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Conseil constitutionnel : le scrutin de la présidentielle "s'est déroulé dans de bonnes conditions"

Le Conseil constitutionnel a décerné le 16 juin un satisfecit, notamment aux maires, pour l'organisation et le déroulement des dernières élections présidentielles. Dans des observations, il a toutefois pointé un certain nombre d'"irrégularités" commises.

"En dépit du contexte particulier induit par la crise sanitaire de la covid-19 et de la guerre en Ukraine, le scrutin des 10 et 24 avril 2022 (…) s’est déroulé dans de bonnes conditions", estiment les neuf membres de la juridiction, dans une décision rendue publique le 16 juin (voir ci-dessous).

Ils constatent que les opérations électorales ont connu un "bon fonctionnement", et soulignent le "grand civisme" dont ont fait preuve notamment les "maires", les "membres des bureaux de vote" et les "scrutateurs".

"Parrainages" : il faut "relativiser"

Revenant sur la polémique autour des "parrainages", qui a animé la pré-campagne pour l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel s'emploie, selon ses propres termes, à la "relativiser". La publication intégrale des parrainages validés, qui est faite en application d'une décision prise par le Parlement en 2016, dissuade-t-elle "massivement" les élus de "parrainer" des candidats, ou limite-t-elle "drastiquement" la "représentation des principaux courants de pensée animant la vie politique nationale" ? Pas vraiment, selon les Sages, qui avancent des chiffres. Ils indiquent, ainsi, qu'ils ont reçu cette année 13.672 "parrainages", ce qui n'est pas sensiblement inférieur aux 14.586 "parrainages" qui lui avaient été communiqués en 2017. En outre, le nombre de candidats (12 en 2022) "est resté proche" de celui des précédentes élections (11 en 2017 et 10 en 2012). Les Sages ne poussent donc pas particulièrement à réformer les règles de parrainage. Si telle devait toutefois être la décision de l'exécutif ou du Parlement, il faudrait engager les aménagements "le plus en amont possible" de la prochaine élection présidentielle, préviennent-ils. En recommandant aussi de "n'envisager qu'avec précaution" l'envoi dématérialisé des "parrainages". Selon la loi, cette nouvelle modalité devra être mise en œuvre à l'occasion de l'élection présidentielle de 2027.

Établissement des procurations : prévoir une date-limite

Mis en œuvre depuis le début de l'année, le répertoire électoral unique (REU) et une téléprocédure spéciale, lancée dans la foulée, ont "contribué à faciliter l’établissement des procurations pour les usagers comme pour les communes", se félicite la Rue de Montpensier. L'institution regrette cependant qu'aucune date limite n'ait été fixée pour cet établissement. Pour elle, la mise en place d'un terme à ne pas dépasser permettrait d'éviter que "certaines procurations établies peu de temps avant le scrutin ne puissent être matériellement prises en compte par les bureaux de vote".

Concernant le déroulement des opérations de vote, le Conseil constitutionnel rappelle que "les protestations" et "les annulations de suffrages" (10.216 annulations après le premier tour et 20.594 après le second tour) ont été "peu nombreuses". Toutefois, les quelque 2.000 délégués du Conseil constitutionnel présents sur le terrain ont constaté "occasionnellement" des "entorses à des règles électorales importantes". Non-respect des règles de composition du bureau de vote, absence de contrôle de l'identité des électeurs dans des communes d'au moins 1.000 habitants, émargement réalisé avant le vote, absence de mise à disposition du procès-verbal… Le Conseil constitutionnel avait pointé les principales "irrégularités" relevées, dans les jours suivant les deux scrutins (voir nos articles parus les 14 et 28 avril derniers).

Vote par correspondance des détenus : peut faire mieux

La mise en œuvre de la possibilité du vote par correspondance des personnes détenues, une première pour un scrutin présidentiel, a été un "succès", estime le Conseil constitutionnel. Il en veut pour preuve "l’augmentation nette du taux de participation" de ces personnes "au premier comme au second tour du scrutin". Pour cette modalité de vote, de "faibles discordances" ont, cependant, été repérées "entre le nombre d’émargements et le nombre d’enveloppes reçues lors du dépouillement opéré à l’issue du premier tour". En outre, "quelques mairies" ont commis des "confusions" dans les listes de personnes détenues.

Ayant certes un "caractère marginal", ces difficultés "pourraient justifier que des mesures soient prises, lors des prochaines élections, pour améliorer la mise en œuvre du vote par correspondance des personnes détenues", conclut le Conseil.

Dépouillement : des pratiques prohibées

En ce qui concerne le dépouillement, il souligne que le décompte de chaque voix "doit intervenir au fur et à mesure du dépouillement". Ainsi, la pratique consistant à regrouper les bulletins par candidats (dépouillement "par tas") est "strictement prohibée". La juridiction considère par ailleurs que "le caractère public des opérations de dépouillement mériterait d’être clairement inscrit dans le code électoral". Elle avait déjà émis cette recommandation en 2012 et en 2017, mais elle n'avait pas été entendue.

Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle qu'une fois le dépouillement terminé, les bureaux de vote doivent transmettre "sans délai" aux commissions de recensement, le procès-verbal "complet" des opérations de vote, accompagné de "l’ensemble des documents requis".

Pour mémoire, le Conseil constitutionnel est, en vertu de la Constitution, chargé de "veiller à la régularité de l’élection du Président de la République".

Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-198 PDR du 16 juin 2022.