Corrèze : douze maisons du département pour se rapprocher des usagers

Les villes ont créé des mairies de quartiers, le conseil général implante des maisons du département. Véritables laboratoires d'expérimentation pour de nouvelles formes d'accès aux services publics, elles permettent aussi l'animation et la redynamisation des centres-bourg.

"Le concept des maisons du département est plus ancien que l'expérimentation de nouvelles formes d'accès aux services publics pour laquelle la Corrèze a été retenue. Mais elles sont un formidable outil qui permet d'avancer concrètement dans cette expérimentation", explique Marie-Pierre Chassaing-Deguine, directeur du développement local au conseil général de Corrèze. De fait, les maisons du département faisaient partie des vingt actions prévues dans Corrèze 2020, programme dont l'un des objectifs consiste à rapprocher l'administration départementale des habitants du territoire, même dans les zones les plus rurales. Le principe de ces maisons a été adopté en décembre 2001, leur contenu développé en 2002 et les deux premières ont ouvert en juillet 2004, à Eygurande et Uzerche.
Le conseil général a prévu d'en créer douze, d'y consacrer 3,8 millions d'euros en investissement et 1,5 million d'euros en fonctionnement sur dix ans ; trois sont actuellement opérationnelles et quatre autres le seront courant 2006. "A Eygurande, nous avions déjà un point public reconnu par la Datar", précise Marie-Pierre Chassaing-Deguine. Et d'énumérer les publics visés - particuliers, associations, communes... - et les démarches immédiatement réalisables dans les maisons du département : inscription aux transports scolaires, demandes de subventions, problèmes techniques sur les routes départementales, retrait de dossiers pour l'aide sociale ou les bourses...

Mutualiser les moyens dans les petits cantons

Toutes ces maisons comprennent des bureaux pour les assistantes sociales et les agents du conseil général, et d'autres bureaux dits "tournants" pour les organismes qui le souhaitent. En effet, tous les organismes (CAF, chambre d'agriculture, impôts...) peuvent passer des conventions avec le conseil général pour tenir des permanences - régulières ou ponctuelles - dans les maisons du département, ou y mettre de la documentation. "Chacun de ces partenaires doit fournir une formation sommaire aux agents des maisons de manière à ce qu'ils puissent renseigner, même a minima. Sans prétendre être des spécialistes, ces agents doivent pouvoir donner des informations, établir un contact direct avec l'organisme, voire organiser un rendez-vous." Marie-Pierre Chassaing-Deguine insiste : "Il est hors de question qu'un usager entre avec un problème et ressorte sans un début de solution !"
Si le prêt d'une salle est gratuit pour des permanences ou des réunions ponctuelles, d'autres organismes - tels, à Eygurande, la communauté de communes et l'instance gérontologique - louent des bureaux à l'année pour établir leur siège à la maison du département. "Dans les petits cantons, c'est intéressant de mutualiser les moyens." Autre intérêt, plus inattendu, de ces maisons : elles sont installées dans des bâtiments anciens, permettant ainsi la réhabilitation du patrimoine d'une commune. Par ailleurs, implantées en centre-bourg, elles participent ainsi à son animation et à sa redynamisation.

Le visioguichet, un vrai service pour une population âgée

"Ces maisons du département, conjuguées avec une autre volonté forte du conseil général - apporter le haut débit en tout point de la Corrèze -, permettent actuellement d'expérimenter à Eygurande une nouvelle forme d'accès aux services publics : le visio-guichet", explique Marie-Pierre Chassaing-Deguine. Baptisé Visio@Corrèze, il est composé d'une caméra web, d'un téléphone, d'un scanner et d'une imprimante, le tout installé dans un espace confidentiel. Ainsi, les utilisateurs peuvent, sur rendez-vous, contacter un agent de la CAF ou de la Cramco (Caisse régionale d'assurance maladie du centre-ouest) sans parcourir des kilomètres. Ils peuvent interroger leur interlocuteur, l'informer de l'évolution de leur situation, mais aussi échanger des documents et remplir des formulaires à distance.
Un réel service pour une population plutôt âgée qui dispose rarement de matériel informatique et peut, à la maison du département, se faire aider par l'agent d'accueil. "Il s'agit de nouveaux services. En aucun cas le visioguichet n'est un moyen pour ces organismes de se désengager de leur présence physique sur les territoires." Et de chiffrer le coût du visioguichet d'Eygurande, assumé par la Cramco : 13.000 euros HT. "Sans compter la disponibilité de l'agent ! Ce n'est pas neutre."
Un bilan sera dressé d'ici quelques mois en sachant que Visio@Corrèze ne peut être évalué avec un objectif de retour sur investissement mais "en tenant compte du service rendu aux habitants".

