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Conférence du dialogue social : entre maintien des aides et sortie de crise

Alors que la situation sanitaire reste préoccupante, la troisième conférence du dialogue social organisée le 15 mars aurait dû être centrée sur la sortie de crise et l’arrêt progressif des dispositifs de soutien. Mais le Premier ministre a dû aussi évoquer avec les partenaires sociaux le maintien de la majorité des dispositifs notamment en faveur de l’emploi des jeunes. Toutefois, une méthode en trois phases "pour préparer la sortie de crise" a été validée.

Jean Castex l’a lui-même reconnu. "Cela peut sembler paradoxal d’engager une réflexion sur la sortie de crise quand la situation sanitaire du moment reste à ce point tendue et incertaine. Mais c’est une nécessité de nous y préparer", a prévenu le Premier ministre à l’issue de la troisième conférence du dialogue social qui s’est tenue en visio-conférence le 15 mars. Aussi les sujets à l’ordre du jour initial ont-ils quelque peu évolué pour s’adapter à la situation actuelle. Plus question en effet de réduire la prime à l’embauche des alternants (entre 5.000 euros et 8.000 euros selon les cas). Celle-ci est au contraire maintenue en l’état jusqu’à fin décembre 2021, y compris pour les bac+5 et toutes les entreprises quelle que soit leur taille, ce qui représente un "effort budgétaire" de 2,4 milliards d’euros pour l’Etat. Pas question pour le gouvernement d’interrompre l’élan suscité par cette mesure qui a permis de "signer 500.000 contrats d’apprentissage en 2020", a rappelé Jean Castex. Un choix qui aurait, selon le cabinet d’Elisabeth Borne, fait consensus auprès des partenaires sociaux.

Prime "Macron" de 1.000 euros renouvelée en 2021

En revanche, si la prime à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans (4.000 euros) est prolongée de deux mois, soit jusqu’au 31 mai 2021, elle sera recentrée à partir d’avril sur "les salaires inférieurs à 1,6 Smic (contre 2 Smic, ndlr), dans une logique de sortie progressive des aides", a argué le Premier ministre. L’AEJ cessera à partir de juin même si le conseil en analyse économique estime à +14% le nombre d’emplois créés grâce à l’AEJ, soit 50.000 embauches. Toutefois, "nous allons continuer à faire évoluer les dispositifs et à enrichir la palette des solutions en faveur des jeunes en fonction du contexte", a précisé l’entourage de la ministre du Travail.

Cette conférence du dialogue social a également acté l’octroi en 2021 d’une prime de 1.000 euros, défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, aux salariés de la "deuxième ligne" (sur le modèle de la "prime Macron" accordée pendant la crise des gilets jaunes). "Si ces derniers devront bien entendu en être les bénéficiaires privilégiés, cette prime sera pour autant ouverte à tous les salariés", a prévenu Jean Castex.

Il sera d’ailleurs possible "d’en augmenter le montant jusqu’à 2.000 euros dans les entreprises et les branches professionnelles, qui auront soit conclu un accord d’intéressement d’ici à la fin de l’année, soit ouvert une négociation sur la valorisation des métiers concernés".

"La bonne manière de désarmer progressivement les dispositifs de soutien"

Cette conférence du dialogue social a enfin posé les jalons de la sortie de crise en validant une méthode partagée par le gouvernement et les partenaires sociaux invités à participer à une concertation pour "acquérir de la visibilité collective". Cette méthode doit permettre "d’aborder à court terme la bonne manière de désarmer progressivement nos dispositifs de soutien aux entreprises et aux salariés, au fur et à mesure du retour à la normale et en prenant en compte la situation particulière des différents secteurs économiques", a précisé le Premier ministre. 

Les travaux seront animés dans le cadre du groupe de travail paritaire "Réponses à la crise", qui se réunit chaque mois, et s’organiseront en trois phases. La première sera consacrée, jusqu’à la fin mars, aux concertations sectorielles avec les représentants des organisations patronales et syndicales, aux protocoles applicables en levée progressive des restrictions sanitaires et aux accompagnements économiques et sociaux, avec, d’ici à fin mars l’organisation de concertations sectorielles.

