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PLF 2010 - Les aides fiscales au logement : un maquis complexe et des réformes difficiles

Dans un "jaune" budgétaire présenté à l'occasion du projet de loi de finances pour 2010, les services de Bercy passent en revue l'impact des 11 milliards d'euros d'aides fiscales au logement. Mais, en dépit de la complexité et de l'efficience discutable de certaines aides, l'Assemblée a préféré reporter d'un an le "verdissement" du dispositif Scellier sur l'investissement locatif.

Alors que, depuis le début de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2010, l'Assemblée affiche sa volonté de faire le ménage parmi les niches fiscales, c'est un débat à front renversé qui s'est finalement tenu sur la question des aides fiscales au logement. Dans le cadre des annexes au PLF, l'Etat a en effet remis aux parlementaires un "jaune" (document non budgétaire visant à assurer l'information du Parlement) intitulé "Rapport évaluant l'efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et de l'amélioration de l'offre de logement". Ce document passe en revue les différentes aides fiscales au logement, en précisant notamment leur montant et le nombre de bénéficiaires, mais aussi en portant un jugement qualitatif : degré d'atteinte de l'objectif, estimation de l'efficience et comparaison coûts-avantages entre dépense fiscale et dépense budgétaire.

 

Onze milliards d'euros d'aides fiscales au logement

Les huit dépenses fiscales passées au crible par ce document représentent un coût total de 10,7 milliards d'euros, soit la presque totalité des 11 milliards d'euros de dépenses fiscales rattachées au programme "Développement et amélioration de l'offre de logement" (programme 135). La plus importante - avec un total de 5,25 milliards d'euros - est la TVA à 5,5% pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans. Coûteuse - la dépense n'était encore que de 3,05 milliards d'euros en 2000 -, cette aide fiscale bénéficie cependant d'une efficience certaine, notamment en termes de soutien à l'activité artisanale et de lutte contre le travail au noir (3 à 5 milliards de travaux supplémentaires déclarés au fisc et donnant donc lieu à TVA).
Les dispositifs Robien et Borloo (déduction dégressive sur les revenus des logements loués à usage d'habitation principale), qui s'éteignent à la fin de l'année pour laisser la place au seul dispositif Scellier, trouvent en revanche moins grâce aux yeux de Bercy. Tout en reconnaissant que le dispositif "a incontestablement contribué à la hausse de la production de logements neufs depuis 2003", le rapport explique que les effets escomptés sont "très contrastés selon les situations locales, avec des phénomènes de production manifestement excessive dans certaines zones, en particulier dans des zones rurales". Un jugement quelque peu contradictoire avec la position du secrétariat au Logement, qui défend farouchement le dispositif (voir notre article ci-contre du 9 juillet 2009).
Même jugement plutôt critique à propos du crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunts supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale, au point que l'on peut se demander si les cabinets de Bercy ont bien relu le "jaune". Cette aide est en effet l'une des mesures phares du "paquet fiscal" annoncé par le chef de l'Etat en 2007. Mais le rapport juge son impact relativement limité, dans la mesure où "cet avantage correspond économiquement à un accroissement de la capacité d'acquisition de l'ordre de 6.800 euros pour un investissement typique, soit l'équivalent de 3 m2 supplémentaires ou d'une baisse sur la durée de 0,6% du taux d'intérêt". Selon Bercy, cette aide ne serait d'ailleurs pas prise en compte dans le calcul des plans de financement par les banques, car versée avec retard.

 

