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Convention climat : Emmanuel Macron annonce un projet de loi spécifique

C’est dans un contexte particulier, au lendemain d'un second tour des municipales marqué par un fort taux d'abstention et les victoires des écologistes dans plusieurs grandes villes, que les 150 membres de la Convention climat ont été reçus à l'Élysée pour écouter les annonces d’Emmanuel Macron faisant suite à leurs propositions. Toutes seront reprises à l’exception de trois "jokers" qu’il a détaillés. Le devenir des propositions qui visent les collectivités se précise. Un projet de loi spécifique sera présenté à la fin de l’été pour donner corps aux mesures qui relèvent du législatif. Le président de la République a aussi annoncé l'injection de 15 milliards d'euros supplémentaires sur deux ans pour la "conversion écologique de notre économie".

Introduite par Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, qui voit dans la Convention citoyenne pour le climat (CCC) "une innovation majeure pour notre démocratie", la rencontre ce 29 juin dans les jardins de l'Élysée entre ses 150 membres et Emmanuel Macron a débuté par un rappel du fonctionnement et des conclusions de cette assemblée de citoyens. "Nos propositions constituent un ensemble cohérent. Par exemple, interdire de publicité les produits, services ou véhicules ayant le plus d'impact carbone peut sembler une mesure radicale. Or elle n'est pas isolable mais forme un tout avec le contenu des autres", a illustré Mélanie, l’une des six membres de la CCC tirés au sort pour défendre les 149 propositions nées de ces travaux. Mandatée pour proposer des mesures permettant de réduire de 40% par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 "dans un esprit de justice sociale", la CCC estime nécessaire de rétablir cette dernière en s’appuyant sur les territoires, ses élus et concitoyens : "L’application de nos mesures, leur transformation en loi, bénéficieront à un grand nombre de Français et amélioreront leur qualité de vie." 

Un projet de loi spécifique 

Après avoir salué leur travail, ce dispositif, les parties prenantes à sa gouvernance (experts, comité légistique) et la cohérence de l’ensemble - "ce ne sont pas une série de mesures qui s'additionnent" - Emmanuel Macron a rappelé les conditions de la reprise "sans filtre" des propositions en question. "J’irai au bout du contrat moral qui nous lie et souhaite que toutes vos propositions soient mises en œuvre au plus vite." Toutes à l’exception de trois, détaillées plus bas. Celles relevant du réglementaire seront traitées lors du prochain Conseil de défense écologique prévu d’ici la fin juillet, les autres seront soumises au Parlement avant la fin de l’été. D'autres seront intégrées au plan de relance qui sera économique, écologique, social et soumis au Parlement d’ici la fin de l’été. "Dès demain, des groupes de travail seront mis sur pied pour donner suite à vos propositions. Un projet de loi spécifique sera présenté à la fin de l’été qui intégrera l’ensemble des mesures entrant dans le champ législatif", a précisé le président. Les membres de la CCC seront associés au suivi des mesures à retravailler ou compléter. Le président de l’Assemblée nationale les recevra la semaine prochaine. "Il y aura une suite. La démocratie délibérative ne doit pas s’arrêter à la porte des ministères et du Parlement. Je vous propose d’être associés à toutes les étapes. Tout au long de ce suivi, vous disposerez d’un droit d’alerte, pour nous dire si quelque chose se bloque ou se vide de son ambition." 

Devenir des propositions visant les collectivités

Une série de propositions de la CCC, notamment celles sur l’efficacité et la rénovation énergétique des bâtiments, l’urbanisme et l’artificialisation des sols ou encore les mobilités, relèvent des compétences des collectivités. Elles sont marquées par la volonté d’amplifier l'existant, de lever des freins ou d’accélérer le rythme - non sans introduire certaines nouveautés (voir notre article du 22 juin 2020). Citant celles qui visent à augmenter le nombre de parkings relais, à interdire les véhicules polluants dans les centres villes, à muscler les filières de recyclage des déchets et les clauses environnementales dans les marchés publics, Emmanuel Macron a souligné qu’elles nécessitent un dialogue avec les maires et élus locaux. Les associations qui les représentent seront réunies par le gouvernement pour discuter de leur mise en œuvre et intégrer le fruit de ces échanges dans les modifications législatives nécessaires qui seront ainsi intégrées au projet de loi.
Le chef de l'État a insisté sur le problème de "qualité" dans l’aménagement du territoire que le phénomène des gilets jaunes a fait ressurgir, et affirmé son soutien à l’objectif de lutte contre l’artificialisation pour "retrouver une ville à échelle humaine où on vit mieux, avec moins de voitures" et où l’on "retrouve des commerces de centre-ville". Il dit "partager" les propositions fortes de la convention pour "mettre fin à la bétonisation". "Vous proposez un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes : allons-y, agissons !", a-t-il ajouté.

15 milliards d'euros pour la "conversion écologique" de l'économie

Emmanuel Macron a salué le fait que les citoyens ont assumé de "placer l’écologie au cœur du modèle économique en faisant le pari de l’investissement dans les technologies de demain", et rejeté tant le productivisme à tout va que la décroissance qui n’est pas "une réponse". Pour preuve, selon lui, quand l’économie était quasi à l’arrêt en raison de la pandémie de coronavirus et des mesures de confinement, les émissions n'ont été réduites "que de 8%".
Le président a donc annoncé 15 milliards d’euros supplémentaires pour "la conversion écologique de notre économie", injectés sur deux ans, qui seront "au cœur du plan de relance que nous sommes en train de préparer". Ils permettront de rénover les bâtiments, d'investir dans les transports propres, l’industrie de demain, les énergies décarbonées, les réseaux et la préservation des ressources en eau.

Conserver des jokers

Le chef de l’État a rejeté la proposition faite par la CCC de réécrire le préambule de la Constitution pour disposer que "la conciliation des droits, libertés et principes ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité" : "Placer la protection de l'environnement au-dessus des libertés publiques, au-dessus même de nos règles démocratiques, je considère que cela serait contraire à notre texte constitutionnel et à l'esprit de nos valeurs." Mais il se dit favorable à l’idée d’introduire dans l'article 1er de la Constitution les notions de biodiversité, d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, à l’issue d’un travail de réforme constitutionnelle à faire aboutir d’ici la fin 2021. 

Emmanuel Macron ne retient pas non plus la proposition de taxer à 4% les dividendes des entreprises supérieurs à 10 millions d’euros car imposer une telle taxe "réduirait notre chance d’attirer l’investissement supplémentaire" à un moment où "nos entreprises ont besoin d’innover, de changer de modèle et donc d’attirer des capitaux". Il défend par ailleurs l’idée de reporter le débat sur la réduction de la vitesse maximale sur les autoroutes de 130 à 110 km/h, car la transition écologique ne doit pas se faire "au détriment des communes, des régions enclavées et qu’il ne faut pas stigmatiser les gens, les diviser mais bien réussir à les embarquer tous ensemble". Et estime que le chantier de la fiscalité verte doit rester ouvert, pour qu’elle devienne plus incitative et intègre mieux une juste tarification du carbone, ce qui supposera de transformer certains de nos impôts". Enfin, il souhaite que d’autres conventions citoyennes soient organisées sur d’autres sujets et que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’en charge, dans des modalités à préciser dès le prochain conseil de ministres. 

 

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