Congrès des maires – PLF : les associations du bloc local font front à l'unisson

Les représentants de huit associations d'élus du bloc communal ont présenté ce mercredi 20 novembre, dans l'enceinte du Congrès des maires, une motion commune s'opposant aux mesures du projet de loi de finances devant conduire à 5 milliards d'économies de la part des collectivités. Les élus ont une nouvelle fois expliqué en quoi ces mesures seraient contreproductives et doivent donc être abandonnées. Pour eux, c'est bien ailleurs que des économies pertinentes peuvent être trouvées.

Ils étaient tous là. Les présidents ou représentants de l'Association des maires de France (AMF), de l'Association des petites villes (APVF), de l'Association des maires ruraux (AMRF), de France urbaine, d'Intercommunalités de France, de Villes de France, de Ville & Banlieue, de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) - autrement dit toutes les associations d'élus généralistes du bloc local et même davantage -, réunis ce mercredi 20 novembre devant la presse à l'occasion du Congrès des maires. Un fait suffisamment rare pour témoigner à lui seul de l'importance que les intéressés accordent au sujet du moment. En question, évidemment, les mesures financières "que l'État entend imposer aux communes et à leurs groupements dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025" (PLF et PLFSS).

Cet enjeu budgétaire avait largement animé, mardi, la première journée du congrès (voir nos articles de mardi soir sur la conférence de presse finances et sur le débat d'orientation générale). Tout comme il avait déjà marqué les autres congrès d'élus locaux qui ont eu lieu depuis le 8 octobre, jour où le PLF avait été présenté aux membres du Comité des finances locales (CFL). Et tout comme il a donné lieu à de multiples communiqués et déclarations au cours des dernières semaines.

Les huit associations s'étaient rencontrées le 30 octobre dans les locaux de l'AMF pour étudier la chose ensemble et bâtir une réponse collective (voir encadré à notre article du 31 octobre). Cette réponse a maintenant pris forme. Celle d'une motion commune (à télécharger ci-dessous) listant ce que toutes demandent et proposent. "Au-delà de nos différences, nous sommes soudés sur l'essentiel", a souligné David Lisnard (AMF), dont l'association entend être la "maison" de "tous les maires", quelle que soit la taille de la commune. Ceci, précise Luc Carvounas (Unccas), sans vouloir être "un syndicat de maires".

En tout cas, toutes sentent la nécessité de "faire bloc" (Christophe Bouillon, APVF), d'afficher "une position commune face à l'État" (Sébastien Martin, Intercommunalités de France). Et toutes sont au diapason sur l'analyse : le fameux "effort" demandé aux collectivités dans le cadre du PLF sera non seulement "un choc impossible à amortir" par les communes et leurs intercos... mais produira "l'effet inverse" de celui recherché ou affiché par le gouvernement (Jean-François Debat, Villes de France). Il sera "contreproductif pour les comptes publics". Ceci dans la mesure où il aura "un effet récécif sur les rentrées budgétaires de l'État" (David Lisnard).

Toutes les collectivités seront - plus ou moins - touchées

En effet, les élus prévoient que les collectivités, tout au moins les 450 collectivités concernées par le prélèvement de 2% sur leurs recettes réelles de fonctionnement, se traduira par une baisse de l'investissement local. Pour les communes et agglomérations membres de Villes de France ("villes moyennes"), on prévoit "une baisse de l'investissement de 20 ou 30%", indique Jérôme Baloge, maire de Niort. Et beaucoup d'investissements "se boucleront par un recours accru à l'emprunt", complète Jean-François Debat. C'est aussi ce qu'anticipe France urbaine, qui a mené une enquête auprès de ses membres montrant que "ce prélèvement d'une ampleur inégalée" "se traduira pas une épargne nette négative" (François de Mazières, voir notre encadré ci-desous). "L'autofinancement sera massacré". Or "avec un recours accru à l'emprunt, c'est le solde de la France que l'on dégrade – qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités, pour Bruxelles, c'est pareil", explique Antoine Homé (AMF). CQFD. Voilà pour "l'argumentaire" que David Lisnard notamment espère faire comprendre au "sommet de l'État"... et aux parlementaires, en l'occurrence dans l'immédiat les sénateurs devant s'emparer du PLF en séance à partir de la semaine prochaine.

Autre constante : toutes les collectivités seront touchées à un titre ou à un autre. Les plus grandes représentées par France urbaine en tout premier lieu. Pour elles, le "fonds de précaution" (le prélèvelent de 2%) représentera 44% de l'impact des mesures du PLF. Suivent l'écrêtement de la dynamique de TVA (15%) et la baisse du remboursement de FCTVA (11%). Sans oublier par ailleurs la hausse des cotisations CNRACL (15%). L'impact par habitant y sera bien supérieur que sur d'autres types de territoires.

