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Congrès des maires - Finances locales : les élus veulent reprendre leur destin en mains

Lors du débat sur les finances locales de cette 103e édition du Congrès des maires de France, qui – comme c'est la tradition – s'est déroulé au cours de la matinée de la journée de clôture, les maires ont décrié un système de financement des collectivités souffrant de nombreuses imperfections et, donc, auquel il faudra trouver des remèdes au cours du prochain quinquennat. Notamment en vue de la campagne pour l'élection présidentielle, ils ont posé sur la table plusieurs pistes de réforme, comme l'accroissement de la part des recettes de fonctionnement dans les budgets locaux. Des recettes qu'ils souhaitent "libres d'emploi", ou dotées d'un pouvoir de taux.

Au cours de ce débat, qui avait pour thème "Le double défi de l‘investissement et des services à la population", des maires se sont succédé au micro ce jeudi 18 novembre pour dénoncer les vicissitudes de leurs communes confrontées à la complexité des règles en matière de finances locales. Pour telle commune, la modification d'un petit paramètre a eu pour effet la perte d'une partie de la dotation nationale de péréquation (DNP). Pour telle autre, la même cause a entraîné la perte intégrale de la dotation de solidarité rurale (DSR) "cible". Une autre encore a perdu l'éligibilité au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). Dans tous les cas, le résultat a été le même : la capacité de financement de la commune a été subitement amputée et sans que ses élus aient pu l'anticiper. Le "manque de visibilité" des élus locaux sur les ressources de leurs communes est flagrant, ont aussi dénoncé certains, comme Laurence Porte, maire de Montbard (Côte-d'Or, 5.000 habitants). Il est difficile de respecter le principe de sincérité au moment du vote du budget en avril lorsque le montant de l'attribution ou du prélèvement au titre du Fpic n'est connu qu'au mois de juillet, a-t-elle pointé.
La réforme de la fiscalité locale menée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a également été critiquée : le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) avait été instauré afin que pour une commune donnée, les ressources perçues après la suppression de la taxe professionnelle soient identiques à celles perçues avant. Problème : le dispositif ne tient pas compte de l'évolution des bases fiscales de la commune et, donc, par exemple de la fermeture ou de la réduction de la taille de certaines entreprises qui y sont implantées.

Fin de la taxe d'habitation : une compensation insuffisante

L'autre réforme de la fiscalité locale, menée par Emmanuel Macron, a tenté de ne pas reproduire ce défaut, via un nouveau mécanisme : le coefficient correcteur. Mais la réforme n'est pas dépourvue d'effets pervers, selon les élus locaux. Dans un département comme le Tarn-et-Garonne, où les taux de taxe d'habitation n'étaient en moyenne "pas très élevés", le transfert de la part départementale de foncier bâti aux communes pourvoit largement à la compensation de la suppression de la taxe d'habitation. Résultat : 25 millions d'euros "sortent du département" pour être répartis vers des communes d'autres départements. Le maire d'une commune concernée a usé d'euphémismes : "Ce n'est pas très vertueux pour la territorialisation de nos finances." L'AMF déplore par ailleurs l'insuffisante compensation dont les communes font preuve, selon elle. Elle n'admet toujours pas par exemple que les quelque 6.100 communes ayant voté une augmentation du taux de la taxe d'habitation en 2018 ou 2019 soient dans l'obligation de rendre le produit supplémentaire obtenu – via un prélèvement qui doit être effectué cette année sur leurs recettes.
Le pouvoir de taux des communes sur la taxe foncière s'applique cependant de manière pleine et entière, avait tenu à souligner la veille – au cours d'un "point info" sur le bilan de la suppression de la taxe d'habitation – un représentant de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Autrement dit, une commune qui votera une hausse de son taux de taxe sur le foncier bâti bénéficiera d'un produit supplémentaire, qui lui reviendra bien à 100%.