Vision territorialisée de la sortie de crise

Lors de la deuxième phase, d’avril à mai, la concertation portera sur le diagnostic économique et financier, ainsi que sur "les scénarios de sortie de crise permettant d’échanger sur les accompagnements économiques et sociaux en sortie de crise dans le cadre du plan de relance". Ces travaux seront également alimentés par la mission parlementaire confiée à Jean-Noël Barrot sur la détection et le besoin d’accompagnement spécifique des territoires fragilisés par la crise et le comité de suivi des mesures d’urgence présidé par Benoît Coeuré, qui fournira "un descriptif précis" de l’utilisation des aides par les différents secteurs d’activité.

Enfin, la troisième phase de la concertation, prévue de juin à septembre, sera dédiée à la préparation aux changements durables induits par la crise qu’il s’agisse de "l’évolution de l’emploi et des compétences nécessaires à la sortie de crise", des changements des pratiques de travail et de consommation, et leurs conséquences sur l’emploi et l’aménagement des villes et des territoires. "De ces analyses prospectives pourront être déduites les mesures de politiques publiques à mettre en place à moyen terme pour anticiper ces évolutions, notamment en matière de formation", précise le ministère du Travail.

  • Aides maintenues pour les entreprises 

Alors qu’Elisabeth Borne avait annoncé le 12 mars la prolongation des règles actuelles de prise en charge de l’activité partielle jusqu’à fin avril 2021, le gouvernement a confirmé le 15 mars le maintien "dans les prochains mois" des dispositifs existants de soutien aux entreprises. Ils seront complétés par les nouvelles mesures pour accompagner les secteurs les plus impactés, notamment une aide pour compenser les charges fixes des entreprises qui subissaient un plafonnement du fonds de solidarité (sur le sujet voir notre article). Un nouveau guichet qui sera ouvert à partir du 31 mars permettra "d’absorber jusqu’à 70% des charges fixes "des entreprises de plus de 50 salariés lorsqu’elles réalisent plus de 1 million de chiffre d’affaires par mois. "Une "bouffée d’oxygène" pour les petits groupes de la restauration, des clubs de sport notamment", fait valoir l’entourage de Bruno Le Maire.

  • Travailleurs détachés : travaux en cours

Le travail détaché et la lutte contre le détournement du détachement reste une réforme prioritaire d’Elisabeth Borne, mais qui n’est plus sur le devant de la scène du fait de l’actualité occupée par la crise sanitaire. "Les travaux se poursuivent", confirme le cabinet du Premier ministre indiquant qu’une mission est en cours avec les branches concernées pour réaliser un diagnostic ; des initiatives ont lieu pour travailler avec les branches sur des sujets tels que les JOP 2024, mais il s’agit de travaux à moyen/long termes car cela impacte certains modèles économiques sectoriels. 

  • La loi "avenir professionnel" au programme de l’agenda social

Dans le cadre de la loi "avenir professionnel" de 2018, le ministère du Travail va lancer une concertation sur la gouvernance financière de France compétences, "autrement dit la régulation de l’équilibre entre les recettes et les dépenses du système de formation professionnelle et l’apprentissage", précise le cabinet d’Elisabeth Borne.

Un travail plus global doit être réalisé sur la formation professionnelle (FP), mais il faudra qu’il soit "articulé" avec l’agenda autonome des partenaires sociaux, un "agenda complémentaire de l’agenda social", a souligné Elisabeth Borne.

Parmi les sujets qui pourraient s’articuler entre les deux agendas, figurent la mutualisation des fonds de la FP pour les entreprises de 50 à 300 salariés ; l’évolution des règles pour faciliter les transitions professionnelles d’une branche à l’autre, d’un Opco à l’autre, sachant que le nouveau dispositif "transitions collectives" (voir notre article du jour ci-dessous)  nécessitera peut-être "des évolutions législatives pour faciliter les choses" ; et sur la VAE (Validation des acquis de l’expérience), "un partage des rôles devra être identifié entre l’agenda social où on réfléchira à la manière de simplifier et digitaliser les processus liés à la VAE pour en faciliter l’accès, et celui des partenaires sociaux qui pourront négocier les moyens pour développer l’usage de la VAE pour tous les salariés dans les entreprises", indique le cabinet de la ministre du Travail.