Dans les villes concernées par les quartiers politique de la ville (QPV), qui seront concernées par le fonds de précaution au moins au niveau de leur intercommunalité (sachant que les villes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine, DSU, sont exonérées du fonds de précaution), "l'inquiétude" est également présente, témoigne Gilles LeProust (Ville & Banlieue), qui évoque notamment l'impact sur le financement des associations.

"Quand on prélève sur les EPCI, les départements, les régions, toutes les communes, y compris rurales, en pâtissent", résume David Lisnard. Sébastien Gouttebel (AMRF) en est bien conscient, demandant à ce que les communes rurales "conservent les dotations indispensables au maintien des services publics", sans quoi le "découragement des équipes municipales" sera total.

Retrait des principales mesures

Que demandent les associations dans leur motion ? C'est simple : le retrait des principales mesures d'"économies" contenues dans le PLF. À savoir : retrait des mesures visant l’abaissement du taux et l'ajustement du périmètre du FCTVA, retrait des mesures visant le gel de la dynamique de TVA affectée aux collectivités et  retrait du fonds de précaution inscrit à l’article 64. Retrait, en outre, de la ponction sur la DCRTP (dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle), ponction qui "équivaut à un prélèvement supplémentaire de 0,64% pour les EPCI concernés". Quant à la hausse de la cotisation CNRACL des employeurs territoriaux, les signataires de la motion considèrent que l'équilibre de cette caisse de retraite ne peut s'envisager que dans le cadre d'une "remise à plat globale de l’ensemble du système de retraite des agents publics territoriaux". Et qu'a minima, toute hausse devra être étalée sur six ans.

Plus globalement, ils préconisent "l'institutionnalisation d’une conférence des territoires, représentant l’ensemble des associations d’élus, instance de négociation et de concertation avec l’État, réunie à échéance régulière, afin de s’assurer du respect des engagements financiers réciproques de l’État et des collectivités".

Parallèlement, les élus estiment savoir où trouver les vrais gisements d'économies budgétaires. Surtout du côté de l'État : "Le problème, se sont les dépenses de l'État, nous ne pouvons pas être la variable d'ajustement de sa mauvaise gestion", dit ainsi Antoine Homé. Ou, plus précisément, du côté de "la capacité de l'État à enfin lâcher prise" (Sébastien Martin), sachant que la France serait "le dernier État centralisé d'Europe" et que les chiffres prouvent qu'une gestion décentralisée coûte toujours moins cher.

Ils ont aussi des idées concrètes qu'ils sont prêts à soumettre au gouvernement. Deux exemples parmi bien d'autres : instaurer "un moratoire sur le décret tertiaire" générerait selon David Lisnard 1,6 milliard d'économies ; la "double comptabilité" (liée au principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable) coûterait inutilement 1,8 milliard, indique Sébastien Martin, regrettant que "Bercy refuse la réforme". En poursuivant ainsi la liste, les milliards pourraient rapidement s'additionner.

Qu'annoncera Michel Barnier ?

Ce mercredi en fin de matinée, David Lisnard assurait ne pas avoir d'informations sur les possibles annonces que pourrait faire Michel Barnier jeudi après-midi dans son discours de clôture du Congrès. En fin de semaine dernière, le Premier ministre avait fait quelques concessions aux départements, mais en arguant de leur "situation très spécifique" (voir notre article).

Ce mercredi après-midi au Sénat lors de la séance des questions au gouvernement, il a rappelé avoir annoncé "la rétroactivité de la mesure concernant le FCTVA", ainsi que l'étalement "sur quatre ans au lieu de trois" de la hausse des cotisations employeurs à la CNRACL. Il a en outre signifié qu'il comptait "réduire l'effort demandé aux communes et départements, car il n'était pas toujours juste". Laurent Saint-Martin, le ministre en charge du budget, a pour sa part déclaré lors de cette même séance, au sujet du FCTVA : "Nous débattrons aussi de son recentrage sur l'investissement". Concernant le prélèvement de 2% sur les recettes de fonctionnement, ses propos ont été les suivants : "Le gouvernement est ouvert aux propositions pour revoir la gouvernance et la finalité du fonds de précaution. Vous proposez un gel au sein des collectivités, et non d'un fonds ad hoc ; nous l'expertiserons."