Le succès du prêt à taux zéro

Le "jaune" est en revanche plus positif sur d'autres aides fiscales. C'est notamment le cas de la déduction de l'impôt sur le revenu des dépenses de grosse réparation et d'amélioration sur les logements locatifs (sécurité, salubrité ou décence du logement). D'un coût prévisionnel de 800 millions d'euros en 2010, cette mesure - qui bénéficie à environ 1,15 million de bailleurs personnes physiques (chiffres 2008) - est, selon Bercy, "nécessaire", même s'il n'est pas envisageable de l'étendre à l'ensemble des travaux d'amélioration réalisés par les bailleurs. Le rapport estime que cette aide n'est pas étrangère aux résultats obtenus en matière d'amélioration des logements, avec par exemple une réduction du nombre de logements sans confort sanitaire de 615.000 à 325.000 entre 2002 et 2006.
Le prêt à taux zéro, (PTZ) dont le montant a été doublé en 2009, a connu une progression spectaculaire. Son coût est en effet passé de 120 millions d'euros en 2006 (première année pleine) à un coût prévisionnel de 900 millions d'euros en 2010, pour environ 210.000 ménages bénéficiaires attendus. Le PTZ est considéré comme une aide fiscale, dans la mesure où l'Etat compense l'absence d'intérêts sur le prêt par un crédit d'impôt en faveur des établissements bancaires qui délivrent ces prêts. Le "jaune" juge le PTZ "particulièrement bien adapté à l'objectif de solvabilisation des ménages à revenus modestes, qu'ils acquièrent un logement existant ou un logement neuf". La part des ménages primo-accédants dans le total des accédants est ainsi en nette hausse et la moitié des bénéficiaires du PTZ appartient aux deux premières tranches du barème de l'IRPP.
Touchant de très nombreux ménages (20,7 millions de bénéficiaires en 2008), mais de moins en moins coûteuse (550 millions d'euros prévus en 2010 contre un 1,52 milliard en 2000), la déduction de l'IRPP des intérêts et primes versés dans le cadre de l'épargne logement apparaît finalement comme une aide relativement marginale. Son intérêt s'est fortement réduit dans les années 2000 à 2007, avant de redevenir plus intéressant en 2007-2008. Le PEL s'est également banalisé comme produit d'épargne, de nombreux souscripteurs n'ayant pas de véritable projet de d'acquisition. Les récentes réformes de l'épargne logement - avec en particulier une subordination de la prime de l'Etat à l'octroi d'un prêt épargne logement - l'ont toutefois repositionnée sur son objectif initial.
Enfin, le rapport étudie également une aide fiscale moins connue et bénéficiant exclusivement aux organismes HLM. Il s'agit en l'occurrence de la non-imposition de leurs résultats au titre de l'impôt sur les sociétés. D'un coût prévisionnel pour 2010 de 700 millions d'euros, elle permet de renforcer les fonds propres des organismes HLM et, par conséquent, d'améliorer leur capacité d'emprunt et d'investissement en vue de la création de logements. Le "jaune" semble toutefois quelque peu dubitatif sur l'impact de cette mesure, se contentant de souligner à deux reprises qu'il s'agit davantage d'une question de principe que de choix ou de nature de la dépense. Il constate cependant que les fonds propres mobilisés par les organismes HLM dans le cadre d'opérations nouvelles représentent aujourd'hui 15% du prix d'opération, contre 10% il y a quelques années.

 

Le verdissement de l'amendement Scellier attendra

Sans l'afficher ouvertement, l'analyse de Bercy plaide néanmoins clairement en faveur d'une remise à plat du dispositif. Cela d'autant plus qu'aux aides principales s'ajoutent une myriade de dispositifs très pointus, touchant parfois quelques centaines de ménages ou d'entreprises. Dans la version initiale du PLF 2010, le gouvernement souhaitait ainsi moduler l'avantage fiscal du dispositif Scellier (non analysé par le "jaune", car trop récent) pour les logements n'affichant pas de hautes performances énergétiques (voir notre article ci-contre du 30 septembre 2009). L'objectif était de réduire dès l'an prochain de 5 points (de 25 à 20%) la déduction pour les investissements dans des logements n'offrant pas de performances énergétiques suffisantes. Mais l'Assemblée s'est opposée à cette mesure et l'a écartée lors de l'examen du texte en commission. Le gouvernement s'est finalement incliné en ne tentant pas de réintroduire la mesure en séance.
Pour justifier son refus, la commission a notamment fait valoir l'efficacité du dispositif Scellier et son caractère trop récent pour se prêter déjà à une modification substantielle. Selon Gilles Carrez, le rapporteur général du budget, ce dispositif "a permis la mise en chantier de 50.000 logements depuis le début de l'année", alors que "l'an dernier, à la même période, le nombre de logements créés au titre de l'investissement locatif était retombé à zéro". Les députés ont également considéré que le dispositif Scellier était déjà globalement moins favorable pour les particuliers que les dispositifs Robien ou Borloo, compte tenu de la contrainte supplémentaire pesant sur les loyers des logements financés dans ce cadre.
Le Scellier "vert" n'est toutefois pas abandonné, mais seulement décalé d'un an. Pour les logements non BBC (bâtiment basse consommation), le crédit d'impôt sera ainsi de 15% en 2011 et 10% en 2012, contre respectivement 25% et 20% pour les logements BBC. A partir du 1er janvier 2013 - date d'entrée en vigueur officielle de la norme BBC - s'appliquera un taux unique de 15%.

 

Jean-Noël Escudié / PCA