Olivier Jacquinot / Innovapresse Limoges pour Localtis

"La notion d'équité est substituée à celle d'égalité"

Trois questions au collectif creusois de défense des services publics.

Quel regard portez-vous sur la Conférence nationale des services publics créée par Jean-Pierre Raffarin en février dernier ?

Le collectif creusois estime que cette déclaration du 17 février 2005 était placée sous le signe de l'ouverture, bien qu'elle réduise le problème à une opposition entre le milieu rural et le milieu urbain, ce qui ne devrait pas être le cas. Malheureusement, depuis cette annonce, il n'y a eu que très peu d'avancées et les conditions requises pour un travail en collaboration - aucune fermeture de service public ou suppression de poste s'il n'y a pas accord localement - ne sont pas respectées. De plus, le Premier ministre a changé... alors on perd du temps et pendant ce temps-là, les services publics disparaissent.

Que pensez-vous des expérimentations dans les départements pilotes?

En Creuse, nous avons souvent servi de cobaye mais n'avons pas fait partie des quatre premiers départements pilotes. En revanche, selon le collectif des Charentes, qui a analysé ces expérimentations, les résultats sont catastrophiques.

Quelle est votre vision des services publics ?

Les services publics ont été créés dans un souci de solidarité pour tous ; c'est le moyen par lequel la République assure l'égalité de tous les citoyens, en tout point du territoire. Nous y tenons particulièrement, qu'on soit élu, syndicaliste ou usager. Or aujourd'hui, ce souci de solidarité n'est plus assez affirmé dans les faits et on ose, au nom de la liberté économique, justifier la disparition de ces services. En fait, la notion d'équité est substituée à celle d'égalité, la notion d'individualisme à celle d'humanisme, les biens marchands aux biens publics. Nous pensons que d'autres politiques, en France comme partout, sont non seulement possibles mais aussi indispensables. Les mobilisations de plus en plus fréquentes pour les services publics témoignent de l'attachement de la population à ceux-ci et les effets d'annonce ne suffisent plus !

"La Poste ferait mieux de maintenir les receveurs"

Pour Claude Guerrier, maire de Saint-Sulpice-le-Guérétois (Creuse) et président de la commission départementale de présence postale territoriale, il est essentiel de tenir compte du rôle social des services publics.

"A première vue, les nouvelles dispositions prises par La Poste concernant les agences postales communales pourraient sembler séduisantes. Nous serions en effet dans une logique proche de celle des services publics puisque la mission serait confiée à un agent communal. De plus, les créneaux horaires consacrés à l'activité postale et ceux dédiés aux tâches administratives communales pourraient s'additionner." Le président de la commission départementale de présence postale met toutefois en garde : "Les deux activités nécessitent une grande disponibilité et ce n'est pas évident de passer de l'une à l'autre".
Paul Guerrier craint surtout que "l'augmentation substantielle des sommes versées aux communes fasse céder de nombreux maires et qu'à terme, nous n'ayons plus en zone rurale un service postal digne de ce nom". Et d'afficher encore davantage de réserve quant aux Points Poste, "puisqu'il s'agit de confier des missions de service public à des personnes autres que des agents de la fonction publique". D'après lui, on rentrerait là dans "une logique ultra-libérale qui conduit à la suppression des services publics et de leurs personnels". D'après cet élu, "La Poste ferait mieux de maintenir les receveurs qui consacrent leur matinée à la distribution et l'après midi au guichet. Et qui, dans ces deux tâches, ont un rôle social essentiel dont il faudrait enfin tenir compte".

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