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Congrès des maires - Finances locales : l'AMF bat en brèche l'optimisme de l'exécutif

Selon l'Association des maires de France, plusieurs signaux négatifs (effet différé des conséquences de la crise sur les impôts économiques locaux, coût des normes, retour de l'inflation…) doivent conduire à relativiser l'amélioration de la situation des finances locales et la reprise de l'investissement local en 2021. L'AMF s'appuie sur trois études réalisées avec la Banque des Territoires et la Banque postale qui ont été présentées à la presse ce mardi 16 novembre à l'ouverture du Congrès des maires à Paris.

Les finances locales auraient mieux résisté à la crise que prévu et le rebond dont elles feraient preuve serait plus grand qu'espéré : ces derniers mois, l'exécutif et la majorité à l'Assemblée nationale notamment ont fait preuve d'enthousiasme concernant la situation financière des collectivités locales. Mais le diagnostic n'est pas vraiment partagé par l'Association des maires de France (AMF), qui a passé en revue ce 16 novembre, au premier jour de son congrès annuel, différents indicateurs témoignant selon elle de la persistance de "difficultés". Des données figurant notamment dans trois études inédites ont été présentées à la presse.

Selon une première étude, que l'AMF a réalisée en partenariat avec la Banque des Territoires, l'épargne nette des communes et intercommunalités – différence entre les recettes et les dépenses de la section de fonctionnement, à laquelle on soustrait les remboursements d'emprunts – a reculé de 8% l'an dernier. Soit un repli plus prononcé que celui enregistré en 2008 : cette année-là, la crise financière avait conduit à une baisse de 6% de la capacité d'autofinancement nette du bloc communal.

Forte baisse des recettes tarifaires en 2020

Les recettes de fonctionnement du bloc communal n'ont pu se maintenir (-0,9%), avec une perte de plus de 1 milliard d'euros. Ce choc est rude : en comparaison, ce type de recettes avait enregistré une progression (+0,7%) en 2014, année où les dotations aux collectivités locales avaient été fortement diminuées. La crise sanitaire a particulièrement affecté les recettes assises sur le fonctionnement des services et sur l’activité économique : celles-ci accusent des pertes de 3,2 milliards d'euros. L'analyse par strate de collectivités, à laquelle procède une autre étude, élaborée par la Banque postale pour l'AMF, également en partenariat avec la Banque des Territoires, fait apparaître que les communes de plus de 100.000 habitants subissent les plus fortes baisses pour ce type de recettes. Or les dispositifs de soutien aux finances des collectivités locales mis en place par le gouvernement et le Parlement n'ont pas compensé ces pertes, a tenu à rappeler André Laignel, premier vice-président de l'AMF et président du comité des finances locales.

Dans cette situation, l'investissement des communes et de leurs intercommunalités a été laminé : avec une baisse de 5,27 milliards d'euros en un an, les dépenses d'investissement se sont élevées à 31,12 milliards d'euros. Un recul de l'investissement local est traditionnellement observé au cours de la première année du mandat, mais dans des proportions plus réduites (-6,40% en 2008). La crise sanitaire a donc amplifié fortement les effets liés au cycle communal.

Autonomie fiscale en berne

L'année 2021 se présente certes sous de meilleurs auspices, d'après plusieurs études – par exemple la note de conjoncture de la Banque postale collectivités locales. Mais l'AMF ne s'emballe pas. Elle souligne que les communes et intercommunalités ont reporté en 2021 nombre de chantiers dont l'exécution avait été prévue initialement l'an dernier. Le rebond pourrait donc être provisoire. Son ampleur serait aussi à relativiser. "Si l'on prend en compte l'inflation, on constate que le niveau de l'investissement du bloc communal en 2021 est inférieur de 2 milliards d'euros à celui de 2010", indique Luc Alain Vervisch, directeur des études de la Banque postale collectivités locales. En tenant compte aussi de la croissance démographique sur la période, l'écart est encore plus élevé, complète-t-il.

La reprise de l'investissement local sera-t-elle durable et permettra-t-elle de revenir au niveau de dépenses que le bloc communal avait engagées avant la crise ? L'AMF s'interroge, en faisant part de nombreuses inquiétudes. La poursuite des effets de la crise sanitaire (notamment la baisse attendue de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en 2022) n'est pas la seule en cause. La suppression de la taxe d'habitation, qui aurait donné lieu à une compensation incomplète, ainsi que la réduction des impôts économiques locaux, ont privé les communes et intercommunalités d'une partie du levier fiscal, insiste l'AMF. Il reste certes aux communes la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais on ne peut garantir que cet impôt local ne subira pas le même sort que la taxe d'habitation, estime Philippe Laurent. A force de "rustines", le système arrive à bout de souffle, considère le secrétaire général et président de la commission finances de l'AMF. "On ne peut pas échapper à une mise à plat de tout le système des finances publiques : il faudra aboutir à un partage des ressources publiques entre l'Etat, d'un côté, et les organismes de Sécurité sociale et les collectivités territoriales, de l'autre", avance-t-il. 

Regain de l'inflation

Les décisions que l'Etat a prises, sans concertation avec les employeurs locaux, d'augmenter la rémunération des agents de catégorie C en 2022 et l'accélération de l'inflation depuis le début de l'année pourraient réduire les marges de manœuvre des collectivités, redoutent aussi les maires. A la fin du premier semestre 2021, l'indice de prix des dépenses communales (hors charges financières) a progressé de 1,12% sur un an, comme le met en évidence la Banque postale dans une nouvelle édition de l'évolution des prix du "panier du maire". Cette hausse est presque trois fois plus rapide que l'indice des prix à la consommation hors tabac établi par l'Insee. Elle est ressentie inégalement selon la taille des communes : celles de moins de 3.500 habitants enregistrent la plus forte pression sur un an (+1,21%, hors charges financières).

Les maires font donc face à un ensemble de signaux négatifs. S'agissant de l'investissement local, on peut toutefois miser sur un certain dynamisme. Entre autres dans la mesure où, comme l'a souligné Gisèle Rossat-Mignod, directrice du réseau de la Banque des Territoires, "le mandat qui s'ouvre est celui de décisions attendues et impératives sur l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à ce changement". Face à ces défis, la responsable de la Banque des Territoires a mis en avant son "optimisme". Une "étude flash" que le groupe a menée au cours de l'été dernier auprès d'un échantillon de budgets primitifs de communes et intercommunalités – dont les résultats doivent certes "être confirmés" – font d'ailleurs ressortir une "amélioration". On retrouverait ainsi "des tendances normales du cycle électoral", pour ce qui concerne l'investissement des communes et de leurs groupements.