, la réforme devrait accroître le nombre de bénéficiaires pour une double raison. D'une part, le crédit d'impôt actuel n'est pas pris en compte par les banques dans le calcul du droit au prêt. D'autre part et à l'inverse, les crédits redéployés sur le PTZ renforcé auront un effet direct sur la solvabilité des ménages. En revanche, l'impact budgétaire de la réforme sera limité. Le nouveau dispositif devrait en effet représenter, en régime de croisière, une dépense pour l'Etat de 2,6 milliards d'euros par an, à comparer aux 2,8 milliards que représente aujourd'hui le cumul du PTZ et du crédit d'impôt (1,6 milliard d'euros à lui seul). Prudent, le gouvernement prévoit toutefois un mécanisme de "refroidissement" : en cas de dérapage sur les dépenses de PTZ, les barèmes seront revus automatiquement à la baisse.

Satisfaction chez les professionnels du bâtiment

Les professionnels de l'immobilier contactés par l'AFP jugent plutôt positif le remplacement du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt par ce nouveau PTZ, tout en mettant en garde contre des changements de règles trop fréquents. "C'est bien d'avoir des nouvelles mesures car le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts immobiliers n'était pas assez efficace", se félicite ainsi Marc Pigeon, président de la Fédération des promoteurs constructeurs. Même satisfaction à la Fédération française du bâtiment : "Cette réforme nous va bien", affirme Didier Ridoret, son président. Petite nuance tout de même du côté des constructeurs de maison individuelles : Christian Louis-Victor, président de l'Union des maisons françaises, appelle le gouvernement à "faire attention sur le zonage en province, car c'est là que les ouvriers et les employés font le plus construire".

Des incitations fiscales pour libérer des terrains à bâtir

Au-delà de la réforme du PTZ, la ministre de l'Economie travaille à d'autres mesures fiscales pour fluidifier le marché de l'immobilier. Deux pistes sont notamment à l'étude. La première consisterait à rendre la taxe sur les plus-values de cessions des maisons, immeubles et terrains progressive dans le temps, alors qu'elle est aujourd'hui au contraire dégressive. La seconde consisterait à systématiser la majoration de la taxe foncière sur les terrains à bâtir, alors qu'elle est actuellement laissée à la discrétion des communes. Enfin, sur la question sensible de la TVA à 5,5% appliquée aux travaux de rénovation des bâtiments (5,2 milliards d'euros de manque à gagner pour le budget de l'Etat), Christine Lagarde est restée sibylline en indiquant qu'"en matière de niches, tous les sujets sont ouverts, y compris celui-ci. Nous sommes en phase d'expertise et la question ne sera pas tranchée avant septembre. Une chose est sûre : il faut conserver un mécanisme simple, qui n'incite pas à la fraude".

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Les propositions du Conseil national de l'habitat sur la réforme des aides à l'accession

 

Le Conseil national de l'habitat (CNH), qui rassemble tous les professionnels de l'habitat (opérateurs, banques, représentants des consommateurs, administrations), a adopté le 5 juillet dernier un rapport sur la réforme des aides à l'accession (en lien ci-contre). Ce document propose quatre mesures principales : premièrement, l'ouverture aux secundo-accédants modestes du nouveau PTZ, mais avec un montant moindre que celui destiné aux primo-accédants ; deuxièmement, le CNH souhaite faciliter l'installation des ménages en zone urbaine grâce à des PTZ au remboursement plus ou moins rapide selon la composition des familles ; troisièmement, les professionnels de l'habitat indiquent qu'il faut articuler le nouveau dispositif national du PTZ avec les aides des collectivités territoriales : à condition d'obtenir une aide de collectivité, un PTZ très majoré pourrait ainsi être associé à une TVA à 5.5 % pour les ménages les plus modestes. Enfin, le CNH insiste sur la nécessité d'une sécurisation pour les primo-accédants modestes permettant par exemple de ne pas payer ses échéances en cas de chômage.
Dans son interview de ce jour, Christine Lagarde repousse clairement l'ouverture aux secundo-accédants et se prononce pour un dispositif ouvert à tout primo-accédant quels que soient ses revenus, alors que le CNH proposait seulement une "actualisation" des plafonds de ressources.

Hélène Lemesle
 

 

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