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Commande publique - Comment réagir face à une offre anormalement basse ? Rappels de la CJUE... et de la DAJ

L'offre anormalement basse n'a pas fini de susciter des interrogations pour les acheteurs publics qui y sont souvent confrontés. Dans la mesure où leur responsabilité est engagée quand ils acceptent une telle offre, leur comportement doit être irréprochable. Mais, quel est le comportement adéquat ?
Par un arrêt du 29 mars 2012, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) est venue clarifier la conduite à tenir par le pouvoir adjudicateur face à une offre qu'il aurait identifiée comme anormalement basse.
La question préjudicielle concernait la conformité de la procédure slovaque d'évaluation des offres au droit communautaire. Dans les faits, un appel d'offres restreint avait été lancé par une société détenue à 100% par l'Etat slovaque pour un marché de fourniture des services de perception de péages sur les autoroutes et routes du pays. Suite à la demande d'éclaircissements faite par la société quant aux prix des offres, deux candidats ont été évincés de la procédure. La juridiction nationale se demandait si cette requête du pouvoir adjudicateur était conforme aux principes européens de non-discrimination et de transparence dans la passation des marchés publics.
La CJUE répond que la directive sur les marchés publics 2004/18/CE du 31 mars 2004 exige du pouvoir adjudicateur un contrôle des offres qu'il considère comme anormalement basses : il a l'obligation de se retourner vers l'auteur de l'offre afin que ce dernier démontre "pleinement et utilement le caractère sérieux de son offre". Cette demande d'éclaircissements doit être formulée de façon claire et précise par le pouvoir adjudicateur, ajoute la CJUE. Ce n'est qu'à la suite des justifications apportées par les candidats que le pouvoir adjudicateur peut être en mesure de décider de l'admission ou du rejet de l'offre en cause. Ce schéma conforte la procédure contradictoire de l'article 55 du Code des marchés publics français.
Il en va différemment lorsque le pouvoir adjudicateur est face à une offre simplement imprécise ou non conforme aux spécifications techniques du cahier des charges : toute demande d'éclaircissements est alors facultative. Elle peut néanmoins être faite à condition qu'elle ne remette pas en cause les offres initiales, afin de ne pas contrevenir au principe d'intangibilité des offres et à l'interdiction de négocier.

L'Apasp

Les contours de l'offre anormalement basse dessinés par la DAJ
La direction des Affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie a profité de cette dernière actualité pour mettre à jour sa note technique relative à "l'offre anormalement basse".
Puisque ni le Code des marchés publics (CMP) ni les directives européennes ne définissent l'offre anormalement basse, la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics a tenté d'en dessiner les contours : "Une offre peut être qualifiée d'anormalement basse si son prix ne correspond pas à une réalité économique." Sa définition est donc liée aux distorsions de concurrence qu'elle est susceptible de produire.
L'arrêt de la CJUE du 29 mars 2012 rappelle qu'obligation est faite à l'acheteur public confronté à une offre anormalement basse de demander des explications. Mais comment détecter une telle offre ?
La DAJ reprend des indices pouvant aider à la décision : le prix de l'offre, la fixation d'un seuil d'anomalie, la comparaison avec les autres offres, l'estimation faite par le pouvoir adjudicateur ou le respect des obligations sociales. Récemment, un arrêt du 1er mars 2012 (voir références ci-dessous) a été l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler que ces éléments devaient être appréciés "au cas par cas" et n'étaient pas en soi révélateurs d'une offre systématiquement basse.
Le maître-mot pour l'acheteur public : rester vigilant à chaque procédure de passation d'un marché public, sachant que la personne publique encourt des risques tant opérationnels que juridiques dès lors qu'elle accepte une offre effectivement basse.

Références : CJUE, C-599/10 du 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko a.s et autres ; circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics ; Conseil d'Etat n°354159 du 1er mars 2012, département de la Corse du Sud.