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Collectivité européenne d'Alsace : le Sénat défend "l'égalité" entre les départements

Adoptant, le 4 avril, le projet de loi sur la collectivité européenne d'Alsace, le Sénat a accepté d'accorder des compétences spécifiques à la nouvelle entité. Mais après avoir autorisé les autres départements de France à demander d'exercer ces compétences.

Au terme d'une discussion qui s'est échelonnée sur trois soirées, le Sénat a adopté jeudi 4 avril au soir à main levée, en première lecture, le projet de loi sur les compétences de la nouvelle "collectivité européenne d'Alsace" qui verra le jour le 1er janvier 2021 par la fusion du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Mais ce texte qui accorde au futur département des compétences supplémentaires (voir ci-dessous notre article du 15 février) concernant notamment la coopération transfrontalière, le bilinguisme, le tourisme, la mobilité ou la culture, a été largement remanié.
Les sénateurs du Grand Est ont bataillé ferme, qui pour renforcer ces compétences, qui pour dénoncer une inégalité de traitement par rapport aux autres départements. Après un long débat, le Sénat a ainsi adopté un amendement de François Grosdidier (LR, Moselle) accordant "tout ou partie" des nouvelles compétences confiées à la collectivités européenne d'Alsace à tous les départements qui en feraient la demande. "Tous les départements de France peuvent revendiquer des spécificités qui justifieraient de leur confier des compétences exorbitantes du droit commun", a estimé le sénateur. Qui entend défendre "les principes d’égalité et d’indivisibilité de la République." La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, s'est élevée contre cet ajout, martelant que le texte "traite du territoire alsacien" et que le gouvernement entend faire du "cousu main."

Taxe sur les poids lourds

Les sénateurs ont donné compétence à la future collectivité pour oeuvrer au bon fonctionnement de la coopération transfrontalière en matière de santé, et lui ont attribué le rôle de "chef de file" dans la promotion de la langue régionale. Contre l'avis du gouvernement, ils lui ont donné la possibilité de déléguer la mise en œuvre de l’aide sociale à des collectivités territoriales (pas seulement à la métropole européenne de Strasbourg). "Il convient que l’aide sociale soit déléguée largement sur le territoire alsacien", a fait valoir André Reichardt (LR, Bas-Rhin), sénateur à l'origine de l'amendement.
Le Sénat a encore attribué à la collectivité alsacienne, à titre expérimental, la faculté d'instaurer une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent des voies de circulation sur son territoire. Un sous-amendement a étendu cette faculté aux départements de l'ex-région Lorraine. De cette manière, les sénateurs ont inscrit directement dans le texte de loi des mesures que le gouvernement envisageait de prendre par ordonnance. L'habilitation accordée au gouvernement "est bien trop vague et risque de ne jamais aboutir", critiquait André Reichardt.
A noter encore : les sénateurs ont rétabli le nom "collectivité européenne d'Alsace", qui figurait dans l'accord signé à Matignon le 29 octobre dernier entre les élus alsaciens et le gouvernement. En commission, les sénateurs avaient préféré le nom plus ordinaire de "département d'Alsace."

Pas une collectivité à statut particulier

Claude Kern (centriste, Bas-Rhin) s'est dit "satisfait du compromis qui a été trouvé", même s'il a regretté que l'Alsace "ne devienne pas collectivité à statut particulier". En revanche, pour son collègue André Reichardt, "le compte n'y est pas", le résultat reste "trop éloigné des attentes des Alsaciens".
Pour René Danesi (LR, Haut-Rhin), le texte amendé par le Sénat "va aussi loin que possible dans le cadre constitutionnel actuel." Les Alsaciens "attendent la révision de la Constitution pour leur permettre de faire un deuxième pas bien plus grand (...) pour retrouver une identité administrative complète." De son côté, Jacques Bigot (PS) a salué "des efforts", mais estimé qu'"il n'y a pas dans ce texte de quoi pavoiser." "Très opposé" au texte initial, François Grosdidier a révisé son point de vue, soulignant que "l'Alsace trouve en partie satisfaction, sans rupture d'égalité."
Le projet de loi doit à présent poursuivre son parcours parlementaire à l'Assemblée nationale, une étape après laquelle sénateurs et députés tenteront d'élaborer un texte commun.

 

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