Il est probable que le chef du gouvernement cherchera à recueillir l'assentiment des maires, ou du moins à calmer la fronde, surtout sur d'autres terrains que celui des finances et du PLF. En leur parlant notamment de statut de l'élu... ou de ZAN, sachant que, toujours ce mercredi après-midi au Sénat, il a annoncé que le gouvernement soutiendra la proposition de loi sénatoriale Cambier-Blanc (voir notre article du 14 novembre). Un peu comme il l'avait fait le 9 octobre au Sénat lorsque, déjà interrogé sur les 5 milliards d'efforts aux collectivités, il avait rebondi en annonçant la fin du transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités (voir notre article).

Les territoires urbains en première ligne

Mardi, la veille de la prise de parole commune des associations d'élus du bloc local, France urbaine avait réuni la presse pour faire entendre la voix spécifique des territoires urbains – grandes villes, grandes agglomérations, métropoles. Pour rappeler que les Journées nationales de France urbaine à la mi-octobre à Lyon avaient déjà largement mis en garde contre le caractère "inacceptable" et "injuste" des mesures prévues par le PLF (voir notre article). Pour dire, surtout, à quel point les villes et EPCI représentées par l'association seront tout particulièrement touchés par ces mesures : si les départements ont clamé haut et fort qu'ils seraient victimes de 40% de l'effort demandé aux collectivités, les territoires représentés par France urbaine concentrent quant à eux 40% de l'effort du bloc local. "Nous sommes ponctionnés à tous les étages ; nos territoires sont les seuls à être touchés par l'ensemble des dispositions", abonde Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et premier vice-président de l'association.

S'il est désormais de notoriété publique que 70% de l'investissement public est porté par les collectivités, Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de France urbaine, met en avant le fait que 70% de l'investissement des collectivités repose sur les 450 collectivités visées par le fonds de précaution. D'où ce "risque de récession" lié à un effondrement de leur investissement et à l'impact sur la commande publique locale, entre autres dans le domaine des travaux publics. "C'est au moteur de l'économie que l'on s'attaque", dit l'élue. Et ce, 18 mois à peine avant la fin du mandat municipal.

Johanna Rolland pointe en outre "les enjeux de cohésion sociale", rappelant que les grandes villes concentrent les deux-tiers des populations en situation de pauvreté. Des enjeux écologiques aussi, dans la mesure où ces mêmes territoires urbains représentent les deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre et donc des exigences particulières en termes de transition énergétique. Des enjeux de cohésion territoriale enfin : à travers l'intercommunalité, la moitié des communes liées à France urbaine sont des communes rurales. La maire de Nantes parle à ce titre d'une forme de "populisme territorial", d'une "fausse rhétorique", lorsqu'elle entend dire que "de toute façon, ce sont seulement les plus gros qui vont payer".

"Là, on arrive à des niveaux où on n'est plus seulement sur de l'ajustement budgétaire, il faudra de vraies coupes", appuie Nathalie Appéré, maire de Rennes et secrétaire générale de France urbaine. Chez elle à Rennes, ce serait 15 millions d'euros en moins l'an prochain, soit par exemple un tiers de son budget logement. Ou encore six mois d'arrêt total du métro.

L'enquête menée auprès des membres de France urbaine montre que "l'impact sur les EPCI sera plus fort que sur les communes", notamment "du fait du gel de la TVA et de la baisse de la DCRTP et de la CPS" (compensation part salaires), expose François de Mazières, maire de Versailles. Cette même enquête montre aussi que les villes et EPCI "vont essayer de toucher à tout" pour faire face. Mais vont en premier lieu renoncer à certains investissements, avec "des projets retardés ou abandonnés". Deuxième levier évoqué par les répondants : un recours accru à l'emprunt, avec la "dégradation des ratios financiers" qui s'en suivra. La baisse des dépenses de fonctionnement arrive en troisième position. "Ces dépenses de fonctionnement sont rigides", commente Jean-Luc Moudenc.

"Il faut revoir la copie" du gouvernement, insiste Johanna Rolland. À cette fin, France urbaine a activé plusieurs leviers : une proposition de vœu pouvant être soumise aux exécutifs locaux lors des prochaines assemblées délibérantes, mais aussi voire surtout une action auprès des parlementaires, à commencer par un courrier adressé individuellement à chacun des sénateurs. Enfin, France urbaine "commence à s'interroger sur la constitutionnalité des mesures", tant sur leur "dimension" que sur "l'inégalité de traitement" que celles-ci induisent. Elle n'est pas la seule puisque du côté de l'AMF, tant David Lisnard qu'André Laignel devaient quelques heures plus tard, lors du débat d'orientation générale du Congrès des maires, évoquer l'hypothèse d'une saisine du Conseil constitutionnel.

 

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