Pour une "remise à plat"

Les "marges de manœuvre" dont disposent les communes et leurs intercommunalités "sur l'évolution des recettes" ont toutefois bien reculé au cours de ce quinquennat, et ce "de manière inédite", selon Antoine Homé, coprésident de la commission Finances et fiscalité locales de l'AMF. Après la suppression de la taxe d'habitation et la réduction des impôts économiques locaux pour les entreprises industrielles, l'État "pilote" 37 milliards d'euros, sur les 114 milliards d'euros de recettes de fonctionnement du bloc communal. Cela représente un ratio de 33%, contre 20% avant ces réformes.
Pour Philippe Laurent, qui lui aussi préside la commission Finances et fiscalité locales de l'AMF, le diagnostic qui est dressé appelle la mise œuvre d'une remise à plat de "l'ensemble du système" : aussi bien les dotations que les ressources fiscales. Il s'agirait non pas de "remettre en place des impôts locaux stricto sensu", mais d'"aboutir à un partage des bases de l'impôt national pour que les collectivités puissent voter des taux additionnels". "Il faut qu'on ait la responsabilité de lever l'impôt, a souligné Philippe Laurent. Il y a un lien étroit entre le rôle institutionnel que nous jouons et notre capacité à lever l'impôt, sinon nous devenons des sous-traitants, et puis nos budgets deviennent des budgets annexes de l'État", a expliqué le maire de Sceaux.

Réformer la DGF

Les maires veulent véritablement retrouver de la liberté dans le système des finances locales. Ce désir se manifeste aussi sur les dotations. À la place de l'actuelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) gérée par le préfet de région et attribuée sur la base de critères définis nationalement, ils préféreraient une dotation à la gestion départementalisée, voire l'intégration de cette dotation à la dotation globale de fonctionnement (car celle-ci est "libre d'emploi"). Avec toutefois, pour cette dernière proposition, l'existence d'une difficulté, soulevée par un maire : il faudra tenir compte du fait qu'aujourd'hui, certaines communes ne perçoivent plus de DGF. Reprendre les commandes des finances pourrait encore passer par une réforme de la DGF – afin que son attribution soit plus juste – mais aussi par un relèvement du montant de celle-ci, ce qu'a demandé par exemple Antoine Homé.
Présent à ce débat – avant qu'il ne rejoigne le Sénat pour le début de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022 – le ministre délégué chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, a admis la nécessité d'une réforme de la DGF. Membre lui aussi de l'actuelle majorité, le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, a acquiescé. "Revoir la DGF de fond en comble (…), il faudra faire absolument cette réforme sous le prochain mandat", a-t-il plaidé. Le ministre et le député ont par ailleurs jugé ensemble nécessaire que soit menée une réforme du FNGIR.

"Pacte de confiance avec l'État"

Sur l'autonomie fiscale demandée par l'AMF, les représentants de la majorité ont été moins allants. Jean-René Cazeneuve s'est dit favorable à ce que le bloc communal dispose d'un pouvoir de taux. Mais selon lui, la nécessité ne s'en fait pas ressentir pour les départements et les régions. "L'autonomie fiscale totale" implique une "prise de risque", a pour sa part fait valoir Olivier Dussopt. Les provinces espagnoles qui sont dans cette situation, ne disposent pas du "filet de protection de l'État", a-t-il pointé. En concluant à la nécessité d'"être vigilant".
C'est encore au nom de la liberté que l'AMF a rejeté l'idée du retour des contrats de Cahors, qui en 2018 et 2019 ont limité l'évolution des dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités. La réintroduction du dispositif "irait à l'encontre de la logique de relance, alors que les collectivités sont là pour investir et développer les services publics", a déclaré Antoine Homé. Qui a appelé de ses vœux, à l'inverse, la mise en place d'un "pacte de confiance" entre l'État et les collectivités, pour favoriser la relance.
N'excluant pas que l'État mette à contribution dans les années à venir les collectivités pour redresser les finances publiques, le président de la commission Finances de l'AMF a aussi tenu à préciser que les collectivités ne devraient pas, selon lui, apporter une contribution supérieure au poids des emprunts du secteur local dans la dette publique française (soit 10%).

 

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