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Commande publique - Critère prix : quand le juge contrôle l'erreur manifeste de l'acheteur

Un arrêt du 1er mars 2012 a été l'occasion pour le Conseil d'Etat de préciser l'étendue des pouvoirs du juge du référé précontractuel en matière d'attribution de marché.
Dans les faits, un appel d'offres avait été lancé par le département de la Corse-du-Sud concernant un marché de services d'une ligne de transports scolaires. L'entreprise anciennement titulaire du marché a été évincée et a reproché au pouvoir adjudicateur d'avoir choisi une offre anormalement basse. Il s'agissait alors pour le juge administratif d'examiner le critère prix de l'offre contestée.
Le Conseil d'Etat censure l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia en ce que celui-ci avait annulé la procédure de passation du marché aux motifs que l'offre retenue était "de nature à fausser l'égalité entre les entreprises candidates". La Haute Cour administrative estime, elle, que le critère prix n'était pas anormalement bas. En effet, si le salarié de l'ancienne entreprise titulaire du marché devait être repris par le futur titulaire, conformément à l'accord collectif en vigueur, son coût salarial devait être limité aux seules heures effectuées dans le cadre du marché. Par conséquent, cette reprise pouvait se faire à temps partiel dès lors que la nouvelle entreprise avait la faculté de "compenser, notamment par le redéploiement des effectifs en son sein ou (…) la possibilité de leur donner d'autres missions, et donc de n'imputer, pour le calcul du prix de l'offre, qu'un coût salarial correspondant aux heures effectives de travail requises par la seule exécution du marché". Le Conseil d'Etat conclut ainsi que "le prix de cette offre ne doit pas nécessairement assurer la couverture intégrale de ce coût" salarial.
Il s'agit ici d'une nouvelle illustration du pouvoir du juge face à l'appréciation du critère prix dans l'attribution d'un marché public. Son intervention se limite, une fois de plus, au seul contrôle d'une erreur manifeste d'appréciation, laissant ainsi une marge de manœuvre importante à l'acheteur public.

L'Apasp

Références : arrêt n°354159 du 1er mars 2012, Département de la Corse du Sud ; Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics.

Rappels sur l'offre anormalement basse
Les articles 53 et 55 du code des marchés publics réglementent les modalités de sélection des offres, en écartant l'offre anormalement basse.
La circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics précise ce qu'est une offre anormalement basse : lorsque "son prix ne correspond pas à une réalité économique", "une telle offre est de nature à compromettre la bonne exécution du marché conclu sur sa base." Néanmoins, "la seule circonstance que le prix proposé soit très inférieur à l'estimation de l'acheteur public ne suffit pas à justifier le rejet de l'offre." Enfin, "le rejet de l'offre au motif qu'elle est anormalement basse doit, dans tous les cas, être motivé. Le juge administratif exerce un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur la qualification d'offres anormalement basses ou sur leur omission".

 

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